Je verse un peu d'alcool sur la blessure de l'homme étendu devant moi. Il s'est fait poignarder. Je préfère ne pas savoir comment et pourquoi. Je ne m'oppose plus à Tarek. Je prends simplement ce qu'il me donne.
-Il ne saigne presque plus. Je fais quoi maintenant?
-Tu sais quoi faire. Je te l'ai déjà dit, rétorque-t-il.
Je ferme les yeux et tente de me souvenir de tous les cours que m'a donné Tarek. J'ai besoin de quelque chose qui va favoriser la cicatrisation. Que va permettre que la blessure ne s'infecte pas.
-Du miel? Non. De l'aloe Véra.
Je prends le flacon et en verse sur la plaie. Je l'ai plutôt bien recousue et je suis fière de moi. Je prend ensuite des compresses propres et bande le torse de l'homme. Une fois le travail fini, je me tourne vers Tarek. Celui-ci s'approche et vérifie mon travail.
-Ce n'est pas mal du tout pour une première. Sa blessure n'étais pas très grave. Il va s'en sortir.
Je le remercie d'un signe de tête. Je tremble encore. Je ne pensais pas que recoudre quelqu'un serait autant source de stress.
-Vérifie qu'il n'y ait rien d'autre qu'on ne voit pas.
Je pose ma main nue dans son cou et laisse libre accès à mon pouvoir. Pendant les jours précédents, j'ai répété cet exercice des dizaines de fois. Je suis capable de sentir presque immédiatement où se trouvent les blessures les plus importantes. Mais cet homme a eu de la chance. Il n'a rien de cassé, ni rien d'infecté. Le poignard qui l'a blessé n'a pas touché d'organes et il va vite se rétablir.
-Rien d'autre, dis-je en m'écartant de notre patient.
-Parfait, dit Tarek en posant sa main sur mon épaule mais j'ai un mouvement de recul.
Je range vite les flacons et instruments pour cacher ma gêne sans oser relever les yeux vers lui. Je sens que je l'ai vexé. Mais ça m'est égal. Ce n'est pas parce qu'il m'apprends son métier qu'il n'en est moins un monstre. Je m'efforce d'être sage et de rester dans ses petits papiers mais cela s'arrête là. Je ne serais jamais amie avec lui et je veux qu'il le sache.
-Azilis?
Je le regarde presque à contrecœur.
-Oui?
-Comment vas-tu?
Cela fait 2 semaine que je suis ici et je ne me suis jamais autant servie de ma magie. Il m'incite à la solliciter presque tout le temps. Au début, je faisais un malaise avant la fin de la journée. J'avais l'impression que le moindre effort me vidait de mon énergie. À présent, même si je finis mes journées épuisée, je suis capable de tenir le coup. Je peux guérir quelqu'un le matin et un autre l'après-midi. Je suis capable de détecter en quelques secondes des blessures en sondant son corps mais je sais aussi désinfecter, recoudre, bander et prévenir les infections d'une plaie.
Tarek a beau être une personne détestable, il n'en est pas moins un excellent médecin.
Pourtant, je sens bien que je suis prisonnière. À chaque fois que je sors dans les jardins, il y a toujours une bonne, un valet ou un écuyer pas loin qui me surveille. Je n'ai pas non plus le droit de sortir au village. Je me demande combien de temps tout cela durera.
Je décide de jouer la carte de la franchise.
-Comme une prisonnière. Une prisonnière a qui on apprends un métier.
-Tu n'est pas prisonnière, réponds-t-il en fronçant les sourcils.
-Bien-sûr que si. Je ne peux pas faire un pas hors du château sans qu'on me surveille.
-Soit. C'est parce que je ne veux pas risquer que tu t'enfuies à nouveau.
-Donc je suis bel et bien prisonnière.
Un éclat amusé passe dans ses yeux.
-Je te considère plutôt comme mon invitée.
-Chacun sa vision des choses, rétorqué-je.
-As-tu écris ta lettre au prince et à la princesse?
-Pas encore. Je vais le faire.
Ses iris verts prennent à présents un air contrarié.
-Qu'attends-tu?
-J'ai oublié. Je suis désolée, je vais le faire.
Il s'approche de moi et je recule contre la porte. Je suis prisonnière, livrée à lui. Je n'aurais jamais dû entrer ici. J'ai terriblement peur des colères de Tarek. Je sais qu'elles peuvent l'amener jusqu'à tuer quelqu'un. Je jette un regard à l'homme inconscient sur le lit. Il ne me sera pas d'une grande aide.
-Tu ne comprends rien, Azilis. Tu ne te rends pas compte. Tout ce qu'on pourrait faire tous les deux... On serait invincible. Le monde entier pourrait être a nous.
-Je... Je ne veux pas du monde entier.
-C'est bien la preuve que tu ne comprends rien.
Il m'attire à lui, bien trop près. Je me transforme en un bloc de glace.
-On serait invicible, répète-t-il.
Ses mains se posent sur ma taille puis glissent dans mon dos pour me rapprocher de lui. Je suis trop proche, bien trop proche. Il sent le café et les plantes médicinales et je veux m'enfuir, partir et ne plus jamais sentir ses odeurs-là.
Je me sens tellement vulnérable que je suis pétrifiée. Je suis si naïve. J'aurais dû m'en douter. Il m'a déjà embrassé par le passé. J'aurais dû savoir qu'il ne s'arrêterait pas là.
-Je pourrais te rendre heureuse, Azilis. On pourrait être ensemble.
-L-lâches moi... S'il-te-plaît...
Ses lèvres se posent dans mon cou et je hoquette de surprise.
-Tu n'imagines pas l'effet que tu me fais... murmure-t-il.
Je pose les mains sur son torse et tente de le repousser mais il ne s'écarte pas d'un millimètre.
-Tarek... soufflé-je.
Mon cœur bat à un rythme effréné et mon sang s'est glacé dans mes veines. Je n'ose pas libérer mon pouvoir. J'ai tellement peur qu'il me détruise par la suite.
Ses longs doigts caressent ma taille et je presse si fort les paupières que j'ai l'impression qu'elle vont exploser. Je ne veux pas, je ne veux pas, je ne veux pas. J'ai besoin de respirer, qu'il me lâche. J'ai besoin de hurler. J'ai besoin d'Ethan.
-Je t'en supplie... Lâches-moi, Tarek, bredouillé-je.
Mais il ne m'écoute pas. Une de ses mains glisse dans mes cheveux puis il appui son front contre le mien. Je sens son souffle sur ma peau. Je frissonne de dégoût.
Un gémissement guttural nous fige tous les deux. C'est le patient de Tarek. Il se retourne subitement pour le regarder et j'en profite pour me défaire de son emprise. Je prends mes jambes à mon cou et m'enfuit de cette pièce.
Je crois que je passe des heures dans la baignoire à pleurer la tête posée sur les genoux. Je ne peux pas rester ici. Je ne veux pas vivre dans la peur, trembler à chaque mouvements et pas que je fais. Mais je suis prisonnière. Je ne sais pas quoi faire. Je n'aurais jamais dû revenir ici. J'aurais dû tout expliquer à Ethan, Asher, Rhésa et Loën. Ils m'auraient aidée, je le sais à présent. Ils m'auraient protégée au péril de leur vie. Je sais aujourd'hui que ma décision de vouloir moi, les protéger était complètement stupide. En quoi je les aide, ici prisonnière dans un château? Tarek peut leur faire n'importe quoi et je n'en serais même pas au courant.
Quelqu'un toque doucement à la porte de la salle de bain. J'essuie rapidement mes larmes.
-Mademoiselle? Appelle une voix douce.
-Tout va bien Emma. J'arrive dans 1 minute.
Consciente que ces longues minutes sans bruits ont dû l'inquiéter, je sors de l'eau pour me sécher et enfiler ma chemise de nuit. Et je sais déjà ce qui m'attends ce soir, comme pour tous les prochains soirs. Je dinerais seule, je m'endormirais en pleurant et je passerais une nuit peuplée de cauchemars.
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Deadly Skin (tome 2)
RomanceTerrifiée par ses propres pouvoirs et le danger qu'ils représentent, Azilis fuit et retourne vers la seule personne qui peut l'aider à les maîtriser: le cruel Tarek.