- Chapitre 2 -

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« Le silence d'une âme qui souffre n'est rien d'autre que le temps entre le tonnerre et l'éclair. Lorsque le néant se brise la foudre éclate.»

- On ne te laisse pas le choix.

Pour la énième fois, depuis bientôt plus d'un an, je tente de faire entendre raison au membre de ma famille concernant ce mariage arrangé dont je suis la principale intéressée. Aucun d'entre eux n'a choisi de prendre mon parti, ils soutiennent toutes les décisions de mon père, trop peureux de perdre les quelques avantages que rapportes d'être dans les bonnes grâces de ce dernier.

J'essaye de capter le regard de mon oncle, rien n'y fait. Toute son attention se porte sur la tasse de café à présent tiède qui repose sur cet affreux service de porcelaine à fleurs que grand-mère persiste à utiliser.

De ma vie je n'ai que très peu, pour ne pas dire jamais, essayer de convaincre qui que ce soit de plaider ma cause. Le jeu n'en valait généralement pas la chandelle. J'avais peur, j'ai toujours peur d'ailleurs qu'on rapporte mes requêtes à mon père. Le simple fait de savoir que je pense, dans le sens littéral du terme, éveille chez lui une colère dont j'aimerais connaître la source. J'évite donc d'être trop présente, trop active, trop vivante ainsi cacher dans l'ombre, j'ai même parfois réussis à éviter une ou deux "punitions".

Toujours est-il que ce jeu ne peut plus durer. Il en va de tout mon avenir. Tout se jouera après demain, mon temps et donc compté, et seule je ne parviendrai à rien, j'essaye donc t'en bien que mal de convaincre qui veut bien m'écouter, de faire entendre raison à mon père.

- Comment donc pouvez-vous m'obliger à faire une telle chose ?

- Ton père t'a choisi un bon parti, cesse donc de geindre.

- De quel père parlez-vous donc, de ce père que je ne vois que lorsque les caméras sont braquées sur notre famille ?

- IL SUFFIT. Tu feras ce qu'on te dis de faire un point c'est tout.

- Comme toujours ! Mais que gagnez-vous, vous, mon oncle. Toujours à appliquer les ordres de  votre frère tel un esclave ...

Le silence qui suivit la gifle me coûta bien plus que cette dernière. La distance nous séparant de la grande table de bois brut ne parut pas suffisante en cet instant pour dissiper mon malaise. Dans cette famille, chacun prend soin de me rappeler que je ne suis qu'une plante qui ne doit pas bouger de son pot.

- Il me semble pourtant t'avoir dit qu'il suffisait.

La chaleur amère que porte ma joue, après cette gifle monumentale, ne m'empêche pas d'insulter d'un regard le dos de mon oncle prêt à partir, il ajoute sur le seuil de la porte.

-Et n'oublie pas d'ouvrir les jambes ça fait moins mal.

La bile me remonte le long de ma gorge rien que de penser à sa réflexion aussi désobligeante qu'écœurante. Après avoir entendu la porte de l'entrée claquer sur les derniers pas d'oncle Raphaël, je m'enfuis dans ma chambre peu encline à supporter plus pour le moment. Je m'étale de tout mon long sur mon matelas dont les ressorts vont bientôt finir par prendre la poudre d'escampette, la main posée sur ma joue tentant de faire disparaître la sensation désagréable qu'il y persiste, bien que celle de mon cœur, elle, paraît indélébile.

Cela fait maintenant cinq jours que je renvoie les "domestiques" de mon père, comme il aime les appeler, entre celles qui me présentent des robes de mariée, ceux qui m'apportent des chaussures et autres bijoux. J'essaye tant bien que mal de toujours rester courtoise et de ne pas penser au sort qui les attend en retournant chez mon richissime père sans avoir accompli la tâche dont ils sont pourvu.

Les Âmes Scintillantes Où les histoires vivent. Découvrez maintenant