Le Dévoreur de Rêves

Partie 3

TW : Addiction / consommation de substance

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Nione fit jaillir un feu des entrailles de la cheminée. Dans la marmite accrochée à la crémaillère frémirent bientôt les restes d'une épaisse bouillie de pain et de légumes qui fit ronronner le ventre de Kéti. La Chuchoteuse prit place autour de la petite table branlante, tout près de l'âtre. Elle n'était pas mécontente de pouvoir enfin se chauffer les os et se réjouissait à l'idée de se remplir la panse. C'est que l'alcine donnait diablement faim.

Lorsque son hôte posa le plat sur la table, un frisson de contentement lui secoua les épaules.

— Je suis désolé, le repas n'est pas digne d'un bon accueil... marmonna Nione tandis qu'il prenait place face à Kéti, l'air penaud.

— Il fait parfaitement l'affaire pour moi, répondit la jeune femme en plongeant le nez dans son assiette.

Nione regarda Kéti manger avec un mélange de fascination et de dégoût. Elle ingurgitait des portions impressionnantes.

— J'aurais aimé vous servir de la viande, reprit-il, mais je n'ai plus l'occasion d'en acheter depuis qu'Ilane s'est endormi. Les jours sont difficiles. Il n'y a plus que moi pour faire entrer de l'argent, désormais.

Kéti s'interrompit soudainement dans son repas, les sourcils froncés :

— Il faisait froid dans cette maison quand nous sommes arrivés, tout à l'heure. Je suppose que tu as également de la peine à la chauffer ?

— Oui... Je ne chauffe que le soir habituellement... Pour économiser le bois. Pourquoi ?

— Je ne sais pas encore, fit Kéti en replongeant le nez dans son assiette. Ca peut avoir un intérêt. Après manger, j'aimerais que tu m'amènes près du ruisseau, là où Ilane s'est endormi.

— Très bien...

Derrière la maison, en contrebas du jardin, on devinait l'orée d'une forêt dont la silhouette se dessinait à travers la brume. Au bout du terrain, un petit chemin mangé par la végétation sillonnait dans les profondeurs de la forêt. Ils n'eurent pas à marcher longtemps avant d'entendre murmurer le ruisseau sauvage qui intéressait tant Kéti.

— C'est ici.

Nione indiqua le pied d'un grand arbre, à quelques pas du cours d'eau, dont les racines noueuses émergeaient de la terre. Ces longs bras centenaires formaient un berceau naturel qui invitait à une sieste bienheureuse.

— D'ordinaire, l'endroit est accueillant, reprit le jeune homme. Lors des beaux jours, c'est un plaisir de s'allonger au creux de ces racines. On y écoute le chant des oiseaux et des grillons, le bruit du vent dans les feuilles. Mais depuis, cette brume persistante écrase tous les sons et vide les lieux de toute sa chaleur.

Les yeux de Kéti brillèrent soudain lorsqu'ils s'arrêtèrent plus longuement sur le grand arbre. Interloqué, Nione regarda dans la même direction qu'elle et tressaillit d'effroi. Sur le tronc massif, au-dessus de l'endroit où Ilane s'était endormi, de jeunes pousses bleutées grimpaient tout du long jusqu'aux ramures, semblables à celles qui envahissaient le mur de la maison.

— C'est bien ce que je pensais ! fit la Chuchoteuse.

— De quoi ?

Kéti se tourna vers Nione, l'air sérieux.