Au commencement de tout, il y eut un balancement. Léger. Délicat. Un froissement presque imperceptible. Comme une mère qui porte son enfant contre son épaule tandis qu'il s'endort tranquille. Un bruit mat de chair qui rencontre la pierre, foulée d'un pas lourd puis un grincement de gonds sinistre. L'instant d'après, ce fut le toucher. Une fourrure chauffée a la flamme sous mes doigts, puis quelque chose d'humide qui caresse mon visage, longuement et timidement presque, ma nuque. Un grondement continu, paisible, qui me berce doucement.
Ensuite, il y eut une douceur soyeuse sous mes doigts, lisse, palpable, délicate, une chaleur diffuse dans tout mon corps, un confort ouaté, comme si je nageais dans les nuages, bercée par les anges, et une langueur délicieuse me confortant dans ma torpeur. J'étais bien. J'avais envie de connaître cette sensation ma vie entière.
Et soudain, il y eut un grondement. Le genre de grondement qui vous colle la chair de poule et vous met en alerte. Mes mains se sont crispées sur le drap qui m'enveloppait et j'ai entrouvert les yeux. La bête grondait toujours, dans mon dos. Sortie de ma torpeur, je cherchais à déchirer les limbes de la nuit pour trouver des repères. Face à moi, il y avait un large coffre en bois et en cuir d'excellente qualité, assez haut pour servir de table. Il était surmonté d'un cadre en argent, délicatement ouvragé et entourant un large miroir, appuyé contre une tapisserie de pourpre et d'or. Mon regard fut attiré d'abord par mon propre reflet. J'étais couchée sur un lit magnifique. Un lit immense, entouré de colonnes sculptées dans un bois sombre et brillant. entouré de tentures de dentelles délicates et vaporeuses. Certaines avaient été arrachées et pendaient miserablement. On avait recouvert mon corps d'un drap de soie noire, de couverture en laine et de fourrures exceptionnelles. Ce meuble à lui seul devait coûter une véritable fortune. C'est là que je le vis. Dressé derrière moi. L'homme. La bête.
Un colosse de haute taille, qui devait probablement se baisser pour passer les portes, aux épaules larges comme une armoire, au cou de taureau et au visage... Mon Dieu! Mon souffle resta coincé dans ma poitrine. Le visage était parcouru de cicatrices qui traversaient le front, le sourcil, la pommette, et finissaient dans une barbe noire, fournie. Mes yeux remontèrent lentement ce paysage ravagé avant de rencontrer deux billes d'ambre me fixant avec dureté.
Lorsque le contact fut établi, mon corps se tendit comme un arc, comme parcouru d'un frisson d'appréhension. Mon instinct me fit me recroqueviller alors que je ne parvenait pas à le quitter des yeux.
"- je vous ai fait apporter une robe. La vôtre était en lambeaux... Levez vous, je vous attends pour dîner."
La voix - ou plutôt le grondement - était roque et faisait penser à un torrent déchaîné. L'homme quitta la pièce sans un mot de plus, me laissant seule avec mon désarroi, et assaillie de mes souvenirs de la veille.
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Série Moon: Vivianne et le Loup
Literatura FemininaAux origines de la famille Wolf. Fille du fou du village, Vivianne est prise en pitié par tout le monde. Contrainte à quitter le village où elle a grandit, Vivianne traverse la forêt de heavenwood et les périls qu'elle cache. 🌞Classement au 24 fév...