#1 ⛈☔

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   Le cimetière est plongé dans la brume et la pluie ne s'arrête plus, inondant continuellement la terre granuleuse. De vieux arbres, courbés par le poids des années, perdent leurs feuilles qui s'échappent et finissent dans les égouts. De nombreux parapluies noirs sont assemblés autour d'une tombe ouverte. Un homme vêtu de noir, la mine sombre, chante les louanges de la nouvelle victime de la Faucheuse. Le cercueil est dans un bois massif luxueux, le nom complet du défunt est inscrit en lettres d'or sur le dessus. Sous son grand parapluie noir, le regard perdu dans le vide, T/P écoute le dernier sermon qui rend le décès plus réel encore. Elle n'est pas allée voir le corps à la morgue et maintenant elle regrette, peut-être que le visage de son père va s'effacer plus rapidement de sa mémoire à cause de cette erreur de jugement. Elle ne visualise pas un corps froid et inerte, elle ne voit qu'un sourire et un regard rieur. Il avait des pattes d'oies autour de ses yeux et alors qu'il n'avait qu'une cinquantaine d'année, il avait déjà de nombreuses rides. Le travail l'avait épuisé. À son tour, comme les autres, elle jette une rose blanche sur le dessus du cercueil avant de retourner à sa place initiale. Le collègue de son père est le suivant à déposer une rose et à souhaiter le meilleur pour un autre monde. Le professeur Seo Changbin est vêtu d'un long manteau noir, il est le seul parmi les invités, à ne pas porter de parapluie. Il laisse la pluie le tremper comme s'il n'en avait que faire. Son visage est fermé, impassible ou triste, elle ne saurait le dire car il l'a toujours beaucoup intimidée. Elle sait que les médias parleront d'elle ce soir, de cette fille indigne qui n'a pas versé une seule larme à l'enterrement de son propre père. Peut-être qu'elle aurait dû venir sans parapluie, comme le professeur Seo Changbin. Elle suit la foule, comme si elle n'était qu'une coquille vide. Derrière la corde de démarcation, juste avant l'entrée du cimetière, elle reconnaît l'ancien disciple de son père, Grey. Il porte un long manteau noir lui aussi mais il lui offre un demi-sourire, de ceux qui traduisent la douleur et l'empathie. Mais il n'a pas eu le droit d'entrer. Pas parce qu'il ne figurait pas parmi les invités mais parce que c'est un homme-loup, un lycanthrope, et que les lycanthropes n'ont pas le droit de se rendre dans les cimetières humains.

   Les journalistes assaillent les invités et entourent la jeune femme comme des rapaces autour d'une charogne. Une journaliste d'une trentaine d'année, tirée aux quatre épingles, tend son micro devant elle. La pluie tombe toujours mais elle s'exprime fortement. Bientôt d'autres journalistes l'imitent et les questions fusent.

-Mademoiselle T/N quelques questions s'il vous plaît !

-Votre père, le professeur T/N a révolutionné notre façon de voir la lycanthropie, c'est une grande entreprise qui retombe aujourd'hui entre les mains de son collègue le professeur Seo Changbin, avez-vous quelque chose à dire à ce sujet ?

-Pensez-vous que les centres d'insertions vont continuer à engager des humains pour s'occuper des loups ?

T/P se sent bousculée, elle ne parvient pas à se défaire de l'emprise des journalistes.

-Mademoiselle T/N, percevrez-vous une part de l'entreprise T/N ?

Elle balbutie, essaie de répondre, mais elle ne connaît aucune réponse. Son père était presque un inconnu pour elle. Grey se faufile dans la foule et l'aide à s'extirper. Ils regardent le professeur Seo Changbin prendre la parole calmement et répondre à toutes les questions avec professionnalisme.

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   Sa mère était une lycanthrope très affectueuse. Elle lui a donné beaucoup d'amour mais aussi des valeurs qui lui étaient chères. Quand elle repense à son enfance, ce sont les sourires et les jeux avec sa mère qui sont les plus réjouissants. Son père était presque toujours absent, il travaillait beaucoup et donnait peu de son temps à sa famille. Mais les seuls souvenirs d'enfance qu'elle a avec lui sont tous positifs. Lui aussi était très souriant, il semblait prendre soin d'elles à sa façon. Quand il revenait de voyage il lui apportait un petit cadeau, pas de ceux que l'on achète et qui coûtent chers, de ceux qui viennent du cœur. Il prenait soin de lui confectionner de petits cadeaux, des origamis, des bracelets ou encore des petits jouets. Il jouait aussi avec elle lors de ses rares venues. Mais cela ne suffisait pas pour dire que c'était un bon père. Sa mère est tombée malade et T/P était seule pour veiller sur la personne la plus importante de sa vie. Quand sa mère s'est éteinte, elle était encore seule, sans personne pour sécher ses larmes.

Wolfgang : refuge pour lycanthropes errants - Bang ChanOù les histoires vivent. Découvrez maintenant