18. Une rencontre inattendue

81 14 51
                                    

De retour dans le camping-car, nous repartons sur les petites routes de campagne, en direction du sud-ouest. Tiago s'écroule, épuisé par cette première escapade. Sabine rompt le silence la première.

— Tu as réellement acheté du thé dans la boutique tout à l'heure ? Elle ressemblait plus à une vieille pharmacie qu'à une herboristerie !
— Oui, j'ai acheté des plantes bio à infuser ! La boutique était belle et la dame vraiment adorable, elle m'en a recommandé un avec un nom alambiqué qui a, soi-disant, la propriété de lutter contre le cancer... Bon, je n'y crois pas trop... Mais je l'ai pris quand même.
— Tu as bien fait ! Quitte à boire du thé, autant essayer !

Les paysages de campagne défilent à travers les vitres, offrant des champs à perte de vue, à peine sortis de leur jachère hivernale, colorés de vert, jaune ou marron. Les vaches et les oiseaux sont les seuls chanceux à profiter de cette nature que les hommes ont déserté.

Bercée par le balancement du véhicule, le vrombissement du moteur et la playlist de Sabine en fond sonore, je m'endors d'un sommeil profond. Des images s'invitent dans un rêve confus mais doux. Des vagues échouant sur le sable, une étendue d'oliviers centenaires, Tiago courant dans les hautes herbes en riant. Ces photographies de bonheur s'impriment dans mon esprit quand je suis tirée de mes songes par les voix de Tiago et Sabine.
— Ah, tu es réveillée, maman ! Tu as beaucoup dormi dis-donc !
— Coucou, mon amour. Ah oui, tant que ça ?

Je m'étire et frotte mes yeux nébuleux, je peine à retrouver mes esprits. Dormir en position assise n'est vraiment pas confortable. J'ai mal partout. J'ai pourtant l'impression d'avoir fermé les yeux quelques minutes. — Tu as dormi deux heures, madame ! J'ai cru mourir d'ennui au volant !
Sabine feint une moue lasse fortement exagérée qui fait rire Tiago aux éclats.
— Mais moi, j'étais là, tata, et on a bien rigolé ! On n'a pas fait trop de bruit, hein ? dit-il en pointant son index sur ses lèvres.
— Oh oui, et tu as été un super co-pilote ! Heureusement que tu étais là, toi !

Elle en rajoute en lui adressant un clin d'œil complice tout en me regardant d'un œil noir de mécontentement.
— Ce n'est pas bientôt fini votre manège à tous les deux ?
Le véhicule a avalé près de deux-cents kilomètres supplémentaires sans que je m'en aperçoive. Le voyage en camping-car offre une liberté fascinante. Tiago peut dormir confortablement durant le trajet ou aller aux toilettes en cas d'envie pressante, même jouer et nous n'avons pas besoin de trouver une chambre pour la nuit.

Un bruit étrange attire soudain notre attention, le camping-car se met à dandiner de gauche à droite en penchant sérieusement d'un côté.
— Mince, on a sûrement un pneu crevé ! s'écrie Sabine.
— Tu sais changer un pneu, toi ?
Je réalise que je n'avais pas envisagé cet incident, pourtant classique, je me sens stupide. Sabine immobilise le camion sur le bas-côté dans un emplacement d'arrêt d'urgence et allume les feux de détresse.
— Heu... non, je ne sais pas ! Je suppose que toi non plus ?

Sabine la boute-en-train a beaucoup de cordes à son arc, mais pas celle-là. Nous éclatons de rire toutes les deux. A situation cocasse, le rire s'impose !
— Tu supposes bien ! Et la nuit va tomber dans moins d'une heure ! Génial... dis-je tout à coup inquiète.
— Maman, tu sais, papa il sait changer les pneus, lui !
— Oui, mon amour, mais on est loin maintenant, donc on va se débrouiller par nous-mêmes ! Il y a toujours une solution, ne t'inquiète pas.
— On va essayer, poursuit Sabine, et au pire on reste là pour la nuit. On a de quoi manger et dormir, c'est l'avantage de notre maison ambulante ! Et demain sera un autre jour.
— Tiago, tu restes à l'intérieur, d'accord ? La route est dangereuse. On peut se parler par la fenêtre si besoin.
— Oui, maman ! Je vais faire un puzzle !

A l'extérieur, Sabine prend les choses en main en retirant la roue de secours exposée à l'arrière du camion, par chance elle n'est pas sous le châssis. De mon côté, je recherche sur internet une vidéo « comment changer la roue d'un camping-car ? ». Je comprends, en quelques instants, que l'exercice s'annonce difficile, vu la taille et le poids du véhicule, l'absence de bombe anti-crevaison et de cric hydraulique.
— Alors, il faut débloquer les écrous des roues avec la clé, celle-là, avant de lever le véhicule avec le cric, ici, dis-je fièrement mon portable dans une main et mon autre index pointant le matériel étalé sur le bitume.
— Oui, cheffe !

Les falaises ocre [En soumission]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant