Le goût du futur

Chapitre 6

  Même si la suite d'Eric était presque la copie-conforme de la mienne je préférais l'étudier et oublier son regard pesant sur moi ainsi que sa presque nudité. Il remarqua à l'allure irrégulière du travail de mon myocarde qu'il ne me laissait pas indifférente et son sourire en coin démangea ma main de lui adresser ma plus belle claque. Il avança de quelques pas et instinctivement je reculai sinon la bouffée de chaleur que j'empêchai de remonter à mes joues risquait de s'échapper de mon contrôle. J'ignorais si le tremblement de mes jambes provenait de sa simplicité à m'intimider ou d'un autre sentiment lié à sa tenue actuelle. Me voilà de nouveau à loucher sur ses muscles !

-J-J'ai, je me raclai la gorge pour calmer mon bégaiement et regagner mon sérieux, j'ai besoin de réponses.

Il tendit le bras vers le sofa en cuir, le nombre de vaches tuées pour cet hôtel devait se compter par milliers, et je m'y installai ce qui soulagea directement mon corps devenu marshmallow depuis mon arrivée ici. Pourquoi devait-il être si attirant ?

-Pose-moi d'abord tes questions, dit-il l'air toujours aussi atone avant de ne s'asseoir à ma droite.

-Pourquoi as-tu du sang sur toi ?

Il parut étonné par cette première remarque mais difficile de passer à côté de ce détail.

-Tu es arrivée avant que je ne puisse me laver.

D'où le manque de t-shirt, pensai-je en divaguant une seconde sur son torse tracé. Mais ces propos suffisaient à me mettre la puce à l'oreille et le feu qui m'embrasait en le reluquant s'estompa dans un nuage de fumée. Je me souvenais de son départ précipité avec Clarisse et je regrettai instantanément ma stupide curiosité.

-Tu l'as vidée de son sang ? hurlai-je en me relevant brusquement pour mettre de la distance entre nous.

Cela ne servait à rien de m'éloigner puisqu'il me rattraperait en un battement de cils cependant cela me permettait de me rassurer un temps soit peu.

-Je lui ai arraché le cœur, elle ne méritait pas que je boive de son sang.

Son attitude si flegmatique face à son meurtre me prouva qu'il n'était qu'un impitoyable monstre sanguinaire. Et depuis quand les humains devaient mériter qu'on se nourrisse d'eux ? Ma colère grimpa à vive allure, mes veines bouillonnant dans l'envie de lui arracher ce stupide air suffisant qu'il arborait.

-Tu es ignoble ! Pour qui te prends-tu ? Personne n'aimerait subir l'attaque de tes sales crocs de cadavre !

Il apparut à la vitesse de l'éclair devant moi ce qui me provoqua un cri suivi d'un sursaut de terreur.

-Oh tu te trompes Aimée, il s'abaissa pour atteindre mon visage tiraillé par la rage, et je suis sûr que tu adorerais ça.

J'essayai de le repousser brutalement sauf que mes espoirs se fanèrent puisqu'il ne bougea pas d'un millimètre. Comment osait-il me parler avec cette lascivité plus qu'évidente alors que le sujet concernait la mort d'une personne ?

-Tu es répugnant ! Pourquoi l'avoir tuée ?

-Elle en savait beaucoup trop, il haussa les épaules et s'écarta à mon plus grand soulagement.

-Elle ne m'a rien appris d'extraordinaire je suis toujours incapable de maîtriser mon don ! Tu n'es qu'un pauvre con ! m'égosillai-je à m'en briser les cordes vocales.

Je n'eus le temps d'ajouter un mot de plus qu'il m'attrapa par la gorge en un éclair les crocs sortis. Ok, j'aurais peut-être dû la jouer plus fine mais je n'y pouvais rien ! Cet homme me rendait folle. Il détruisait tout autour de lui ; je comptais dans le lot ses innombrables victimes, période humaine comprise puisqu'il était bien un viking, Chems-Eddine avec sa mission suicidaire d'intégrer un trafic illégal de sang de vampire, moi même pour m'obliger à travailler pour lui sachant que je pourrais y laisser ma peau et désormais Clarisse ! Il vivait dans un égoïsme permanent, rien ne comptait excepté lui-même. Je détestais juger un livre à sa couverture et pourtant dans cette situation je n'éprouvais aucun remord ou doute.