Midjourney Island

Chap 1 : Arrivée

Amélie, Mica, Lolita et Sam étaient une bande d'amis comme on en croise plein, soudés, mais qui ne mourraient pas non plus les uns pour les autres. Ils avaient 16 ans et se connaissaient depuis la 6e. Ils étaient tous différents mais partageaient plus ou moins les mêmes centres d'intérêts, ce qui à cet âge leur suffisait.

Amélie était rousse, aventureuse et boute-en-train. Elle vivait la vie comme on ouvre des cadeaux de Noël : tout est à découvrir, on se précipite, on s'extasie et on profite. Parfois le cadeau ne nous plaît pas, ce n'est pas ce qu'on avait commandé. Tant pis, on passe à autre chose. Elle n'était pas forcément belle, mais elle était solaire. Elle n'était pas forcément intelligente et cultivée, mais elle était assez maligne pour se sortir rapidement des situations délicates dans lesquelles elle se mettait inévitablement.

Mica était grande, trop grande. Elle était toujours placée au fond en classe, on lui demandait toujours de se décaler au cinéma, on levait la tête pour lui parler. Elle avait également un visage plus mûr, moins enfantin, et on lui accordait volontiers 3 ans de plus que son âge réel. Elle n'aimait pas ça, Mica. Elle aurait aimé rapetissire, encore et encore, jusqu'à n'être plus qu'un petit être insignifiant à qui personne ne prête attention. Mais c'était impossible. Alors Mica s'était trouvé un système de défense, un visage renfermé et une colère qui éclatait dès qu'on s'en approchait de trop près. Quand les gens lui demandaient de se décaler, elle leur faisait un doigt d'honneur et les invitait poliment à aller se faire f**tre.

Lolita. Son prénom sonne garce, mais Lolita était tout le contraire. Posée, timide et facilement embarrassée, elle avait cette particularité de toujours se placer en bas de sa liste de priorités. Elle aimait faire plaisir et détestait mettre les gens mal à l'aise. Cela lui pesait, parfois. Elle se trouvait inintéressante et gênante, et elle avait peur que les autres aient pitié d'elle. C'était la plus mignonne des filles de la bande, blonde avec des yeux bleus azur hypnotisants, mais elle ne s'en vantait jamais.

Sam, Samuel de son vrai nom, était cynique et méprisant, mais au fond il n'était pas méchant. Les adultes comme les plus jeunes l'appréciaient rarement la première fois qu'ils le rencontraient, en raison de son insolence et de ses blagues parfois malaisantes. On disait de lui qu'il était paresseux, parce qu'il s'obstinait à sécher les contrôles plutôt que de travailler. Il souriait rarement, et ses yeux ne se plongeaient longuement que dans ceux de Lolita, pour qui il avait secrètement des sentiments de longue date. Paradoxalement, c'était sans doute le plus mature des quatre amis.

Cette joyeuse petite bande était partie ensemble pour les vacances d'été, loin de leurs parents et autres adultes embêtants, chez le grand-oncle d'Amélie, un vieil homme ronchon mais bienveillant qui vivait sur une île et avait perdu sa femme il y a quelques années. Ils voulaient profiter de ces journées pour fêter leur première année de lycée, faire du canoë et veiller tard sur la plage, autour d'un feu de bois. Ils avaient bien sûr longuement négocié, avaient avancé des arguments convaincants afin d'obtenir ces trois semaines de pauses paradisiaques, et ils les estimaient amplement méritées.

Au moment où commence cette histoire, ils étaient installés sur un bateau à moteur blanc conduit par le grand-oncle d'Amélie. Ce dernier les amenait avec lui vers l'archipel d'îles où était située sa maison, une vieille baraque en bois sombre qui semblait tout droit sortie d'un roman d'aventures. Les quatre adolescents étaient assis à l'arrière, et le vent leur fouettait bruyamment le visage. Cela ne les dérangeait pas, ils étaient ravis, surtout Mica qui n'avait jamais fait de bateau et regardait le paysage d'un air émerveillé. Lorsqu'ils arrivèrent, le premier réflexe d'Amélie fût de se ruer à l'intérieur de la maison pour prendre le meilleur lit, et celui de son grand-oncle fût de rouspéter car, manifestement, sa petite-nièce n'avait aucune manière.

L'installation se fit assez rapidement. Les chambres avaient été distribuées à l'avance : les trois filles dormiraient ensemble dans la grande chambre d'amis et Samuel, l'unique garçon, logerait à part dans l'ancienne chambre d'enfant. Le déballage des affaires pris plus de temps, car Lolita avait pris bien plus d'habits que nécessaire, et ceux de Mica ne convenait pas du tout au climat de l'île. Amélie s'en donna à coeur joie, elle se moqua copieusement de ses deux amies si ignorantes, et en riait encore une heure plus tard.

Ils finirent la journée autour d'un dîner de poissons et de crustacés, composé avec soin pour faire découvrir aux visiteurs la culture de l'île, au cours duquel Lolita pris la parole en premier :

-Oncle Paul (le grand-oncle d'Amélie avait tenu à ce qu'on l'appelle comme ça), Amélie nous a parlé d'un petit village portuaire situé sur une des côtes de l'île, et nous aimerions beaucoup nous y rendre demain. Nous nous demandions si, pour ce faire, nous pouvions emprunter votre bateau. Amélie sait le piloter, et ce serait sur une courte distance, nous ne courrerions aucun risque.

Le vieil homme hésita, bien sûr, mais trouva la demande si joliment formulée (il s'était pris d'affection pour Lolita) qu'il accepta. De plus, il avait confiance en les compétences d'Amélie, car c'était lui qui lui avait appris à naviguer et, fois de marin, elle ne se débrouillait pas si mal.