𝐈𝐈 | 𝐉𝐀𝐂𝐄

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𝐅𝐀𝐌𝐈𝐋𝐋𝐄 𝐀𝐁𝐒𝐄𝐍𝐓𝐄

Je préfère ne pas y penser, tant que je n'y suis pas contraint.

Wilmington Centre
Octobre 2007
08:09pm

— J'ai ta putain de came, ramène toi à Walmart, tu prends la ruelle d'en face comme toujours, j'énonce au téléphone.

— Je suis là dans trente secondes, calme mec.

Je range mon téléphone dans ma poche, déploie une cigarette et un briquet puis grille le bout, inhalant la fumée à plein poumons.

Accoté contre le mur, mes jambes sont croisées et ma poche de pantalon coince ma main libre ; l'autre pince ma cigarette entre son index et son majeur. J'attends impatiemment mon client.

J'ai plus un rond.

L'odeur nauséabonde de la ruelle imprègne mes narines, et les murs en briques ont imbibé le relent d'urine. Les poubelles non traitées dans cette venelle permettent aux insectes et aux rats de se rejoindre afin de renforcer la saleté de cette ville. Quelques SDF résident ici durant plusieurs jours, mais je ne les ai jamais vus plus d'une semaine. C'est pas le meilleur endroit pour récolter de la thune, ni pour le peu de confort qu'ils tentent de bénéficier. Ce quartier dans le Delaware est vachement sale. Alors, pour du deal, c'est parfait.

Personne ne pensait à joindre cette rue étroite, vu l'aperçu qu'elle y renvoyait. Mais certaines personnes étaient obligées d'y passer, des cabinets de psychologues, psychiatres et même des médecins sont installés dans les immeubles d'à côté.

Mais depuis neuf mois, ce point de rendez-vous est le même avec mon seul et unique client désormais, j'ai cruellement besoin d'argent de poche que mon père refuse de me donner.

Parce qu'il sait en quoi partirai l'argent, des clopes, de l'alcool pour des soirées, même des paries sportifs, ce genre de conneries.

Et il n'a pas tort.

Mais aussi parce qu'il ne me payera jamais mes études quand cette année sera achevée. C'est aussi pour moi, même si j'économise pas grand chose.

J'ai rompu contact avec les anciens clients, mais lui non, parce qu'il est prêt à dépenser le salaire minimum pour un simple gramme de beuh. Il est blindé, en résumé.

La came fournie provient de Stan, un de mes potes qui reste plus vieux que moi, il prend le quart de ce que je reçois par Polway, il me laisse une majorité. Il sait que j'en ai besoin, simplement pour moi, pour me sentir responsable.

Des pas résonnent dans la ruelle, j'incline ma tête vers leur provenance, puis j'aperçois enfin sa face d'idiot.

Son sweat Harvard University est saugrenu.

Il fume, il boit, il ne glande rien de ses putains de journée, mais il est quand même à Harvard.

Je me demande pourquoi il est tombé si dépendant de la came, lui qui devait être un si bon élève pour être accepté à Harvard.

Il est moins récurrent cette année, Boston n'est pas une ville voisine avec Wilmington, plusieurs heures de route les séparent.

— J'ai eu le temps de féconder une famille putain, râlé-je.

Il roule les yeux au ciel, tandis que je pioche dans la poche de mon jean deux sachets contenant des gélules et de la beuh.

Je pince le sachet de plastique entre mes deux doigts, patientant l'argent en retour. Il feuillette quelques billets de cinquante avant de me les tendre, ce que je lui saisis sans plus attendre.

IMBALANCE [ sous contrat d'édition chez PDW ]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant