Chapitre 4 - Craintes & Prémonitions (Sylvania) [Partie 2/2]

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Seule dans le salon, j'étais plongée dans mes angoisses. Cela faisait déjà deux choses inhabituelles et consécutives, mais liées en plus de ça. Ces évènements pouvaient coïncider avec l'une des raisons pour lesquelles j'étais venue voir Teano ce soir-là. Assise sur le grand canapé, je croisai les jambes, puis mes mains que je plaçai sous mon menton. La lumière était faible. La lueur bleue de la nuit naissante au-dehors remplissait dorénavant la pièce entière. L'atmosphère en était presque irréelle. Silencieusement, Teano fit deux allers-retours. Le premier, avec une assiette pleine de gâteaux fourrés au miel de Glamène syor. Le second, avec des verres de lait de Sélicat. Après cela, il posa son smartphone sur la table et lança « Clock » de Etolica..

— Je suis content que tu sois venue ce soir, je me sentirai moins seul, dit-il en prenant un gâteau.

— Je pense qu'il y a meilleure compagnie, mais tant mieux si la mienne te convient.

— Arrête un peu de dire n'importe quoi ! Mais bon, sinon... t'étais pas venue me confier un truc ?

Mon cœur se serra et tambourina dans ma poitrine. Ce n'était pourtant pas grand-chose, mais je m'apprêtai à verbaliser certains ressentis pour la première fois. Exprimer de telles émotions m'était étranger, mais je me lançai malgré tout.

— Quelque chose ne va pas Teano.

— Qu'est-ce que tu veux dire ?

— J'ai cette impression d'être en danger. Tout le temps.

— T'as toujours eu de fortes anxiétés Sylvania, non ? J'imagine que...

— Teano, je... c'est différent, ajoutai-je en lui coupant la parole. Vraiment, je suis inquiète. Les restes d'expériences de ton père se font de moins en moins nombreux dans la ville. Annabelle me dit qu'elle héberge des Phélidus chez elle, et ton père réagit comme ça en apprenant la nouvelle ! Avant de quitter l'appartement, ma mère m'a encore demandé s'il serait là. Elle est toujours inquiète pour quelque chose qu'elle n'a pas l'air de vouloir m'expliquer. Plus les jours passent et plus je me sens écrasée par le poids d'une chose que je ne vois pas.

J'avais haussé le ton à chaque phrase, faisant de grands gestes et fixant mon verre du début à la fin de ma tirade. Je gardai ensuite le silence, puis trempai un gâteau dans mon lait avant d'en croquer une portion.

— Je sais qu'il y a un problème, mais je ne peux pas l'expliquer mieux que ça. Et j'ai peur. J'peux pas me confier. Sauf à toi. Au-delà de ça, ma confiance en moi régresse depuis des semaines. Je suis toujours la même, à faire les mêmes choses, à être félicitée. Tout le monde croit que je suis parfaite ! Je ne déborde jamais du cadre. Je fais ce qu'on attend de moi. Je reste nette, propre et sage, sans rien. Sans identité. Je me sens vide !

— Tu n'es pas sans identité pour moi.

— Teano, pour toi tout le monde est fantastique !

J'eus la sensation que ma remarque le blessa légèrement. Il fit mine de ne rien entendre et m'écouta encore.

— C'est ce que tout le monde apprécie chez toi... tu rayonnes et apportes la joie. Mais regarde la vérité en face : je suis intéressante pour qui ?

— Malden est venu jusque chez toi pour que tu lui fasses écouter tes compositions cet après-midi.

— Il admire ma rigueur au travail, mes compétences et mon attitude bien apprise. Qui sait qui je suis vraiment, au-delà de tout ça ? Et même moi j'en sais rien quand j'y pense... j'ai l'impression d'être personne. J'aimerais changer le monde, mais je fuis au moindre problème. Je passe ma vie à avoir peur.

Lumières & Origines : I - L'autre côté du TempsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant