Chapitre III : Dans les Crocs du Passé

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Dans l'enceinte de cette demeure, cernée par l'eau et l'abjecte végétation, la vie était étrangementanormale, même totalement absente, à par notre couple et les silencieux végétaux qui parsemaientles contours de la construction, aucun être vivant ne résidait ici. La réputation de l'eau et le folklorelocal tenait la maison éloignée de tous les potentiels visiteurs, nous vivions coupés du mondeextérieur, et lorsqu'une fois par mois, l'un de nous descendait en ville avec le vieux véhicule, il étaitfoudroyé de regards meurtriers et haineux. Les rumeurs actuelles nous qualifiaient de fous, fous devivre dans ces lieux peu fréquentables, mais cela ne nous atteignait pas.

  Nous vivions isolés dans cette sombre forêt, aux arbres morts et souillés d'un mal ancien, cesbois repoussaient les habitants les plus téméraires d'Arkham. Malgré les propositions alléchantesque nous avions envoyées, aucun domestique n'osa jamais traverser la Rivière du Miskatonic, suivrela route presque abandonnée d'Innsmouth, puis emprunter un peu plus loin le vieux sentier boueuxet délabré qui scindait le bois mourant et menait jusqu'à notre antre si détesté des gens de la région.

 Le rêve hideux avait enfin cessé de me hanter, ses tourments arrêtèrent leurs acharnements aubout de quelque mois. Néanmoins, j'éprouvais toujours la même réticence à l'égard du couloir et deses fenêtres menant dans un passé si lointain que je préfère l'oublier. J'avais gardé mon rêve secret,je ne voulais pas alarmer ma tendre épouse avec mes phobies passagères. Je ne voulais pasl'inquiéter pour ce cauchemar, de plus sa présence suffisait amplement à me rassurer. 

Malgré le courage qu'elle m'inspirait, je ne pouvais me résoudre à traverser le couloir, ni même àtoucher la poignée de la porte de celui-ci. Si j'avais oublié le rêve, sa cause, quant à elle, trônertoujours fièrement dans ma mémoire. Le visage de peinture était impossible à effacer de messouvenirs, ni à cause de sa grâce ni à cause de la peur qu'elle dégageait. Chaque détail resta gravé enmoi, et je les traînais partout où j'allais comme des chaînes, je me rappelais parfaitement chaqueélément, de sa tenue, de son visage fin et féminin, et même de son bijou d'argent qui avaitprobablement disparu avec elle. J'espérais que cette entité de folie cauchemardesque ne viendraitplus jamais perturber mon sommeil et qu'elle me laisse enfin en paix. 

C'est lorsque je me croyais enfin débarrassé définitivement de cette vision démentielle, qu'ellerefit surface. L'horloge affichait à peine vingt-deux heures, mais épuisé par une journée de pluspassée aux jardins, je m'endormis très vite, et j'ouvris les yeux aussitôt. L'immense steppe grisem'entourait à nouveau, je savais ce qui allait se passer, j'aurais voulu courir, mais pour aller où,j'étais prisonnier de cette lande morte et imaginaire. Comme dans le cauchemar précédent, la tacheblanche apparut au loin, toujours aussi terrifiante, toujours aussi pâle, mais cette fois, son discoursme parut plus clair, je pus même en comprendre une partie.

 Les noms maudits refirent leurs apparitions eux aussi. Dans ses dires abominables je parvins àdiscerner quelque chose. Son intention de me communiquer ces mots était si grande et si puissantequ'elle parvint à me faire franchir la barrière de la langue interdite dans laquelle elle s'exprimait. Sesparoles devinrent tout à coup plus limpide mais je ne pus comprendre qu'un fragment de phrase :« Ne l'écoute pas... ou des Profondeurs Insondables, il renaîtra. »

 Je ne savais pas ce que cela signifiait, de qui est-ce qu'elle parlait, ce qu'étaient les ProfondeursInsondables, je ne comprenais pas. Mes sentiments étaient contradictoires, ma peur me hurlait detenter de fuir en criant à la mort, mais mon impression d'obligation me revint une fois de plus,comme pour me rappeler le rôle encore inconnu que je devais jouer. Sa phrase pénétra dans monesprit et n'en sortit jamais. Aujourd'hui encore, son écho affreux résonne dans mes pensées. Sonsens m'échappa longtemps, et maintenant que je l'ai saisi, j'aurais voulu ne jamais le comprendre

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⏰ Dernière mise à jour : Jan 14, 2023 ⏰

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