Et puis un soir, tout a dérapé. Assise sur le lit, une dizaine de nuances de violet sous les yeux, Milo arrachait les pétales des fleurs qu'elle cultivait depuis des mois. Des centaines de fleurs lui passèrent sous les doigts, au fil des larmes qui coulaient sur ses joues creuses. Sa peau était pâle, ses lèvres gercées, et pour la première fois depuis qu'Ezra l'avait rencontré, elle lui paraissait vide. Complètement vide. Une carapace abandonnée, mal conservée, malmenée par le temps. Ca lui faisait mal, de la voir dans un tel état. Ca lui faisait mal, parce qu'elle n'avait jamais été comme ça devant lui. D'ordinaire, elle fuyait, se réfugiait dans son appartement durant de longues journées, et hurlait à s'en exploser les poumons lorsqu'il osait aller la voir. Alors, sans rien dire, Ezra pénétra dans la salle de bain, et ouvrit les robinets. La baignoire se remplit sous ses yeux fatigués, tandis qu'il retroussait ses manches et s'éloignait pour fermer la porte d'entrée à clef.
Ce n'était pas faute d'avoir essayé. Après tout, contrairement aux autres amants de Milo, lui était resté. Malgré les crises, malgré le silence, malgré la dépendance de cette fille qu'il n'aurait jamais du approcher, malgré les nuits faites de gémissements, malgré les pleurs, malgré la violence dont elle savait faire preuve, malgré les bleus sur ses poignets.
Ezra fit rapidement marche arrière, les paupières closes. Un goût âcre noyait sa langue à mesure qu'il se rapprochait de Milo, de ses longs cheveux roses, et des pétales de chrysanthèmes qui inondaient la couette. Elle ne le vit pas arriver, ni passer derrière elle. Elle ne l'entendit pas non plus lui murmurer je t'aime. Milo sentit simplement les mains d'Ezra emprisonner sa bouche alors qu'il la soulevait, tant bien que mal. Elle était agitée, le mouvement de ses pieds fendait l'air. Et, Ezra se retenait de gémir de douleur, de pleurer. Il se retenait de la reposer par terre, et de s'excuser. Milo s'agrippa à la porte de la salle de bain, à la poignée, au point d'en abîmer le bois et de la casser.
Puis.... plus rien.
« Nothing ever ends poetically. It ends and we turn it into poetry. All that blood was never once beautiful. It was just red. »