Un jour comme les autres (partie 1)

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Ce jours là, tout allait bien à Aryon. Les rues étaient bondées, les affaires allaient bon train, la vie suivait son cours et au sommet de l'imposante muraille de pierre, les gardes qui piétinaient sous les rayons d'un soleil de plomb s'ennuiaient à mourrir. Du haut de la porte sud, la plaine et les champs s'étalaient à l'infini, disparaissant derrière le ciel d'un bleu profond alors que l'unique route qui les reliaient à la ville se craquelait lentement sous la chaleur étoufante qui écrasait les alentours.
Seuls les quelques aventuriers qui parfois demandaient l'ouverture la grande porte parvenaient à les tirer de leur longue et laborieuse torpeur.
Alors que justement, l'un d'entre eux approchait et que leur companion de garde articulait machinalement la même formule qu'ils étaient tenus de réciter à chaque fois qu'un voyageur approchait, les autres entreprenaient déjà de tirer la lourde porte qui, de mauvaise grâce, optempéra dans un grondement sourd.
Les gardes postés à l'intérieur de la muraille virent alors passer un jeune homme, des cheveux blonds attachés en une queue de cheval qui descendait jusqu'à ses épaules recouvertes d'une sorte de poncho usé duquel dépassait l'extrêmité d'une pointe de lance. À sa ceinture se balançait une vieille saccoche ainsi qu'une multitude de petits sacs de toile.
Le nouveau venu paraissait assez jeune, bien plus en tout cas que les quatre hommes d'âge mur qu'il salua poliment tout en poursuivant sa route.
À sa vue, les gardes sentirent une discrète nostaligie les envahir. Celui-ci dégageait une sorte de pureté, d'innocence. Innocence qu'ils se souvinrent avoir partagé, eux aussi, il y a longtemps. Depuis, les années avaient passé, leur entrainement s'était achevé, la précédente attaque de monstres depuis les montagnes et les longues nuits de garde qui leur avaient succédé avaient eu raison de leur vitalité et ils se retrouvaient aujourd'hui devant ce jeune homme, droit, poli, le visage lisse et exempt de la moindre marque, de la moindre cicatrice qui aurait dût le parcourir et qui avançait devant eux d'un pas léger, décidé vers ils ne savaient où. Ce jour là, les gardes oublièrent plusieurs secondes durant de refermer la porte, trop occupés à contempler ce jeune inconnu qui marchait au loin, s'éloignait de plus en plus comme le faisaient leurs propres souvenirs d'enfance lorsqu'ils se rendirent compte de la monumentame erreur professionnelle qu'ils venaient de comettre.

Derrière lui, les gardes s'empressaient de refermer la grande porte grinçante alors qu'il s'engageait dans les ruelles tortueuses du quartier marchand, pressé de retourner à la guilde pour y présenter le fruit de ses heures de recherches.
En poussant avec entrain les battants usés pour pénétrer dans le grand bâtiment de bois, le jeune homme regarda avec empressement autours de lui, cherchant des yeux sa comanditaire lorsque son regard s'arrêta sur le géant grisonnant qui se tenant paisiblement assis à une table au fond du hall central, son imposant bouclier et sa longue lance moitié posés contre le mur, moitié contre son épaule. À la façon dont il était affalé sur sa chaise, tout à fait occultée par son extraordinaire carrure, il était clair que Bellor attendait ici depuis longtemps.
-"Bellor !" S'écria le jeune homme en se pressant jusqu'à son chef.
-"Aaaaah ! Ben il est rentré !" S'écria le colosse en le voyant approcher allors que sa voix puissante qui résonna dans la pièce entière lui attirait le regard de touts ceux qui allaient et venaient dans le grand hall.
-"Encore heureux !" Répliqua le jeune homme avec un grand sourire. "Avec tout ce que Karrina m'a expliqué, j'étais bien obligé d'en trouver."
-"Eh ben... bientôt c'est toi qui va m'apprendre des choses, à force !" Plaisanta Bellor d'une voix presque douce en ascénant au dos de son camarade une tape qui le fit avancer de plusieurs pas.
-"Pour ça, il va me faloir un peu plus de temps... où est Fenra d'ailleurs ?"
-"Je l'ai envoyé rejoindre Karrina, elles ne devraient pas tarder..." Le géant s'interrompit avant de fixer le jeune aventurier avec intensité. Il se leva de sa chaise, dépassant à présent son ami de deux bonnes têtes, avant de s'exclamer d'une voix tonitruante :
"Mais oui, c'est ça ! T'as encore grandis !!!"
Sur ces mots, la porte s'ouvrit à nouveau pour laisser passer une femme qui marchait à vive allure en direction de Bellor les bras chargés d'une caisse de provisions. Son long manteau usé qui flottait dans son sillage laissait entrevoir le sabre courbé qu'elle arborait toujours à sa ceinture tandis que ses traits fins et réguliers dessaient sur son visage expressif une expression préoccupée. C'était Karrina.
-"Bellor, ça fait depuis ce matin qu'il est parti, tu saurais où est..."
Avant qu'elle n'ait le temps d'achever sa phrase, le colosse leva sa main au dessus de la tête de son ami et posa son index sur le sommet de son crâne.
-"Ah, parfait !" S'exclama-t-elle, partagée entre soulagement et impariente. "Tu as trouvé ce que je t'ai demandé ?"
-"Tiens." Répondit l'intéressé en saissant les petits sacs de toile accrochés à sa ceinture pour les lui présenter.
L'épéiste posa la caisse qui lui encombrait les bras et les saisit avec précaution pour en entrouvrir un et en sortir une petite boule de feuilles cramoisies qu'elle déplia du bout des doigts.
Lorsqu'elle eut achevé la délicate opération, une petite plante ouvrit ses quatre feuilles symétrique d'un rouge sombre pour atteindre les bords de sa main.
-"Tu l'as bien pliée..." Commenta-t-elle tout en la retournant. "Et les racines sont arrachées correctement."
Elle replia la plante en quelques secondes avec un hochement de tête.
-"Bien joué !"
Ce simple compliment déroba un large sourire au jeune homme qui rangea avec satisfaction la petite boule rouge sombre impécaplement formée, notant au passage avec quel naturel Karinna avait effectué une tâche pour laquelle il avait dut se concentrer plusieurs minutes, lorsque la voix puissante de Bellor interrompit ses réjouissances intérieures.
-"Mais d'ailleurs, t'as vu qu'il a encore grandi ? Fenra, viens voir !"
À ces mots les deux aventuriers tournèrent la tête vers la porte d'entrée pour y voir apparaître la silhouette athlétique de leur équipière aux cheveux noirs coupés court, arborant avec fièreté deux haches entretenues avec minutie accrochées dans son dos par deux lanières de cuir alors qu'elle se dirrigeait d'un pas décidé vers le petit groupe.
-"Bon ! Bellor, tu nous avais appellé pour quoi, du coup ?"
D'un coup rappellé à la réalité, le géant s'éclaircit la voix.
-"Oui, oui. Je vais y venir mais avant regardes-le." Reprit-il en désignant le jeune homme. " Il a grandis, on est d'acco..."
-"Oui ! Oui, il a grandis, j'ai vu !" Le coupa-t-elle en s'approchant de l'aventurier qui la dépassait presque d'une tête avec un regard amer. "Et donc, on vient faire quoi ?"
-"On vient commencer un travail !" Annonça Bellor.
-"C'est à dire ?" Demanda Karinna avec le ton très sérieux qu'elle adoptait toujours dès lors que l'on parlait de travail.
-"On va se rendre au nord-est, dans les bois du Malkhar. Ces derniers jours, on a signalé plusieurs disparitions là bas et une requête a été envoyée dans les environs.
-"On part quand ?" Demanda Fenra, un petit rictus impatient aux lèvres.
-"Maintenant." Répliqua Ballor.

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