1. Le manque

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Il me manque. Il me manque à un point où ça devient physiquement douloureux. Quand je pense à lui, que je ferme les yeux et me souvient de ses cheveux châtains un peu ébouriffés et de son sourire, j'ai l'impression de recevoir un coup de poing en plein ventre.

Je fixe mon reflet dans le miroir de ma coiffeuse. Emma est en train de brosser mes cheveux. Elle ne me regarde pas, concentrée sur sa tâche.

Quand nous nous sommes retrouvées la semaine dernière, elle semblait si heureuse de me voir que je n'ai pas pensé un seul instant que mon départ avait pu avoir des répercussions sur elle. Puis dans la journée, j'ai remarqué plusieurs choses: qu'elle boitait, qu'elle tremblait en présence de Tarek et qu'elle était tout simplement différente. Et même si elle reste muette à mes questions à ce sujet, pas besoin d'être devin pour comprendre qu'elle a subit les foudres de son maître. Probablement accusée de m'avoir soutenue dans ma relation avec Noam, elle a sûrement été la première interrogée quand je me suis enfuie. À l'idée qu'elle ait subie tout cela par ma faute, le dégoût et la honte me submergent. Comme d'habitude, j'ai été égoïste et individualiste. Je n'ai pensé qu'à moi et a ma douleur. Et plus les jours passent et plus je me demande comment j'ai pu croire que je cesserais d'être un monstre. Comment j'ai pu croire que j'arriverai à contrôler mon pouvoir, à devenir normale et à être aimée? Et plus le temps passe et plus je me dis que Tarek a raison. Je ferais mieux de rester ici, de lui obéïr et de l'aider. Les monstres ne sortent pas. Ils sont dangereux.

Quelqu'un frappe à la porte et Emma va ouvrir. Tarek entre dans la chambre. Il pose un regard froid sur moi et m'ordonne:

-Viens avec moi.

Je me redresse et le suis dans le couloir. Ce sont les premiers mots qu'il m'adresse. Cela fait bientôt trois jours que je suis ici et que je reste enfermée dans la chambre avec ma femme de chambre pour toute compagnie. J'ai croisé Tarek le premier soir où je suis arrivée mais il ne m'a adressé qu'un signe de tête. Je sens d'ici la colère qui bouillonne en lui. J'espère qu'il ne va pas la passer sur quelqu'un d'autre que moi.

Je suis Tarek dans le château et la vue de ces longs couloirs et de ces petits salons provoquent en moi des souvenirs terrifiants. J'ai mal au ventre. Le sang de Noam tapisse ces murs et ces moquettes. Celui d'Emma aussi. Je me demande combien de personnes sont mortes dans ce palais. Tarek m'amène dans son bureau où il m'invite à m'asseoir. Rien n'a changé. Il y a toujours autant de livres et un grand feu brûle dans l'âtre. Malgré la chaleur que ce lieu dégage à première vue, il me rend anxieuse. J'ai l'impression d'être dans l'antre de ses méfaits.

-Tu veux boire quelque chose?

-Non merci.

Il hausse les épaules et se sert du thé. Je l'observe faire, suivant du regard ses gestes calmes et précis. Je sais à présent qu'ils ne sont qu'une façade. Puis enfin, il me regarde.

-Comment te sens-tu?

Je pince les lèvres.

-J'ai connu mieux.

-L'hiver, la neige, la forêt et les rivières gelées étaient mieux?

Je garde cachée la colère qui m'habite depuis que j'ai posé les pieds dans ce bureau et répond de ma voix la plus calme possible:

-Oui. Je préférais.

Il soupire.

-Je ne comprends pas. Je ne comprends pas comment une femme comme toi, avec un tel potentiel peut se satisfaire d'une telle vie.

-Je ne suis pas comme toi, Tarek.

-Bien-sûr que si. Nous sommes pareils.

Je tremble de colère.

Deadly Skin (tome 2)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant