Le Chemin Glacé vers ton Cœur Brûlé

Chapitre 5 : Charlie

Je profite de mes vacances pour aider grand-mère au maximum sur divers sujets concernant la maison familiale, mais également les autres propriétés que mes grands-parents ont acquises et mises en location au fil des années. Lors de ma deuxième semaine de congés, je m'attelle principalement à la société de mes grands-parents, mais lorsque grand-mère me dépose une caisse remplie de papiers, je désespère. Je n'ai jamais vraiment mis le nez dans les affaires de mes grands-parents, même pas après la mort de grand-père. Ils ont toujours si bien géré que je n'ai jamais eu de soucis à me faire et grand-mère a toujours mis un point d'honneur à s'en occuper seule, mais ces derniers temps, elle est si fatiguée qu'elle m'a demandé de l'aide.

Je vais m'installer un après-midi dans le salon avec Emelie. Je lui installe un énorme coussin à même le tapis devant la cheminée, je m'étale avec elle et je fais de même avec tous les papiers. Depuis notre échange dans la véranda un soir, je n'ai pas parlé à Tobias et j'évite au maximum de le croiser. Moins je le vois et mieux je me porte, contrairement au fait que plus je le vois et plus ma colère descend, car tout dans sa façon d'être me crie qu'il n'est pas son père. Et c'est toujours la voix de grand-mère qui jaillit dans ma tête, me hurlant dessus.

Je me saisis du premier papier de la pile en poussant un long soupir et mon regard se fixe sur la date du document. Ce dernier remonte à il y a trois mois, il s'agit d'un devis pour réparer la toiture d'une petite maison que nous louons à la sortie de la ville à une mère célibataire. Le devis est accompagné de plusieurs lettres de relance de cette femme, sommant ma grand-mère de faire le nécessaire pour réparer le toit qui fuit. Elle explique même dans l'une de ses lettres que la chambre de ses deux enfants est remplie d'humidité et de courant d'air et qu'elle craint pour la santé de ses enfants. La dernière lettre remonte à il y a une semaine, ce qui m'indique qu'aucune réparation n'a été faite. Je mets les papiers à côté de moi, me promettant d'en faire ma priorité, mais les autres documents ne sont pas mieux. Entre les locataires qui ne paient plus pour diverses raisons, les réparations qui doivent être faites et les comptes qui sont dans le rouge, je me décompose. Comment grand-mère a-t-elle pu laisser tout cela arriver ?

Je relis plusieurs fois les documents bancaires et je comprends que nous ne sommes pas seulement dans le rouge, c'est une véritable catastrophe et cela dure depuis des mois. Cela fait également deux ans que certains locataires ont cessé de payer leur loyer dans l'espoir que des travaux soient faits chez eux.

Je rassemble les papiers en une pile compacte, prends Emelie dans un bras, la pile dans l'autre et je vais rejoindre ma grand-mère qui est en train de préparer un gâteau dans la cuisine. Je balance le tas de feuilles sur le plan de travail enfariné où elle s'apprêtait à poser une pâte à tarte. Elle s'arrête à la vue des documents et relève la tête pour me regarder. Quant à moi, mon regard doit lancer des éclairs tellement je suis en colère.

- J'espère que tu as une bonne explication à tout ce merdier. J'attaque en déposant Emelie dans une chaise haute.

- Je suis fatiguée de tout ça, Charlie, dit-elle en montrant les papiers.

Et c'est vrai, son regard ne pétille plus de la petite étincelle qu'elle a toujours eue en s'occupant de la société que grand-père a créée. Toutefois, la panique que je ressens face à tout ça ne fait que décupler ma colère.

- Ce n'est pas une raison ! Tu aurais dû me le dire dès le début ! Pourquoi as-tu laissé traîner les choses aussi longtemps ? Nous n'avons plus du tout d'argent grand-mère et les travaux s'accumulent, ainsi que les retards de loyers ! Comment allons-nous faire ?

- Je pensais vendre quelques biens, pour financer des travaux et récupérer un peu d'argent.

- Et quel bien comptes-tu vendre ? Dans l'état où sont certains, nous vendrons à prix cassé et ce n'est pas comme ça que tout le travail de grand-père doit finir. Dis-je en haussant le ton.

Je regrette immédiatement ma colère lorsque je vois les yeux de ma grand-mère se remplir de larmes. Je pousse un long soupir et je reprends calmement.

- A partir de maintenant, je reprends les rênes. Je ne sais pas encore comment je vais m'y prendre, mais nous allons faire les choses une par une. A commencer par cette mère de famille qui t'a écrit je ne sais combien de fois.

Elle hoche la tête et se tamponne les yeux avec son tablier.

- Oui, c'est madame Adams avec ses deux enfants. Elle est veuve et ne paie plus le loyer depuis deux mois, mais je n'ai pas les moyens de financer les travaux.

- Nous allons trouver une solution mamie, ne t'inquiète pas. Dis-je en m'approchant d'elle pour la prendre dans mes bras, malgré ma colère.

Elle me serre très fort contre elle et j'en fais de même. Pendant notre étreinte, j'aperçois Tobias dans le fond du jardin sur le toit de la remise. Il est en train de fixer des tuiles qui sont tombées pendant l'hiver. Et c'est à ce moment qu'une idée germe dans mon esprit, notre homme à tout faire n'est pas obligé de se contenter des tâches dans la maison familiale.

Je m'écarte de ma grand-mère, pose mes mains sur ses épaules, redresse les miennes et redresse la tête.

- Je pense avoir une solution mamie, ne t'inquiète pas, tu n'auras rien à faire, juste à me prêter Tobias.

Elle tourne sa tête vers l'endroit où Tobias se trouve et comprend ce que j'ai en tête.

- Très bien, je pense qu'il sera d'accord contre un bon salaire. Dit-elle.

- D'ailleurs, comment comptes-tu le payer sans argent ? Je demande.

- Et bien, j'ai dû vendre la voiture de collection de ton grand-père. Cela m'assure de pouvoir le payer pendant quelques semaines avant de devoir le remercier.

- Alors profitons un maximum de ses quelques semaines de main d'œuvre. Dis-je en reprenant tous les papiers.

- Et de compagnie. Conclut ma grand-mère en me lançant un sourire.

Je ne prends même pas la peine de lui répondre et quitte la pièce pour remonter dans ma chambre où je passe le reste de la journée à trouver des solutions pour remonter la pente.