Les semaines passaient, sans grand changement. Timéo passait toujours la plus grande partie de ses soirées chez moi et les cours s'accumulaient dans mon esprit, sans me marquer plus que ça. Depuis mon rêve de la dernière fois, je n'osais même plus regarder Monsieur Martin dans les yeux. J'avais hésité plusieurs fois à sécher son cours mais je me disais que c'était plus contre-productif qu'autre chose. Parfois je me surprenais à penser à lui et j'avais envie de me taper la tête contre le premier objet qui me passait sous la main. Lui, c'était comme s'il savait, comme s'il était conscient qu'il créait chez moi une sorte d'ouragan, comme s'il prenait plaisir à tout détruire sur son passage. J'avais l'impression que ses yeux brûlaient mon front et que son sourire se moquait de mon innocence.
"Yanis tu saurais peut-être nous dire quels sont les aspects du soft power des Etats-Unis ?"
Moquerie, fourberie, violence, supériorité, je n'allais jamais tenir.
Toute la classe rit, Monsieur Martin y compris. Je les regardai tous avec un air troublé. Timéo se pencha vers moi:
"T'as une ex qui travaille pour le gouvernement américain pour avoir autant de haine en toi ?"
Au moment où je comprenais avec horreur pourquoi toute la classe riait, Monsieur Martin enfonça le clou:
"Je ne dois pas avoir bien lu le manuel je crois, car j'ai raté ce chapitre là Yanis. Peut-être que tu serais plus au point avec les simples questions de cours que je te pose si tu ne rêvassais pas sans arrêt, non ?"
"Excusez-moi Monsieur..."
"Si tu veux faire ton spectacle tant que ça, la salle de classe n'est pas le lieu approprié, et je crois que cela fait plusieurs fois que je te reprends sur ce fait. Prends une option cirque ou théâtre, je ne sais pas, mais mon cours n'est pas fait pour ça."
Je ne pris pas la peine de m'excuser une nouvelle fois et baissai les yeux. Je n'allais pas lui dire que si je n'arrivais pas à écouter c'était de sa faute à lui et à son foutu regard.
La sonnerie qui annonçait la fin des cours et le début du week-end ne me fit rarement aussi plaisir que ce jour-là. Je rangeais mes affaires avec vitesse, mais Timéo ne semblait pas comprendre ma hâte puisqu'il prenait tout son temps, parlait à des gars de la classe et rangeait sa trousse stylo par stylo. J'allais l'étrangler. Il se tourna vers moi:
"Tu viens chez moi ce soir ? Ma mère n'est pas là mais j'ai pas envie que ta mère pense que sa maison est mon hôtel."
"Moi ça me va, mais t'inquiète pour ma mère, ça lui fait toujours plaisir."
Timéo allait me répondre quand il fut coupé par la voix que je tentais justement d'éviter.
"Yanis, est-ce que tu pourrais venir me voir un instant s'il te plait ?"
Je m'approchai lentement de son bureau, et Timéo me suivit, son sac déjà sur le dos.
"Non Timéo, j'aimerais parler seulement avec Yanis, tu devrais survivre sans lui pendant une minute, attends le dans le couloir."
Mes mains tremblaient et j'avais l'impression que tout le sang de mes jambes s'était exilé dans mes joues. Je voulais juste rentrer chez moi, ou chez Timéo apparemment, n'importe où tant que ce n'était pas ici.
"Yanis... Je dois dire que je m'inquiète pour toi. Au début de l'année tu semblais être un garçon intéressé. Je me suis même renseigné auprès d'autres de tes professeurs et ils m'ont tous dit que tu étais bavard et que tu pouvais faire ton rigolo, mais que tu étais toujours resté un élève sérieux. Là tu n'écoutes pas en cours, tes blagues sont à la limite de l'insolence et tes résultats sont en chute libre, et ma matière n'est pas la seule concernée. Je suis persuadé que tu es capable de mieux faire, mais si tu ne fais pas d'effort je demanderais à ton professeur principal de prendre rendez-vous avec tes parents, cela ne peut pas continuer comme ça."
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Afterclass
RomanceYanis, 16 ans, ne pensait pas qu'il éprouverait un jour ce sentiment. Surtout envers son professeur de géopolitique qui avait apparemment un attrait tout particulier pour son élève. Mais cette relation est impossible, rien ne leur permet d'entreteni...