Pour t'embrasser sous le Sun (Minsung)

[2] Au sens propre et aux figues séchées

[ Deuxième shot de soleil ]

[🍊]

N'empêche, ça le dérangeait cette histoire. Bien que le campus de leur fac soit l'un des plus luxueux du pays, il ne comprenait toujours pas pourquoi quelqu'un habitant dans une villa voudrait venir s'installer ici. Parce que maintenant il en était sûr, Han Jisung avait bel et bien emménagé en face de chez lui.

Voilà trois jours que Minho avait l'impression d'habiter en boîte de nuit, les musiques s'enchaînant les unes après les autres dans l'appartement d'en face sans jamais baisser de volume, à peine une pose pour la nuit, et elles reprenaient. Voilà trois jours qu'il était lui cloué au lit, à son chevet des Dolipranes et des mouchoirs, pour cause de rhume et de migraine ; il ne savait toujours pas si cette musique l'aidait à faire passer le temps ou si elle empirait ses maux de tête. Ne pas lui faire dire ce qu'il n'avait pas dit, les goûts musicaux de Han n'étaient ni géniaux ni agréables à écouter, seulement égayants ; et en ce moment, de cette gaieté, il en avait foutrement besoin. Août l'assommait de sa chaleur, le faisait suer, au sens propre et au figuré, le nourrissant au provolone et aux figues séchés, c'était une provocation, avouez ! Le provolone ! Et puis quoi encore ! Il ne savait même plus comment ce fromage avait atterri dans son frigo ; sûrement une fin de soirée arrosée avec Seungmin ; et voilà qu'il n'avait plus que ça à manger alors qu'il se liquéfiait sur son lit. Il se ferait peut-être traiter d'incolto par l'Italie toute entière, mais le provolone, il trouvait cela sans aucune touche d'ironie, mauvais. Sans goût. E il provolone piccante, che ne dici di questo ? Qu'est-ce qu'il en disait de ça ?, et bien qu'il n'avait pas le palais assez aiguisé pour sentir des variations aussi minimes que celles-ci ; piccante, non piccante, pour différencier fallait en avoir bouffé en long et en large et il s'en gardait bien.

De grosses gouttes lourdes roulaient sur son front, il bouillait, sa peau était trempée de sueur. Un caleçon était déjà de trop, ses autres vêtements, il les avait abandonnés au bout du lit ; Minho partait du principe qu'il valait mieux prendre une douche régulièrement que de changer de vêtements tous les maintenants. Finalement, cette musique apportait bien un peu de joie de vivre dans son univers sans fraîcheur matinale et avec un provolone insipide pour remplaçant des pavlovas aux mûres ; alors il ne pouvait pas s'en plaindre. Mais comprenez bien, jamais, jamais dans une autre situation il aurait apprécié quoi que ce soit venant de Han. Cette homme était pour lui d'un insupportable dantesque. Tout chez lui l'énervait, ses petits sourires fiers et le ton de sa voix, sa manière de se tenir et ses expressions, tout, sauf sa façon bien à lui de répondre à ses provocations, par d'autres provocations et de ne jamais lâcher l'affaire, ça, il s'en délectait. Peut-être même plus que nécessaire.

Sous la lumière tamisée de son luminaire, Minho, écroulé sur son lit, s'ennuyait ferme. Son mal de tête l'empêchait de lire, ça l'énervait, il avait l'impression de laisser filer les vacances sans même en profiter. Tout de suite, qu'est-ce qu'il aurait donné pour un petit chapitre de Limonov ou d'Armance, sa littérature lui manquait presque autant que ses pavlovas, et c'était dire ! Il se raccrochait comme il le pouvait à son dernier livre d'image, mais si cette situation venait à durer, sa culture allait définitivement le quitter, et il en pleurerait bien, mais Minho était quelqu'un de fort émotionnellement parlant, insensible nuancerait Felix, alors il n'en ferait rien. Des mots, des phrases, des paragraphes, des pages entières qui lui étaient retirés, des sensations, des sueurs, des joies, qui étaient reportées, mais son moral en aurait eu besoin maintenant ; pour la première fois qu'il faisait une overdose de manque de sentiments, c'était bien sa veine. Regarder des images sans avoir besoin de faire appel à son imagination, il aurait bien maudit ce tas de papier qui osait porter le titre de livre.