Notre-Dame et Bartholomew Campbell

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Le feu de Notre-Dame était revenu à la charge alors que ce Capitaine de ses deux avait ordonné qu'on les sépare. Iel avait presque réussi à s'échapper, mais plus de demeurés en uniformes verts lui étaient tombés dessus. D'ici quelques heures, iel serait couverte de bleus, mais tant pis. Sa lèvre était fendue et sa pommette lui faisait mal, mais tant pis aussi.

Iel fut traînée en bas d'escaliers sombres jusque dans un sous-sol tout aussi sombre ; puis jetée sans ménagement dans une cellule humide qui sentait le renfermé. À peine eut-iel touché le sol qu'iel essaya de se jeter vers la sortie ; mais ne fit que se cogner contre d'épais barreaux de fer.

— Bande de fils de putes ! Où est-ce que vous avez emmené Charles ? J'vais vous défoncer et enfoncer votre nez dans votre crâne plein de pus ! Revenez ici, espèces de trouducs !

Comme les soldats semblaient déterminés à ne pas lui répondre, Notre-Dame tenta de secouer les larges barreaux. Ne réussissant à rien, et voyant que les gardes se lassaient du spectacle, iel jura de nouveau et s'assit en tailleur, le front contre la grille. Les gardes maintenaient une bonne distance de sécurité.

— C'est un animal enragé, ce machin-là.

— Pourquoi t'approcherais pas ta main, pour voir à quel point ? grogna Notre-Dame. J'vais vous fracasser la tronche tellement fort que vos salopes de mères voudront même pas de vos restes !

Il y eut un léger mouvement de recul parmi les soldats, qui marmonnèrent entre eux. Seuls deux restèrent au sous-sol ; un assis à bonne distance de la cellule, l'autre posté à la base des escaliers. Notre-Dame pouvait deviner sa forme sombre en écrasant au maximum son visage dans l'interstice entre les barreaux. Iel essaya de nouveau de forcer la grille, par acquis de conscience.

— Quelle vie de merde, maugréa-t-iel.

— Je ne vous le fais pas dire.

La jeune personne sursauta en jurant, se relevant d'un bond pour faire face à l'origine de la voix. Iel n'était pas seule dans la cellule : un homme était assis sur une paillasse, dos contre le mur de béton froid. Il avait de longs cheveux sombres, frisés et coiffés d'un splendide chapeau rouge à larges bords richement décoré ; une belle moustache assortie d'un bouc ; et des vêtements nobles quoique sales. Un long manteau rouge brodé d'or était jeté sur ses épaules pour le maintenir au chaud. Il avait un bras en équilibre sur son genou relevé, l'autre était caché sous sa cape improvisée. Ses pieds étaient chaussés de hautes bottes à talonnettes.

— Il y a déjà peu de place pour un homme de ma stature qu'ils m'imposent de la compagnie. Diantre.

Le contraste entre ce bel homme dans la fleur de l'âge et la cellule miteuse qui les retenait fit rire Notre-Dame. Le moustachu, assis sur sa paillasse comme un roi sur son trône, lui lança un regard contrit. Iel se laissa tomber par terre pour finir en tailleur, les épaules affaissées.

— J'comprends même pas pourquoi j'suis là. Enfin, si, je crois que j'sais, mais n'empêche. Dès qu'je sors, quelqu'un se prend un coup de genou dans les couilles !

Iel prit soin de crier la dernière phrase pour que les deux gardes l'entendent. Son compagnon de cellule sembla plus dérangé par sa vulgarité que par ses promesses de violence.

— Il n'est point très astucieux d'annoncer son plan de la sorte.

— Je sais, répondit Notre-Dame en baissant le ton. J'compte essayer d'en mordre un, à la place.

L'homme riva sur ellui un regard bleu perçant et empreint de jugement.

— Tout ceci manque de formes. Où avez-vous appris à vous battre ?

NeleaqueOù les histoires vivent. Découvrez maintenant