GWEN
Juin 2018
La porte du bâtiment claque derrière moi. Je rouspète un peu bruyamment, sentant une certaine migraine pointer le bout de son nez et mon chignon collé à mon crâne qui commence à se défaire. J'aurai utilisé la moitié d'un pot de gel pour rien...
Je me serai levé pour rien.
Les rues de Paris sont assez étroites, particulièrement celle-ci et, juste pour ça, je lance une injure :
- Quelle ville de merde !
Notre-Dame se dessine au bout de l'impasse. Les passants sont nombreux aux différents bistrots de la ville au cœur de laquelle on a installé une télé. La France joue son premier match pour la Coupe du Monde contre l'Australie ; je pense qu'il n'est pas terminé, vu les touristes et Parisiens concentrés sur le score.
J'entends encore le petit jeune me dire que je n'ai pas le profil adéquat pour le poste. Pfff, tu parles... Il devait avoir quoi ? Douze ans à tout casser ? Je n'aurais pas postulé ici si j'avais su que l'entreprise faisait aussi garderie. Je le revois se tordre dans tous les sens dans son costume trois-pièces bien trop grand pour lui. Je n'ai peut-être pas le profil pour le poste, mais lui, il n'a pas de profil tout court. Un bébé pingouin en costard, voilà à quoi il ressemblait.
P'tit con...
Son air supérieur, légèrement pédant, m'a donné envie de lui refaire la façade.
Il aurait au moins eu un profil après ça.
C'est mon père qui va être content, il m'a donné trois chances d'obtenir un job que je souhaite et j'ai échoué misérablement à chaque fois. Le pire dans tout ça n'est pas mon échec mais le fait qu'à partir d'aujourd'hui, je travaille pour lui. Je relativise, je le jure. J'ai pensé à me jeter sur la route en attendant qu'un taxi m'écrase, à rentrer chez moi et me faire des nouilles avec des piments extraforts pour atténuer ma souffrance, j'ai même réfléchi à comploter avec le ciel pour que la foudre me tombe sur la tête, persuadé que ma peau aurait un bon goût au barbecue ! Mais à la place, je me retrouve à errer dans les rues de Paris, fuyant Stéphane comme la peste. Il a dû faire six fois le tour du quartier à l'heure qui l'est, et s'il ne me trouve pas dans les cinq prochaines minutes, c'est des affiches de ma tête qui seront placardées dans toute la ville. Cependant, depuis le temps que cette vieille branche me garde, il doit savoir maintenant que lorsque je ne souhaite pas rentrer à la maison, il y a peu de chances qu'il me trouve. Cela dit, je devrais éviter de le sous-estimer autant, il bosse pour mon père depuis tellement d'années qu'il fait presque partie intégrante de la famille. Je le plains, il a fait une mauvaise pioche...
Mon portable sonne. Je m'arrête en plein trottoir pour fouiller dans mon sac avant que la sonnerie ne s'arrête. Un vrai défi. Je parviens à décrocher à la dernière seconde.
- Ils ne te méritaient pas !
La voix de mon amie me fait sursauter.
- Je ne t'ai même pas encore dit si j'ai eu le poste ou non !
- C'est vrai, oui, pardon.
Je l'entends pianoter sur son ordinateur.
- Tu l'as eu ?
- J'y étais presque...
- Ça, ça veut dire que tu en étais loin, mais crois-moi, ils ne te méritaient pas !
- Qu'est-ce que je vais devenir ? Je ne vais pas supporter les corvées de mon père longtemps...
- Tu ne sais toujours pas ce qu'il va te demander ?
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Le Mini Malibu (publié en auto-édition)
Romance[Disponible sur Amazon ou par ma bio instagram : auteure_askip] Depuis son retour d'Afghanistan en tant que soldat, Andrew est consumé par les souvenirs de sa mission. Interdit de terrain, étant souffrant d'effet post-traumatique après ce qu'il s'es...