Chapitre 7

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💛💙


La journée, je tourne en rond. Le soir, je tourne en rond. La nuit, je fais des ronds dans mon lit.

Je tourne et retourne mon cerveau comme du linge dans une machine à laver ; mais au contraire du linge, ce qui ressort de mes longues tergiversations n'a rien de propre. C'est plutôt une masse informe, des bouts d'idées emmêlés les uns aux autres comme une bouloche mi-laine, mi-poussière.

Depuis une semaine j'ai cette problématique qui me hante : comment inviter quelqu'un à boire un café, si ce quelqu'un n'est jamais là et que nous n'avons aucun moyen de le contacter ?

Ce n'est pas faute d'avoir réfléchi à moults et moults techniques d'approche avec Yoongi. Même Seokjin m'a honoré de son aide (soit, il est peu probable que je répète un seul de ses mots, mais l'attention était plutôt sympa). Je me suis entraîné si dur, me suis tant préparé au moment, que la frustration de ne pas pouvoir mettre à profit ces efforts est phénoménale.

Entre nous, je ne sais pas pourquoi je m'obstine. Je n'ai qu'à aller le boire seul, ce café ! Je n'ai pas besoin qu'on me chaperonne. Mais dès que j'y pense, je me demande : y a-t-il vraiment un intérêt à me rendre dans un endroit public pour faire la conversation à moi-même alors que je peux tout aussi bien le faire à la maison sur mon canapé ?

Sans doute que non. Car le but de cette initiative, c'est d'échanger, d'apprendre, de comprendre. Et j'en ai parfaitement conscience. Seulement ça fait des jours que Jungkook n'est pas venu au magasin, alors à quoi bon ? Ce n'est même pas comme si je connaissais la raison de son absence. Si ça se trouve, il a fini par m'écouter et il ne reviendra plus jamais. Si ça se trouve, il a déniché des lits bien mieux que les miens.

Je coule un regard sur le Släkt de la chambre d'exposition et soupire. On a changé les draps pour une nouvelle référence, et il n'est même pas là pour les tester. Quel gâchis. Alors qu'ils sont si jolis...

Je m'avance inconsciemment vers eux pour les toucher du bout des doigts. Je m'imagine qu'il est là, allongé, les cheveux tout froissés sur l'oreiller. Pourquoi est-ce que ça me fait si bizarre et si vide de ne pas le voir ? Me serais-je habitué à sa présence ? Peut-être finalement que ses visites pimentaient mon quotidien sans que je ne m'en rende compte et que tout à présent me paraît fade.

Je n'aime pas l'insipide. C'est nul. Terriblement ennuyeux. Affreusement gênant.

Je lâche un énième soupire et me morigène :

– Depuis quand tu te préoccupes d'un inconnu ?

– Tu t'inquiètes pour moi ?

Je sursaute violemment et me retourne, le poil hérissé.

– J-Ju... Ju... Jungkook ?

Ma voix n'est rien de plus qu'un bêlement de chèvre. Je suis surpris, mais bien plus encore : je suis mortifié. Jusqu'à quand vais-je me ridiculiser comme ça ?

– Je peux faire une sieste ? demande Jungkook.

Volontairement ou non, il ignore mon bégaiement. Il est évident qu'il ne se soucie pas de mon état. Je suis pourtant certain de faire peine à voir. Comment peut-il se montrer aussi indifférent ? J'ai presque envie de lui passer un savon et de l'accuser de non-assistance à personne en danger ! Je dis presque, parce que son air épuisé me fait ravaler mes remontrances. Son visage est pâle, ses cernes creusés comme jamais. 

Släkt・ᵛᵏOù les histoires vivent. Découvrez maintenant