1. Message d'un fantôme

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Le visage de Mathieu me hantait encore.

Remontant l'une des allées du Jardin des Tuileries, je me sentais soudainement prise d'un terrible chagrin. Autour de moi, des enfants rigolaient et des familles profitaient des premiers rayons de soleil printaniers pour se retrouver dans ce coin de verdure. Toute la vie de la capitale se réveillait après un trop long hiver.

Et pourtant, je ne voyais rien de tout cela, errant sur le chemin de gravier. J'avais l'intime conviction que quelque chose était mort en moi et que jamais je ne pourrais retrouver une vie normale. Sans m'en rendre compte, je quittais le Jardin des Tuileries pour me retrouver devant le Louvre. Le soleil brillait dans la pyramide et lui donnait des allures de diamant géant.

Je fus sorti de mes rêveries par la sonnerie de mon téléphone portable. En le sortant de mon sac à main, j'aperçus le reflet de mon visage dans l'écran. Mes longs cheveux roux volaient au vent et je pouvais voir, entre mes mèches, mon visage. Mathieu me disait souvent qu'il trouvait mon sourire doux et apaisant mais depuis six mois, j'arborais une mine froide et cernée.

Allo ? Allo Camélia ! C'est Guillaume. Mais où es-tu ? On t'attend pour commencer la réunion. Mon Dieu, la réunion... je... je suis vraiment désolée. J'avais complètement oublié.C'est toi qui a porté ce dossier, Camélia ! On a absolument besoin de toi pour animer cette réunion.

Guillaume était mon ami d'enfance et, accessoirement, mon patron. Il dirigeait MahioArchi depuis le décès de son père et m'avait embauché il y a cinq ans. Après la disparition de Mathieu, il avait été le premier à me soutenir et à être là pour moi. J'avais même dû insister pour reprendre le travail car il souhaitait que je me repose encore un peu. Mais j'étais revenue et c'était mieux ainsi. Ruminer seule dans notre appartement me faisait plus de mal qu'autre chose.

Camélia, c'est toi qui a insisté pour reprendre le boulot aussi vite. Si tu n'es pas prête, je comprendrai parfaitement.

Mais je ne l'entendais plus. Le ciel au-dessus de moi venait de sombrer dans une nuit opaque. Je crus d'abord qu'un avion survolait la ville à très basse altitude mais, en levant les yeux, j'eus le sentiment qu'une vague noire submergeait le ciel. Une lame de fond traversa les cieux à une vitesse folle et bientôt tout fut plonger dans l'obscurité la plus totale. Plus un bruit ne me parvint et j'étais persuadée que j'allais mourir ■■■■■■■■■■■■■■■■■■■■■■■■■■■■■■■■■■■■■■■ ■■■■■■■■■■■■■■■■■■■■■■■■■■■■■■■■■■■■■■■■■■■■■■■■■■■■■■■■■■■■■■■■■■■■■■■■■■■■■■■■■■■■■■■■■■■■■■■■■■■■■■■■■■■■■■■■■■■■■■■■■■■■■■■■■■■■

Mais, aussi vite qu'elle était arrivée, l'obscurité fut chassé du ciel par une nouvelle vague et la vie reprit son cours. Personne autour de moi ne semblait être conscient de ce qu'il venait de se passer. Les passants continuaient leur route et, plus loin, les bruits de la circulation avaient repris. Hébétée j'observais tout autour de moi tandis que mon téléphone émettait des grésillements stridents dans mon oreille. Ma tête se mit à tourner et je dûs exécuter quelques pas de côté désespérés pour ne pas trébucher.

Camélia, tu es toujours là? résonna tout à coup la voix de Guillaume dans mon oreille.Euh... oui oui... je suis toujours là.

Mon ami et patron ne répondit pas tout de suite. Il devait très certainement commencer à regretter de m'avoir réembauché aussi vite. Tandis que le silence dans l'appareil s'éternisait, je sentais de fines gouttes de sueurs couler dans ma nuque et mouiller le col de mon pull. Ma respiration était courte et mon cœur tambourinait dans ma poitrine.

Entre les lignesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant