Retours en ville

6 1 0
                                    

Lorsque les aventuriers se présentèrent devant la grande porte de la ville, le soleil avait déjà parcourru plus de la moitié de la voute céleste et la lumière froide de l'automne baignait les toits orange des maisons. Le grincement des lourds battant de bois raisonna pour révéler peu à peu la longue artère qui filait droit du nord au sud de la ville.
Lorsqu'il eut dépassé la haute muraille de pierre, une chose sauta aux yeux du jeune homme : les rues étaient presque vides. Bien sûr, elles n'étaient pas tout à fait désertes mais lors de son premier séjour, l'un des éléments qui l'avaient le plus marqué était l'éfervescence qui reignait entre les murs. Cette fois-ci, il n'y avait pas de cris, pas de foule, pas de bousculades, juste quelques regards curieux pour se poser sur les nouveaux arrivants. Sans un mot, sans même luter pour se frayer un chemin, le petit groupe marcha quelques mètres sur la grande rue principale avant de s'engouffrer dans les ruelles. Même ici, il semblait manquer quelque chose.
La grande majorité des marchands qui d'ordinaire étendaient leurs tapis et leurs draps pour y entreposer la marchandise manquaient à l'appel, il ne restait plus dans le dédale de maisons qu'une poignée de commençants et une terre encore humide de la pluie qui l'avait changé en boue la veille. Un instant, Arik eu l'impression de se retrouver au village. À cette pensée, un souffle de culpabilité se répendit en lui comme une encre noire dans un flacon d'eau. Mais bientôt c'est l'agacement qui recouvrit tous ses autres états d'âme. Il en avait assez de penser à celà, sa culpabilité l'avait suivie du village jusqu'à aux sous bois, du sous bois jusqu'aux champs et des champs jusqu'ici. Il en avait assez, plus qu'assez.
Se forçant à penser à autre chose, Arik s'empressa de demander :
-"Nous allons à la guilde ?"
-"Non," répondit Nirven qui marchait en tête. "nous rentrons directement à l'auberge, la guide sert d'intermédiaire entre l'aventurier et le client mais n'impose aucun compte-rendu."
-"Et pour le camp de gobelin ?" Objecta Agheel.
-"Nous le signalerons une fois que nous aurons déposé nos affaires." Décida le chef du groupe.
-"Mouais, j'approuve... ch'uis crevé !"

Après s'être délestés de leurs sacs, les aventuriers se dirrigèrent vers la guilde lorsque deux enfants déboulèrent d'une ruelle adjacente. Le premier passa entre les jambes d'Agheel en criant à son ami, en retard de quelques foulées :
-"Dépèches toi, il sont là !"
-"Hein ? Qui est là !?" L'interrompit l'homme au bouclier.
-"Ben les marchand !" Répondit spontanément l'enfant avant reprendre sa course en tournant à nouveau quelques mètres plus loins. Curieux, il rejoignit le tournant où avait disparu l'enfant, regarda à l'autre bout, et se retourna vers ses companions, ses yeux bleu écarquillés.
-"Euh... Nirven ?" Se contenta-t-il d'articuler en pointant le doigt dans la direction de la rue.
Son chef le rejoint, suivi d'Arik et de la jeune femme sui virent à leur tour apparaître au bout de la longue ligne droite un verritable torrent de têtes quasi-ininterrompu qui déferlait sur les pavés de la grande artère que rejoignait la rue depuis laquelle ils observaient.
-"Euuuh... on fait quoi ?" Demanda Agheel, avec un ricus nerveux.
-"Allons-y." Répondit sans hésitation le chef du groupe, un sourire au coin des lèvres. Sur ces mots, le mage se dirrigea à grand pas vers la marée humaine, saisit d'un entrain presque semblable à celui d'Arik que ce dernier ne lui reconnut pas. Suivi de loins par la bestiale peu enthousiaste et de près par Agheel et le jeune homme, intrigués par le changement d'attitude de leur chef, ils furent littéralement avalés par la foule qui marchait, pareille à un torrent impétueux reforcé par les innombrables rivières humaines qui se déversait des ruelles adjacentes vers un océan de vêtements et de têtes aglutiné autours d'un bien étrange convoi.
À une centaine de mètres, arrêtés en plein millieu de la place centrale, masquant même le grand mémoriel de pierre, se tenait une longue file de calèches, si l'on pouvait les appeller ainsi.
Certaines, hautes comme une maison, étaient structurées par de longues barres d'acier rouillé qui dessinaient une forme semblable aux squelettes de bâteau que le jeune homme avait vu représentées sur de vieux parchemins. Les poutres centrales, larges comme des troncs d'arbres, se voyaient recouvertes d'un ensemble de larges peaux écailleuses de couleurs aussi diverses qu'elles étaient ternies par le soleil, la pluie et le vent. D'autres plus petites, recouvertes dans leur intégralité de lourdes baches sur lesquelles on pouvait observer de longues lignes de symboles aux formes étranges et complexes faisaient penser à d'étranges tortues de couleur desquelles pendaient de vieilles lanternes cabossées. À l'avant de ces véhicules extravagants s'étalaient de longues échopes de bois garnies un nombre ahurissant de fioles en verre aux formes diverses et variées tandis que dans la pénombre s'agitaient des marchands aux traits indisernables si bien que ces véhicules ressemblaient moins à des magazins qu'à l'antre d'hermites aux connaissances ésotériques que l'on aurait monté sur roulettes.
D'autres encore, plus rares cette fois que leurs companions de bois et de fer, constituaient à eux seuls de verritables scènes ambulantes au planteau assez large pour y faire tenir côte à côte la bonne dizaines de personnes qui s'agitaient, jonglaient, dansaient, chantaient, invitant par leurs grands gestes à admirer, approcher, contempler les articles que présentaient les autres véhicules dont certains, encore, constituaient à eux seuls de verritables festivaux de couleurs vives et de tissus exotiques choisis avec la plus infinie précotion pour mettre en valeur la miriade de vêtements, d'armes et d'autres babioles en tout genre qui reposaient en vrac sur les étalages, dont le bois finement ouvragé offrait à lui seul un verritable régal pour les yeux de qui savait en apprécier la qualité.
Les caravanes les plus imposantes étaient tractées par deux voire trois quadriges de titanesques chevaux noirs ou bleu profond à la crinière couleur rouille de preque deux mètres de haut dont la musculature saillante roulait sous l'épais cuir monochrome. D'autres plus frèles avaient pour atelage quelques chevaux de trait, voir même de simples ânes tandis que certains, plus rares et plus exotiques encore, étaient tirées par des variétés d'équidés dont le jeune homme ne soupçonnait même pas l'existence et à bord de chaque véhicule se trouvaient des marchands des, des négiciants, des antiquaire et des troubatours de toutes races et de toutes ethnies dont l'acoutrement proposait une telle variété que l'on se croyait parfois voyager d'un monde à l'autre entre deux équipages.
Les caravanes se révélaient les une après les autres à mesure qu'Arik avançait, presque submergé par l'immence déferlement humain.
Bientôt, un homme vêtu d'une longue cape rouge escalada l'un des plus hauts véhicules en tenant son large chapeau de cuir de la main gauche pour l'empêcher de tomber et lorsqu'il arriva au sommet, s'évertua en vain à faire entendre quelque son en provenance de sa gorge, instantanément noyés dans le tumulte auditif qui saturait l'espace.
L'inconnu attendit un instant avec un air dépité puis se résigna et fit un signe à quelqu'un d'autre en dessous de lui.
Quelques secondes passèrent puis sans prévenir, trois boules de feu s'élevèrent dans le ciel en sifflant.
Le jeune homme ne su dire par quelle magie mais ces boules de feu irradiaient d'une lumière d'or qui laissait dans son sillage une trainée d'innombrables étincelles incandescentes. Elles glissaient dans l'air et sifflaient, hurlaient, hurlaient à déchirer le ciel si bien que cet unique son suffit à faire taire la foule indomptable. Les trois flammes d'or, comme satisfaites par le silence des spectateurs, cessèrent alors d'émettre le moindre son.
Comme avertis par une force mystérieuse, tous les sens d'Arik se mirent en alerte si bien que cette unique fraction de seconde de calme lui parut une heure entière.
Les flammes s'éteignirent. Les specteurs retinrent leur souffle.
Soudain, un grondement d'une profondeur démentielle emplit l'espace, si puissant, si résonnant qu'on crut que le tonnerre lui-même avait répondu au hurlement des flammes.
Un instant auparavant, comme si elles avaient prédit la réponse du tonnerre, les flames d'or réapparurent, se multiplièrent, se consumèrent elles-même, fusant dans toutes les directions en trois explosions d'une violence inimaginable.
Le jeune homme cru que son coeur venait de se détacher.
Un prédateur capable de défier de tonnerre apparu de nulle part venait d'illuminer le ciel, plus grand, plus puissant encore que le soleil couchant.
Autour de lui, tous les spectateurs se protégèrent le visage, les souffles étaient courts, les enfant criaient.
Consumées par leurs propres ardeurs, les flammes d'or retomèrent, s'affaiblirent... disparurent.
Le tonnerre lui aussi s'était tu. Il était sûrement déjà reparti lorsque la foule reprit ses esprits. Ceux qui s'étaient recroquevillés se redressèrent avec prudence, ceux qui s'étaient bouchés les oreilles abaissèrent lentement leurs bras et ceux qui s'étaient cachés les yeux purent à nouveau observer l'inconnu toujours sur son véhicule prendre une grande inspiration avant d'annoncer au millieu du même silence qui envahissait les terres après une bataille :
-"LE MARCHÉ EST OUVERT !"
Quelques secondes passèrent. De discets chuchotements se firent entendre ça et là, se promenaient à travers la foule, forcissaient se multipliaient jusqu'à se métamorphoser en ce même vacarme assourdissant qui reignait quelques instants plus tôt et la marée humaine repartit de plus belle, se rua sur les véhicules et déjà, les pièces coulaient à flot. Les objets passaient de main en main, les gens se bousculaient pour admirer les scènes mobiles sur lesquelles des artistes commençaient une représentation.
Les choses s'étaient enchainées trop vite, l'espri d'Arik était surchargé de questions si bien qu'il resta planté là, tentant en vain de résumer les derniers évènements.
-"Euh... Nirven... c'était quoi, ça ?" Demana Agheel qui se tenait juste derrière le jeune homme.
-"C'est la Caravane." Expliqua le chef du groupe. "Un énorme convoi de marchands ambulants... ils passent par ici à peu près tous les ans." Répondit l'intéressé, les yeux écarquillés et un sourire en coin de plus en plus appuyé.
-"Ils... ils font toujours ça ?"
-"Non..."
-"Et on y va ?" Intervint avec hésitation la bestiale, sans doute la moins calme du groupe.
-"Tu n'es pas obligée de nous suivre si tu n'en as pas envie." Lui proposa Nirven en retournant vers elle.
-"Ouais... on se retrouve à l'auberge." Répondit la jeune femme.
Nirven aquiessa avant de se dirriger vers l'énorme attroupement. Agheel lui emboita la pas avec un rire nerveux, laissant Arik et la bestiale seuls entre la rue déserte et la foule qui s'aglutinait au centre de la place.
Après un court moment d'hésitation, le jeune homme prit la parole :
-"Euh... je vais y aller."
-"...D'accord..." acquiesca-t-elle avec un léger hochement de tête.
Sur ces mots, il rejoignit au pas de course Nirven et son ami qui se dirrigeaient vers un grand char aux poutres renforcées d'acier desquelles pendaient les peaux et squelette de diverses créatures.
Lorsque les trois aventuriers se tentèrent tant bien que mal de se frayer un chemin à travers la foule qui peinait à se répartir autours des véhicules, Arik, n'étant pas particulièrement grand, parvint à se glisser entre les citadins pour arriver sans trop de difficultés au premier rang et observer les marchands, seulement vêtus de légers gilets de toile ou de cuir grossièrement tanné et d'amples braies, saisir entre leurs mains épaisses et abimées différentes peaux, les exhibant à la vue du public pour en vanter les mérites.
Lorsqu'il tourna la tête pour chercher se camarades des yeux, le jeune homme constata avec dépit que ceux-ci rencontraient bien plus de difficultés que lui.
Bien que ne se gênant pas pour bousculer quiconque lui barrait la route, la grande taille et les larges épaules l'Agheel, d'ordinaire bien pratiques lorsqu'il s'agissait de barrer le passage à des gobelins constituaient ici un verritable frein a sa progression, quant à Nirven, plus grand encore et bien plus poli que son équipier, malgrès toute sa bonne volonté, celui-ci n'était pas parvenu à franchir deux petits mètres.
"Bon... quand il faut y aller..."
Arik rebroussa chemin, jouant des coudes pour avancer à contre courant en direction de Nirven. Quand celui-ci fut enfin assez proche, le jeune homme tendit une main que son chef attrapa avec plaisir.
Ainsi agrippés, les deux camarades progressèrent petit à petit à traves la foule. Lorsqu'il arrivèrent de nouveau en face de l'imposant véhicule, Agheel qui avait à son tour réussi à se faufiler attendait en les fixant d'un oeuil impatient.
Après une ultime bousculade, il arrivèrent enfin à côté de l'homme au bouclier. Arik ouvrit la bouche pour parler lorsqu'une voix puissante et rauque retentit au dessus de sa tête.
-"Mesdames et messieurs, gentes dames et gents damoiseaux, APPROCHEZ ! Et laissez moi vous conter l'histoire incroyable... d'une terrible créature !"
Juste au dessus des aventuriers  se tenait debout sur le char un homme de grande taille à la peau mate avec un fort accent qu'Arik n'avait jamais entendu. Tout en roulant les "r" d'une manère presque exagérée, il levait bien haut son bras couvert de tatouages, en brandissant de la main gauche une grande peau écailleuse à la teinte jaunâtre parcourue de tâches noires et ornée de piques. Cette aparence atypique, ainsi que l'extrême longueur de la peau dont l'extrémité touchait toujours le sol malgrès la hauteur à laquelle l'homme, lui-même plus qu'imposant, la maintenait ameutait toujours plus de curieux, si bien que les derniers arrivés se trouvaient forcés de tendre l'oreille pour entendre avec clarté les mots du marchand.
-"Le Sarrasque, "poursuivit-il d'un ton grave "est une créature horrible au cou long comme un tronc d'arbre, aux écailles solides comme une armure et a la tête de sepent dans laquelle se cachent quatre rangées de dents plus trachantes que la meilleure des épées. Arrivé à maturité, il peut survivre des jours entiers sans boire, sans manger et sans bouger. Il se terre dans les sables du lointain désert le Chayron, par delà les flots déchainés de la mer d'Adram, loins, très loins de votre continent.
Là, il attend des journées entières, protégé par les sables de la chaleur mortelle du soleil et guette les imprudents qui ont eu l'audace de marcher là où il est enterré. À Tallamar, on l'appelle le veilleur mortuaire, l'ouvreur de tombes, celui qui vient chercher les voyageurs égarés lorsque le désert les appelle à lui.
Cette peau que vous voyez... n'appartient qu'à un jeune Sarrasque. Pour porter celle d'un spécimen adulte, il faudrait au moins trois hommes de ma carrure.
À ces mots, un brouhaha de peur mêlée de surprise se répendit à travers la foule comme une trainée de poudre. Les premières bourses commençaient à sortir, les gens murmuraient, incrédules, et un clima d'agitation à mi-chemin entre inquiétude et entrain s'instala autours de l'imposant véhicule.
Arik et Nirven étaient tous deux restés immobiles. Tandis que les yeux du jeune homme brillaient de mile feux, son imagination plongée par l'histoire du marchand dans un incontôlable état d'effervescence, son chef restait simplement planté là, un sourire simple, presque enfantin éclairant ses traits fins d'une discrète lueur nostalgique. Les deux aventuriers restèrent ainsi un long moment qui leur paru une poignée de secondes avant qu'une voix familière ne s'élève à côté d'eux :
-"Oh ! Nirven... tu dors ..? OH BOSS !!!"
L'intéressé sursauta, comme tiré de son sommeil par Agheel qui s'était mis à secouer vigoureusement son épaule alors qu'autours du groupe se pressait la foule, étaux bruyant et chaotique duquel émergeaient de plus en plus de bourses tendues en direction de la longue peau écailleure et de l'homme qui arborait un sourire satisfait au coin du visage.
-"Euh, oui... oui, on y va." Finit par répondre le chef du groupe qui semblait avoir retrouvé sa lucidité.
-"LES ENCHÈRES COMMENCENT À SIX PIÈCES D'OR !!!" Hurla le marchants tel un comandant qui qui ordonne la charge. À ces mots, les gens se ruèrenr vers le véhicule, courant, criant, tendant leurs bourses le plus près possible de la peau, comme si chacun d'entre eux pouvait déjà l'avoir.
Après s'être extirpé avec peine de la masse humaine qui s'agglutinait de plus en plus, Agheel commença à ricaner.
-"Eh ben ils s'font pas chier ! Six pièces d'or la peau d'machin truc !" Se moqua-t-il alors que les aventuriers passaient devant un des énormes chars aménagés en scène.
-"Il ne le vendait comme tel mais si son ancien propriétaire étais aussi exceptionnel qu'il l'affirme, alors cette peau devrait être un matériau de premier pour un maroquinier spécialisé dans l'équippement d'aventurier..." Objecta Nirven en se dirrigeant vers un autre véhicule d'une taille plus modeste autours duquel la foule semblait beaucoup moins agitée.
D'apparence déjà plus ordaire, celui-ci ressemblait à une sorte de stand monté sur roulettes. Sous le bois jaunâtre de l'enseigne gravée "La saccoche de l'aventurier", un hommes et deux femme s'affairaient à deffendre les rangées d'articles divers et variés qui s'étendaient sur de larges caisses de bois survolees par la plupart des curieux tandis d'autres scrutaient la précieuse marchandise avec l'attension d'un orfèvre. À intervales réguliers un second homme, plus âgé et claudiquant se pressait de déposer une nouvelle caisse remplie d'articles que ses camarades prenaient soin de disposer là où s'en étaient allée le contenu de la caisse précédente.
Les trois aventuriers s'approchèrent sans trop de difficulté et se mirent à leur tour à scruter les étalages de bois.
-" 'Y veut quequ'chose, mon bon m'sieur ?" Demanda le vendeur à l'homme au bouclier alors que celui-ci observait des rangées de petites fioles de verre finement ouvragé contenant un liquide violet.
-"Dites moi, 'voudriez pas m'expliquer c'que c'est, c'est potions ? Elles sont en verre, ça doit êt' quelque chose..."
-"Aaah, mais j'vois qu'vous avez l'oeuil, vous..."
L'homme bedonant se lança alors dans une longue tirade, bientôt coupée par Agheel qui posa une question d'un air faussement surpris à laquelle son interlocuteur répondit avec un sourire en coin. Les deux adversaires se lançant alors avec joie dans une joute comeciale digne de celle à laquelle Arik avait assisté lorsque lui et son ami étaient allés trouver Hildda le jours de son arrivée en ville.
En ecoutant la dicution que le vendeur entamait avec son ami, le jeune homme se rendit compte que les deux partageaient la même façon de s'exprimer.
Amusé, le jeune homme tourna le regard vers l'étalage en face de lui sur lequel était déposé un nombre conséquent de petits bracelets métaliques.
"Belhor ne m'a jamais parlé de ça..." pensa le jeune homme dubitatif.
Désireux d'en savoir plus à propose de ces mistérieux objets, il tourna la tête vers l'une des vendeuse avant de se rendre compte que celle-ci était en pleine dicution avec un autre client alors que l'autre entamait elle aussi une dicution avec Nirven, penché sur une pile de petits bouquets de plantes séchées à la couleur rouge orangée.
Ne sachant que faire, Arik resta planté devant le stant, fixant les objets métalique avec insistance mais en l'absence d'hypothèse valable quant à la profonde utilité de ces bracelets, il s'apprêta à tourner les talons lorsque le second homme, plus modestment vêtu que ses colaborateurs, fit de nouveau irruption avec dans les bras une grande caisse remplie de ces mêmes objets inconnus.
Saisissant sa chance, Arik lui demanda :
-"Excusez moi... à quoi servent ces bracelets ?"
-"Oh, ceux-là ?" Répondit l'inconnu d'une voix rocailleurse. "Ce sont de puissants talismants fait aramentiel, l'or blanc. Les montres les craignent, ils éloignent les créatures les plus puissantes et vous garantis un voyage tranquille !"
Dubitatif, le jeune homme fixa les petites pièces de métal en fronçant les sourcils.
-"Vous êtes sûr ? On dirait plutôt un attrape con."
Il ne se rendit compte qu'un instant plus tard de ce qu'il venait de dire. Les mots avaient glissés de sa bouche.
L'homme se plia en deux dans un mouvement si brusque que celui-ci rabattanit son chaperon sur sa tête, les deux mains sur son visage pour étouffer l'énorme fou rire qui l'avait prit. Ses épaules tremblaient de longues secondes sous sa longue cape décolorée puis, au bout de plusieurs secondes, il releva les yeux vers Arik.
-"Hinhinhin... su...suis-moi..." Réussit-il à aritculer toujours en ricanant.
Sur ces mots, l'étrange marchand se retourna, sorti par le côté du véhicule et disparu derrière un angle en rabatant son chaperon derrière sa tête.
Arik hésita quelques instants mais finit par se décider. Il ne savait ce que lui voulait cet homme mais dans le pire des cas, étant donné son âge, le jeune homme pourrait s'enfuir sans problème. Aussi suivi-t-il ses traces et se retrouva à l'arrière du stand.
Devant lui, le marchand était assis par terre en tailleur et le fixait de ses yeux ronds et pâles enfoncés dans leurs orbites. Ses paumettes et son menton pointus, ses joues creusées ainsi que son arcade sourcilière proéminente presque dépourvue de poils donnait à son visage maigre et anguleux une alure de vieux fou, pourtant, les rares lignes qui pliaient sa peau certifiaient qu'il ne dépassait pas la soixantaine.
Lorsqu'il vit l'air perplexe du jeune homme, il porta une main noueuse à son menton et ricana à nouveau en grattant sa barbichette gisonante de ses doigts longs et usés.
-"Euh..." Commença Arik "je suis désolé, je ne voulais pas dire ça..."
-"Noooon, non, ce n'est rien..." Le coupa son interlocuteur, alors qu'à ses lèvres se dessinait un sourire espiègle. "On ne me l'avait jamais faite, celle-là et franchement..." il se mit de nouveau à ricaner. "T'as parfairement raison hinhinhin... c'est de la camelote, ça sert à rien ! C'est une honte de vendre ça à des aventuriers !" Ses rires reprirent de plus belle tandis que le jeune homme, choqué et incédule, regardait cet inconnu se moquer ouvertement du fait qu'il envoyait peut-être des aventuriers à la mort. "Aaaah... les trois jeunes me tueraient si savaient que j'avais dit ça à un client."
Partagé entre incompréhension et indignation, Arik ne savait plus si il devait confronter l'homme ou s'excuser. En proie au doute, il laissa son singulier interlocuteur poursuivre sa tirade.
"Bon ! Allez, je te fais un prix !"
-"Vous... quoi ?" Répondit-il, totalement pris au dépourvu.
-"Maiiis oui ! Ça payera pour tous les pauvre gens qu'on a plumé..."
Sur ces mots, il se releva et tourna la poignée d'une étroite porte taillée dans l'arrière du véhicule, poussa la porte avec précotion et j'engoufra dans la pénombre. Arik, quant à lui, préféra rester sur le seuil lorsqu'il entendit un bruit en provenance de l'intérieur. Le marchand avait trébuché sur une des caisse posée par terre. Le jeune homme cru qu'il allait s'écraser sur le sol de bois mais le viellard, faisant preuve d'un remarquable équilibre, se rattrapa de justesse au coin d'une étagère. Une voix s'éleva depuis la lourde bache qui devait séparer cette pièce du stand :
-"Hé, il manque des bracelets !"
L'homme pouffa une nouvelle fois de rire, souleva une des caisses en hauteur et se dirrigea vers le fond de la pièce.
-"Et une caisse de bracelets magiques, une !"
Lorsqu'il réapparut, son visage indiquait qu'il était au bord de la crise de rire.
-"À nous !" Finit-il par annoncer. "Dis moi, qu'est-ce qu'il te faut ?
-"Ça ira, merci." Répondit-il d'un ton sec.
-"Hein ? Mais puisque je te dis que je te fais un prix !"
-"Je m'en passerai." Rétorqua-t-il de plus en plus agacé par la désinvolture de son interlocuteur.
-"Aaaaah, aleeez ! Déjà que t'as le privilège de contempler un aventurier à la retraite, ce qui est assez rare pour le souligner, en plus t'accomplis l'exploit de l'surprendre ! Laisses moi au moins t'offrir un truc !"
-"Un aventurier à la retraite ? Vous !?" S'exclama le jeune homme.
-"Un peu, mon n'veux ! Et crois moi qu' j'en ai fait les frais !" Répliqua-t-il en soulevant sa manche droite pour dévoiler un bras sec parsemé de cicatrices sous la peau duquel roulaient de longs muscles noueux.
-"Toi aussi, t'es aventuruer, non ? Un jeunot..." Lorsqu'il prononça ces dernier mots, la voix de l'homme avait changé. Sa sonorité rocailleuse et son ton désinvolte avaient cédé la place à une finesse, une douceur comme chargée de compassion.
D'un geste mécanique, il rabatit son chaperon sur sa tête et regarda une petite fenêtre à sa droite, perdu dans ses pensées.
Arik s'apprêtait à répondre lorsque quelque chose le frappa.
Vu de profil, le visage maîgre et anguleux de cet inconnu semblait plus lisse, son front dessinait une très légère courbe poursuivie presque sans discontinuer par celle de son nez droit et régulier qui formait comme l'extrémité d'un plateau de montagne dont la falaise à son bord menait à une moustache fournie et brousailleuse comme une forêt de pins. Celle-ci aurait normalement dû se poursuivre et se fondre dans une barbe grise méticuleusement taillée, cachant presque le moulain à paroles qui, lorsque l'on le lançait sur un sujet qui l'intéressait, prenait la forme de sa bouch... "Behorn !" Dans l'espri d'Arik, l'image du vieil homme se superposait à celle de cet inconnu, un parallèle particulièrement déplaisant au vu caractère de ce dernier qui l'agaçait de plus en plus.
Alors que l'aventurier en herbe restait là, avec son inconfort, une question lui vint à l'espri, accompagnée comme toujours des même mauvais souvenirs que ces derniers jours. Il était presque sûr de déjà connaître la réponse mais cette question persistait, le harcelait, se pressait au fond de sa gorge tandis que l'image des rues misérables et boueuses de ce maudit village s'associait à celles des visages de Behorn et de cet homme.
-"Dites moi..." lâcha finalement le jeune homme. "Ça va peut-être vous paraître stupide mais à l'époque où vous étiez aventurier... vous les aidiez vraiment, les gens ?"
L'ancien aventurier se retourna, le visage fermé, comme si il s'attendait à cette question. Le regard grave, il prit une grande inspiration et ouvrit une nouvelle fois les lèvres.
-"Tu sais, gamin... aventurier, c'est un peu surcôté. Il t'faut d'argent. De l'argent tout le temps. Quand t'es aventurier, il t'faut souvent des soins. Des potions... du repos si ça suffit pas... des sorts si ton mage est bon... et si ça suffit toujours pas, il faut aller voir un médecin." Ce dernier mot fit se soulever ses lèvres à la manière d'un annimal sauvage, découvrant des dents jaunes et fracturées." T'y es déjà allé ? Comme les potions de soin font l'affaire la plupart du temps, il y en a pas beaucoup, des médecins. Il sont chers. Ça prend du temps, de se rétabir. Et quand toi, t'es coincé au lit, à attendre d'aller mieux, tes camarades, il bossent sans toi." Sans s'en rendre compte, l'homme toucha son avant bras balafré. Une amertume s'était glissée dans sa voix. "C'est pas un luxe que tu peux t'permettre. Et si t'as juste assez d'argent pour payer les potions, la bouffe, l'auberge et les réparations, c'est encore pire. Parcequ'à chaque fois qu'tu part en mission, tu sais qu'si ça s'trouve, quand vous rentrerez, 'y en aura un d'moins. Et même si c'est pas l'cas, même si c'est qu'une blessure, il faudra vider des potions d'soin. Et si ça suffit pas et qu'il faut empiéter sur aut'chose pour payer les soins, vous aurez perdu d'quoi manger, où d'quoi réparer votre équipement. Et plus t'enchaines les missions, plus ça risque de s'produire. Mais t'as pas l'choix, 'faut bien manger. Pourquoi tu crois qu'il y a aussi peu d'aventuriers chevronnés ? Ceux là, c'est pas des Hommes, c'est des bêtes. Les plis grands d'entre eux, c'est des légendes, il vivent pas dans l'même monde que nous. Si veux sauver tout l'monde, essayes déjà d'sauver ceux d'ton groupe."
Lorsque l'ancien aventurier ferma la bouche, ses yeux lourds de vécu plantés comme deux flèches d'acier dans ceux du jeune homme Arik sentit un vide. Pas un vide dévorant, pas un vide opressant, pas un vide douloureux ni même un vide dérangeant, mais un vide présent. Un vide inexpliquable comme si le centre de sa cage thoracique se trouvait aspiré sur lui-même.
Il hocha lentement la tête, comme le ferait un automate et ouvrit la bouche à son tour.
-"Merci." Conclut-il avant de s'en aller. Lui même ne comprenait pas cette réaction. Elle lui paraissait absurde et disproportionnée mais il avait agit ainsi. Comme si quelque chose en lui l'avait forcé à partir. Comme si son propre corps refusait d'en entendre plus.
Le jeune homme rejoignit ses companions sans dire un mot. Il n'écoutait plus les tentatives de marchandage d'Agheel, ni les questions que posait Nirven. Il attendit que les choses passent, sans voir, sans écouter, sans même réfléchir à ce qu'il venait d'entendre. Il ne sentait que ce vide. Ce vide présent, ce vide presque opressant.

GaléadOù les histoires vivent. Découvrez maintenant