Prologue : Mindy Succu

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La nuit est tombée depuis longtemps en ce sombre mercredi d'hiver, et un vent glacial souffle dans la vallée de la Seine. Au beau milieu d'un immense terrain vague sinistre, un austère gratte-ciel gris orné d'un menaçant logo « MaD » se détache du paysage désolé. En cette heure tardive de 23 heures, la multinationale est privée de ses employés. Tout est sombre, ou presque. Car, tout en haut du bâtiment, une fenêtre reste pourtant éclairée. Seule dans son Bureau, Mindy Succu, la gérante et PDG de la firme, est toujours au travail. La petite salle est richement décorée des souvenirs divers et variés que son occupante a récoltés au cours de sa relativement jeune existence. À gauche du bureau, une cheminée dans l'âtre de laquelle un feu brûle intensément, projette des ombres fantasmatiques dans toute la pièce. Plusieurs photos sont posées sur celle-ci. La plus grande représente Mindy recevant sa thèse de médecine. Elle se tient au côté d'un grand homme à la peau noire vêtu d'un smoking blanc. Ses cheveux, poivre et sel, sont coupés court, et un fin bouc orne son visage. Accroché juste à côté de l'image se trouve aussi son diplôme de chirurgienne neurologue, la raison principale de son embauche par l'entreprise, il y a trois ans déjà. À droite se trouve une étagère garnie de livres et, à côté, un grand meuble classeur à documents. Sur le bureau de la jeune femme, on note la présence d'un interphone à sa droite, d'un ordinateur et de sa plaque ornée du logo de la Macabré Armament and Defense et de son nom,« Mindy Succu, PhD », suivi de la mention : « PDG » inscrit sur la ligne en dessous. La gérante, assise sur son fauteuil, à son bureau, est vêtue de sa blouse scientifique, dont elle ne se sépare jamais. La femme brune d'environ 35 ans, dont le rouge à lèvres noir, les talons haut noirs et la minijupe gothique dissimulée sous son vêtement de travail immaculé, tranchent fortement avec le côté guindé et conservateur du lieu, fixe un rapport de ses grands yeux froids. Elle semble complètement absorbée par sa lecture. Tout à coup, elle se redresse, et son visage se déforme. Elle enclenche son interphone, et pousse un hurlement.

« Zachary !!! Zachary !! Où êtes-vous, bordel ! »

Accourant aux suppliques de sa supérieure, un homme blond de taille moyenne et d'environ 30 ans finit par accourir. Son souffle est court, et il a grand peine à bredouiller quelques mots.

« Je... Je suis ici, « MaD »'ame ! »

L'arrivant remonte aussitôt ses lourdes lunettes sur son fin nez, tandis que les yeux de sa supérieure roulent dans leurs orbites.

« Ohhhh, arrêtez avec vos blagues navrantes... Je vous signale que cela fait plus d'1 heure 30 que je vous attends, imbécile ! »

La voix de Mindy Succu se fait cassante et autoritaire.

« Avez-vous des nouvelles du « Professeur » ?

Oui, « MaD »'ame, réplique-t-il avec une voix chantante et enjouée qui laisse son interlocutrice de marbre, et de bonnes. Il prétend que ces travaux préliminaires sont terminés et que sa machine est prête ! »

Mindy Succu pousse un profond soupir de soulagement.

« Tant mieux, il me coûte une fortune entre ses recherches et son sous-marin, j'attends un rapide retour sur investissement !

Mais, tout à fait, vous avez tout à fait raison, « MaD »'ame !

Parfait, vous pouvez disposer et rentrer chez vous, coupe la PDG de la « MaD», dites-lui que je passerai le voir dans une heure, et que j'attends des résultats concrets, sinon... »

La jeune femme lance un regard glacial à Zachary. À sa vue, le cœur de son employé s'emballe, et le pauvre garçon se met à trembler comme une feuille.

« Je... je lui dirai... « MaD »'ame ! Je... je vais même le faire tout... tout de suite, « MaD »'ame ! »

Le jeune homme se rue dans le couloir sous le regard mi-amusé mi-consterné de sa supérieure. Tandis qu'elle le regarde déguerpir, et entend le bruit de l'ascenseur, Mindy se plonge dans ses pensées. Et, comme toujours, depuis plusieurs semaines, elle n'est obsédée que par cette mystérieuse justicière qui lui pourrit la vie et contrecarre systématiquement tous ses plans.

« Quel crétin... Mais je dois m'en contenter, vu que, par « ta » faute, j'ai perdu pas mal de ses prédécesseurs plus compétents. Oui, par « ta » faute, j'ai tellement perdu... »

Les doigts de la jeune femme frôlent le dessus de son bureau, à un endroit qui semble avoir été abîmée par le feu ou une décharge électrique.

« Tu as osé me menacer ! »

Mindy se lève, et se dirige vers la cheminée, prenant en main la grosse photo de sa remise des diplômes.

« Tu m'as ridiculisée face à mon père adoptif, celui qui a fait de moi ce que je suis ! »

Son regard se fixe sur l'homme en smoking blanc à côté d'elle et, pour la première fois, une sorte de lueur de terreur anime son regard froid en pensant à son fameux mentor, le sinistre Professeur Aristide Kobanga. Mindy le respectait profondément. Après tout, il lui avait sauvé la vie, alors qu'elle n'était qu'une toute petite fille, durant la révolution roumaine de 1989. Kobanga l'avait amenée en France, et l'avait aidé à devenir une brillante chirurgienne comme lui. Non, pas vraiment comme lui, car aucun médecin ne lui arrive à la cheville, pas même elle. Oui, Mindy le respecte plus que tout. Et elle le craint, aussi, car elle sait qu'il faut craindre un homme qui se surnomme « le Nécromancien » !

« Tu vas me payer tout ça. Oh oui, tu vas vraiment me le payer très cher ! Mais, avant, je dois m'assurer d'obtenir ce que tu nous empêches d'avoir. Tu es peut-être maligne d'utiliser une identité secrète pour te mettre hors de ma portée d'action, hors de ma portée de vengeance... »

La gérante de la « MaD » s'empare d'un tisonnier et secoue les braises de la cheminée pour ranimer le feu.

« ...Mais je dirige une multinationale, alors je peux moi aussi placer nos « travaux » hors de ta portée. Je te hais, tu m'obsèdes, même dans mes cauchemars, mais tu seras bientôt du passé. Je me demande ce que tu fais à l'heure actuelle. Tu es sûrement confortablement endormie dans ton lit, ou t'es-tu réunie avec tes amis pour te moquer de la dernière saloperie que tu m'as faite ? Qui es-tu, le jour ? Travailles-tu dans les bureaux d'une entreprise quelconque, attendant patiemment la nuit noire pour me frapper ? Ou es-tu simplement une petite enseignante aimée de ses élèves ? Non, tu es peut-être tout simplement une infirmière dévouée à ses patients, ou, mieux, une petite secrétaire sans bagout ni saveur que personne ne remarque...Je t'imagine partout, mais je ne te vois nulle part, et ça me rend folle ! »

Dans une furie incontrôlée, Mindy jette violemment le tisonnier qu'elle tient en main contre la grande baie vitrée qui explose à son contact, propulsant l'objet métallique à l'extérieur du bâtiment.

« Mais bon sang, qui es-tu et où te caches-tu... « Gymnote » ! »

Gymnote : Ondes de tempêtesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant