| 07 | - Partie I

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Le son des faibles ondes d'eau s'échouant paisiblement sur le sable fin, l'odeur picotant du sel dans les narines, la chaleur du soleil sur sa peau blafarde, les magnifiques reflets aveuglants contrastant sur l'immense étendue pacifique se dressant devant lui... C'était donc ça la mer ?

Chûya n'avait jamais pu observer ce spectacle de ses propres yeux, jusqu'à aujourd'hui, se contentant d'imaginer sa propre version réelle des illustrations absurdes présentes dans les livres enfantins que ses parents lui offraient pour son anniversaire. « C'était trop dangereux pour toi, ta maladie ne te le permettra pas », lui répétèrent-ils inlassablement dès que l'enfant de six ans leur posait la question.

Un endroit aussi magnifique ne pouvait pas être aussi meurtrier qu'ils le prétendaient. Il refusait d'y croire.

« Les sirènes te mangeront tout cru, si tu t'approches de la mer ! »

Le jeune enfant faisait preuve d'une naïveté compréhensible pour son âge, et de toutes les légendes farfelues que ses géniteurs eurent pu lui conter, celle-là était de loin sa préférée -et demeurait sûrement la justification idéale pour son obsession pour cette dernière. Peut-être lui racontaient-ils de telles inepties dans l'espoir de le dissuader de conserver cette idée en tête ? Auquel cas cela n'avait jamais eu l'effet escompté...

Moitié homme, moitié poisson, ces êtres subsistaient dans les profondeurs marines à l'abri des regards. Au-delà de leur apparence envoûtante, ces créatures étaient dotées d'une capacité hors commun, attirant la convoitise de tout individu. Les vestiges d'une fontaine de jouvence... Deux sirènes liées d'amour augmentaient considérablement leur espérance de vie, demeurant marquées par les traits purs de la jeunesse, avant de mourir tous deux fatalement par la bénédiction qui leur fut offerte.

Ces mots étaient ceux du livre qu'il avait discrètement volé à la bibliothèque lors de sa dernière sortie le mois précédent. C'était une œuvre locale sans grande visibilité, mais l'enfant fut happé par la couverture énigmatique et le titre sur cette dernière, s'intitulant « Les légendes du monde marin ». Les conditions dans lesquelles Chûya grandissait lui offrait cette capacité de s'intéresser au contenu riche d'histoire de ce genre en dépit de son jeune âge. La maladie avec qui il partageait son corps depuis sa naissance le rendait fragile, incapable de mener une vie normale, et avait érigé d'immense rempart entre lui et le monde extérieur. Ses paternels le surprotégeaient des menaces de ce dernier, le contraignant à s'occuper intellectuellement la majeure partie de son temps.

Lire des légendes urbaines était bien plus qu'un passe-temps, mais une réelle passion.

Pour une raison que le petit roux ignorait, la description de ce folklore était excessivement divergente de la version idyllique qu'il pouvait lire dans ses contes. Sa famille décrivait des êtres immondes avides de chair, tandis que ses bouquins l'incarnation d'une beauté surnaturelle... C'était paradoxal...

Alors, c'était de cette manière qu'il était parvenu à s'échapper de chez lui en plein après-midi pour ancrer les moindres détails de cette résidence fantastique dans sa mémoire. Par-dessus tout, son plus grand rêve était de trouver l'une de ses créatures qui pourrait peut-être le sauver de sa condition chétive.

Il devait aller les rejoindre pour en avoir le cœur net ! Néanmoins, comment un enfant de son âge pouvait-il deviner qu'il irait cajoler une mort certaine en se lançant dans une telle expédition ? Personne ne lui avait appris le sens direct du mot « noyade », pour Chûya cela signifiait juste se résigner à la vie sur la terre ferme pour adhérer à celle décrite dans son roman préféré.

Pas à pas, ses pieds d'abord étouffés avec douceur par le sable chaud, trouvèrent naturellement le chemin vers l'eau salée. Cette dernière n'était pas gelée, mais n'en figurait pas brûlante pour autant. Sa couche de vêtement s'imbiba d'humidité en progressant jusqu'à sa taille, et la majorité de ses organes lui firent comprendre que l'ascension ne serait pas aisée à ce niveau, combattant avec ferveur la vague de fraîcheur qui circulait en lui.

Adversité Ambiguë [ Bungo Stray Dogs / OS Soukoku ]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant