Six ans à tuer - cycle "histoires rapportées"

Chapitre 5

...

Quelques semaines après la cérémonie

...

Noire. La nuit de ce soir-là était noire. La lune, fin croissant, peinait à percer derrière les nuages.

Noir. Le regard que les jeunes femmes posaient sur le quartier ennemi était noir. Il suintait d'une sourde colère et d'une détermination sans faille.

Noir. Les différentes pièces tissées qui composaient les habits de l'équipe étaient noires.

Noir. L'escalier de service, bien que tout rouillé, prenait, ce soir-là, une inquiétante couleur noire.

Noir. Le détonateur, simple boitier pouvant causer la perte un quartier, était noir.

Deux silhouettes accroupies sur le toit de cette forteresse échangèrent un signe de tête, dans l'ombre d'un palmier.

Un jet de pierre brisa l'air, explosant une vitre. Puis un second, qui en toucha une autre. Quelques autres finirent de réveiller les occupants.

Cette partie du quartier était la moins pratique, une longue piscine asséchée en plein milieu occupant l'espace, rendant compliquée toute cachette ou traversée rapide. Elle était un des rares points faibles du bastion qu'était le quartier droit entourant Forum Drive. Le but? Faire venir à portée de balle le chef.

Il ne se douterait jamais que l'ennemi aurait réussi à rentrer... D'autant plus qu'il n'avait pas encore trouver le cadavre d'un Families trop encombrant, cadavre qu'il n'aura finalement jamais le temps de retrouver.

Le bruit provoqué engendra donc du remous dans les logements. Des voix s'élevèrent, ainsi que des pas précipités.

- Putain c'est quoi ce vacarme, y'en a qui dorment ici ! Si je retrouve le petit con qui s'amuse je ...

La voix tant attendue venait de faire surface, accompagnant un homme armé et habillé à la va-vite d'un sweat plus vert que vert.

Les deux femmes apparurent dans la lumière du lampadaire, sur le toit, l'une avec une arme pointée sur sa tête, l'autre un détonateur en main

- Salut, espèce de sous merde, commença la femme de l'ex bras droit des vagos

- Vous... Hey ! Fini-t-il en criant, remarquant les armes braquées sur lui.

- Tu dis un mot de plus je te dégomme la tête, compris ? Enchaîna la jeune à la casquette

- Ok, fit-il en levant les mains

Au loin, une voix retentie :

- Boss ?

Les jeunes femmes lui firent signe de répondre tout en augmentant leurs menaces visuelles, l'une d'entre elle passant son pouce sous sa gorge d'une geste équivoque, bien qu'un peu caricatural.

- Oui ?

- C'est bon c'est réglé cette histoire de vitre ?

- Oui, retournez à vos apparts, c'est fini.

Dès que les pas furent suffisamment éloignés, le chef des Familiers par intérim reçut l'ordre de sortir calmement mais sûrement du quartier, direction la raquette vide, sinon les explosifs préalablement posés allaient faire ceux qu'ils savaient faire de mieux : exploser et raser une partie des habitations.

Ce qu'il ne savait pas en revanche, c'est qu'ils avaient été disposés de telle sorte à ne pas faire de blessés civils ; et cela tout en causant le maximum de dégât matériel. Ce plan était le produit d'une réflexion de plusieurs mois de photos satellites volées sur le web, de multiples passages en hélico et de surveillance acharnée. En effet, les Vagos, bien diminués, n'avaient pas voulu prendre le moindre risque, quitte à faire patienter leur envie de vengeance plus longtemps pour un meilleur résultat.

Une fois au point de rdv, les jeunes femmes le récupèrent avec le même véhicule qui avait servit à faire sauter la blanchisserie, toujours fidèle au poste.

Le silence était plus que glacial dans la voiture. Elle filait à toute allure, conduite presque mécaniquement, mais toujours aussi bien, par la brune. Peu à peu, les immeubles immenses puis les villas familiales laissèrent place à la freeway et enfin la zone désertique des alentours de Sandy Shore. Les quelques détours de précaution avaient rallongé le trajet, mais étaient nécessaires pour perdre d'éventuels suiveurs.

Encore quelques centaines de mètres, et ils débarquèrent dans un vaste champ éloigné de tout. Un trou de deux mètres de long, incongru dans le paysage, apparaissait clairement, ne laissant que peu de doutes sur son utilité future. A ses côtés, un gros tas de la même terre s'élève, surmonté par deux pelles. La voiture s'arrêta non loin, en un dérapage contrôlé.

Les deux sœurs ouvrirent leur porte au même moment, juste après le crissement du frein à main. En le menaçant, elles firent sortir le Families de sa place, la bien nommée "place du mort" : il avait fait tout le trajet un flingue braqué sur sa nuque, flingue qui ne la quitta pas avant avoir atteint un des bords du trou.

- Tu sais, c'est dommage, fit la dénommée Haylie. On était proche à une époque. Puis vous avez décidé de vous rapprocher de MT, avant de l'abattre froidement ensuite, et de vous en prendre à Miguel. Tu es une merde, il était une merde, et tu vas tout autant mourir que lui.

Un bruit d'explosion, mais deux armes fumantes. Tirer de concert demandait une préparation, un entraînement et une communion rare et compliquée. Mais l'énergie du désespoir pouvait faire bien des choses.

Le corps sans vie de l'homme bascula du bon côté, et s'étala comme une masse dans le trou. Sans perdre de temps, ce dernier fut rebouché, la terre au-dessus tassée afin de faire en sorte de ne laisser aucun soupçon. Elles avaient en effet appris de leur dernier meurtre. Aussitôt terminé, les jeunes femmes remontèrent dans le véhicule et retournèrent vers la ville...

Arrivés à proximité des deux quartiers incriminés, celle qui avait le boîtier des explosifs en mains appuya sur le bouton.

- Et le bonjour des vagos, chuchota l'autre, alors que le soleil commençait tout juste à pointer le bout de son nez.

____________________________________________________________

En espérant que ce cinquième chapitre vous ait plus, n'hésitez pas à voter,

A bientôt pour la suite !

Enael