Lumarave I [Fantasy]

Prologue

Printemps 485, Troisième Ère

Cour royale de Heathaven,

Province du Westray, Royaume de Brinadean

Un épais voile de nuages gris couvrait le ciel, se déplaçant lentement vers la capitale. La pluie, inévitable, viendrait d'ici le soir, comme elle le faisait depuis des semaines. Les rares rayons de soleil qui parvenaient à percer cette couche morose échouaient à réchauffer les rues pavées. Pour ne rien arranger, la fine brume qui se formait en aval, habituellement confinée aux contrebas, s'épaississait chaque jour davantage, gagnant désormais le centre-ville. Le froid était omniprésent, et les cheminées, malgré leurs efforts, peinaient à rendre les logis plus agréables à vivre.

Depuis la mort de Ferdinand III Swartsh, la ville était plongée dans une obscurité morbide, jour et nuit. La disparition brutale du haut-roi avait laissé une plaie béante dans le cœur des habitants d'Heathaven, une plaie que rien ne semblait pouvoir refermer. Le silence pesait lourdement, trop lourdement, dans cette capitale autrefois si vivante et rayonnante. Le bruit était proscrit, l'agitation bannie, et tout rassemblement immédiatement dissous. L'ennemi, l'Imperium, tenait la ville d'une main de fer, contrôlant aussi les provinces voisines. Bientôt, le royaume entier de Brinadean risquait de tomber sous l'occupation impériale.

Quatorze heures sonnaient au clocher de l'église. En temps normal, les habitants auraient déjà repris leurs activités quotidiennes après la pause du midi. Les ouvriers et artisans auraient regagnés leurs activités, les mères s'occuperaient de leurs foyers, veillant sur les plus jeunes, tandis que les aînés seraient en route vers les salles de classe. D'ordinaire, la capitale fourmillerait déjà de vie, les rues animées par des foules en mouvement constant, du port aux portes du château, de l'aube jusque bien après minuit.

Mais aujourd'hui était un jour bien particulier...

Le peuple s'était rassemblé sur la grande place royale, aux pieds des imposantes murailles du château d'Heathaven, connu sous le nom de Clair-Reflets. Un silence presque cérémonieux enveloppait les lieux. Quelques retardataires tentaient de se frayer un chemin à travers l'immense foule, qui attendait patiemment, à une distance soigneusement respectée, autour d'une austère estrade de bois. Personne n'osait s'approcher davantage, comme si cette estrade portait en elle une malédiction. Et, en quelque sorte, c'était le cas, quand on savait pourquoi elle avait été dressée.

Des trompettes retentirent depuis les murailles, annonçant l'arrivée de la nouvelle famille régnante impériale. Elle allait apparaître, perchée sur les hauteurs, là où les Swartsh saluaient jadis la foule lors des festivités.

Mais il n'y avait plus de Swartsh désormais.

À la place, le nouveau haut-roi, Karlestan Ier, à peine âgé de cinq ans, montra timidement sa petite tête d'enfant. Une partie de la foule l'acclama avec ferveur – les impériaux et les traîtres, bien sûr. Une autre partie se força à applaudir, composée de ceux qui ne cherchaient qu'à survivre, à éviter de perdre leur tête. Quelques-uns, cependant, osèrent lui lancer des regards noirs, incrédules, la bouche close. Mais ils savaient pertinemment qu'il valait mieux rester discrets.

La reine-mère accompagna son fils, un large sourire illuminant son visage et dévoilant des dents d'une blancheur éclatante. Elle leva la main, la balayant avec dignité pour saluer la foule. Sa couronne scintillait intensément au sommet de sa tête, toujours en place malgré la mort de son époux. Une nouvelle preuve que sa disparition ne semblait pas l'avoir affectée autant qu'elle ne l'avait laissé croire.

La princesse Harriet fit son apparition à son tour. Bien plus discrète et en retrait, elle ne souriait pas, arborant même une expression craintive. Sa mère ne lui accorda aucune attention, comme à son habitude, étant entièrement concentrée sur son fils, l'heureux élu et détenteur du don tant espéré.