Chapitre 55 - Led -

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— Salut.

J'ai du mal à contenir mon excitation depuis trois jours que le rendez-vous a été posé, et pour cause : Matty revient enfin pour une séance maquillage, après ce qui m'a semblait des mois sans nouvelle. Pourtant, il n'a s'agit que de dix jours. Un peu plus en réalité, mais j'essaie de ne pas trop y regarder pour ne pas être déçu. Beaucoup de travail, semble-t-il ? Je l'ai aperçu en fantôme sur quelques lives au beau milieu de la nuit. Il n'a posé aucune question, contrairement à ses habitudes où il y en avait au moins une, même insignifiante. Il n'y avait que son pseudonyme matt_hew pour me tenir en alerte.

Je mentirais en disant que je ne me suis pas inquiété. J'ai pensé à un peu tout, compte tenu de notre dernière rencontre en date. Est-ce que c'était trop ? Est-ce qu'il a estimé que finalement, ce n'était pas ce qu'il attendait de nous deux ? Est-ce qu'il en avait déjà assez ?

Pas faute de lui avoir envoyé des messages. Parfois, il me laissait en « vu » et je l'ai détesté pendant des heures. D'autres fois... rien. Calme plat. Il ne regardait pas sa messagerie. J'ai tenté les SMS, ce n'était pas mieux. Pendant presque deux semaines, Az' m'a entendu grogner et m'a traîné partout où elle pouvait pour que je ferme ma gueule – il est bien vrai qu'après quelques verres, je suis souvent plus joyeux, mais... c'était différent cette fois et je partais tôt, avant même de me sentir groggy. Parce qu'au Proudy, j'ai eu le sentiment d'une connexion, quelque chose que j'expérimente rarement avec quelqu'un, tout simplement parce que je ne prends jamais le temps comme je le fais avec lui. Ses silences aléatoires commencent à me peser. Heureusement, j'ai suffisamment de travail pour m'occuper l'esprit sur la majorité du temps, mais, parfois, je me prends à me demander ce qu'il se passerait si nous devenions sérieux. A cette idée, un mélange d'excitation et de doute m'assaille toujours. De l'excitation, parce que Matt est tout de même quelqu'un de foutrement attirant, et nous avons de bons atomes crochus quand nous trouvons un terrain de discussion. Du doute, parce que... eh bien, il y a toute cette histoire de déni, de placard, de timidité. Quoiqu'en ce qui concerne cette dernière partie, j'ai eu quelques bonnes preuves qu'avec l'environnement qu'il faut, il devient tout feu tout flamme. Le sexe mis à part pour le moment, Matt pourrait être quelqu'un qui me ferait envisager une relation, j'imagine. Ça fait longtemps que ça ne m'est pas arrivé, quand j'y pense. Quelques années. Mon dernier petit ami, c'était sûrement au lancement de Shining Led. Ça l'a soulé de me voir plus investi dans la création de mon avenir que sur lui. De son point de vue, ce n'était pas un véritable travail, mais un passe-temps un peu coloré. Maquilleur professionnel, ça sonnait comme une blague et pire encore quand je lui expliquais ce que je comptais faire. Des créatures mythologiques, travailler des concepts qui ne seraient qu'à moi, ou réadapter des choses selon des idées... ma dernière exposition était axée sur l'historique et les couleurs, le thème LGBTQ+ est au premier plan ces dernières années. De plus en plus de gens s'intéressent au combat qui a été mené jusque-là, et qui perdure. Leur curiosité est réelle, en bien ou en mal, je me le demande parfois quand je lis les gros titres ou que je survole les réseaux sociaux. Ça m'effraie aussi, quand je lis les échanges, cette guerre qui a lieu entre des gens réutilisant notre combat pour servir leurs idéaux. Le monde change et j'essaie de m'en tenir éloigné, de baigner dans le mien, celui que je peux créer du bout des doigts. Il est monnayable tant que je le voudrais bien, tant que je trouverais une façon ou une autre de faire dire des choses à mon art ou tant que les gens parviendront à imaginer ce que j'entendais derrière telle ou telle couleur utilisée. Même l'inclinaison de ma queue au moment où j'ai façonné une oreille d'elfe pourrait donner matière à réflexion à ces gens-là, et je sais que c'est le seul moyen que j'ai de m'en sortir à ma façon.

Pour l'heure, toutes ces tergiversations n'ont pas lieu d'être. Car à peine la porte d'entrée verrouillée derrière lui, les grands bras de Matt se sont refermés sur moi, me prenant de court et annihilant jusqu'à la moindre de mes pensées cohérentes. Si tant est que j'ai pu en avoir un jour.

SPARK for me - Tome 2 : "Second éclat"Où les histoires vivent. Découvrez maintenant