62 - Fireheart

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Je pénètre en trombe dans l'appartement. William est en train de laver sa sacro-sainte cuisine à coup d'éponge. Claire apparait du couloir en entendant la porte claquer. Je réalise qu'en bon fils indigne, son cadeau traîne toujours sous le sapin. Un profond soupir m'échappe : j'aimerais juste pouvoir passer la scène en avance-rapide, lâcher ce qu'elle souhaite entendre et retourner voir Corentin. Mais à l'expression qu'elle affiche, je devine devoir rendre des comptes, ce qui a le don de m'agacer plus encore.

 – Tu étais à l'Académia ?

 Le son de sa voix claque comme une barre métallique sur le carrelage. Elle sait très bien que je n'y étais pas. Claire n'a rien de la personne dévouée et détendue qu'elle donne à voir ; ses cours de fengshui et de yoga ne sont qu'une façade qui lui permettent de se donner bonne conscience. Elle a toujours été anxieuse, voir colérique quand la situation lui échappe. Je préfère éviter ses questions, sachant qu'il ne ressortira rien de positif de cette confrontation.

 – Mmm.

 – Tu as déjà repris les cours ?

 – Comme à peu près tous les élèves, marmonné-je. Sauf William.

 Je me tourne vers mon frère et braque un regard noir sur lui : il passe son temps à la maison pour en plus s'en tirer sans problèmes quand je dois rendre des comptes. Rien que sa présence me tape sur le système. Loin de se sentir concerné, il hausse les épaules et se tourne vers le frigo, bien décidé à se délecter de cette vengeance doucement méritée. Je me demande encore comment il est parvenu à s'en tirer après leur conversation de la veille.

 Claire croise mon regard, une fraction de trop je suppose. Son visage change imperceptiblement et je sens venir la tempête.

– Tu étais encore chez le voisin, constate-t-elle.

– Mmm...

– Hier déjà... Tu sais que je paye cher tes études ? Je ne dépense pas tout cet argent pour que tu passes ton temps à tergiverser à droite à gauche.

 J'aurais dû me douter que rappliquer si vite ne ferait qu'éveiller ses soupçons. Je fais comme si je n'avais rien entendu, pose mon sac sur le sofa et me dirige vers le frigo pour chercher un encas à grignoter.

– Et qu'est-ce que tu fais du piano ? Ce n'est pas en te tournant les pouces que tu vas réussir. Regarde ton frère, à ton âge il avait déjà intégré l'orchestre de New-York et regarde-toi : je t'ai à peine entendu jouer de la journée hier et...

– Ca ne fait même pas vingt-quatre heures et tu commences déjà.

 La colère monte. Je ne peux m'empêcher d'en vouloir au frérot même s'il n'a pas grand-chose à voir là-dedans. D'ailleurs, il me jette un regard en coin, presque compatissant, et disparait discrètement dans la chambre où il couche. Je me prends la tête entre les mains en tentant de retenir toutes ces années d'amertume qui menacent d'exploser.

 – Tu ne peux pas prendre tes études à la légère.

 – Je ne les prends pas à la légère ! rétorqué-je en me retournant vivement vers elle.

 – Tu étais chez le voisin.

 – Et alors ? Qu'est-ce que ça change à ta vie !

 – C'est moi qui paye ce loyer, je suis ta mère !

 Une colère sourde fait bouillir mon sang. Ma mère ?

 – C'est maintenant que tu t'en souviens ?

 Son visage se décompose :

 –Tu es injuste Maxime. J'ai toujours été là pour toi, j'ai toujours tout fait pour que tu réussisses. Tu crois que tous les enfants ont la chance d'avoir des parents qui payent pour eux ?

Genius Love [BxB]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant