Chapitre 4 : La nuit et ses collines.

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Les longs arbres traçaient des ombres sur le tapis forestier, parsemé de frondes et brindilles parfumées. Le soleil s'infiltrait entre les infimes trous des branchages, chatouillant le visage comme pour souhaiter "bon voyage".

Les géants murmuraient à chaque coup de vent, leur écorce craquait et leurs racines ressemblaient à de grands bras noueux. Celeanor, effleurant leurs immenses corps de ses doigts doux, engagea la conversation avec Astalos, marchant en bout de file :

- Tu es donc sûr de ta décision ?

Le garçon ralenti un instant, posant les yeux sur de jeunes bourgeons. Ils étaient blancs, inoffensifs, et en proie au mauvais temps.

- Oui, je ne regretterai rien.

Le groupe continuait d'avancer, rapidement mais silencieusement. Legolas et Vira' avaient sorti leurs armes, Thaliûu préférait observer les oiseaux. La guérisseuse laissa les deux elfes la dépasser pendant qu'Astalos accélérait pour arriver à sa hauteur. Son regard était caché par ses cheveux noirs, bien qu'ils ne soient pas très longs. Il se demandait ce qu'elle pouvait fixer si tristement, peut-être bien sa main, ou le manche de son épée. De toute façon, l'un et l'autre ne se quittaient jamais.

- C'est dommage que vous ne puissiez rien faire. Vos pouvoirs, à toutes les deux, ont pourtant l'air si puissants...

La jeune humaine baissait la voix :

- J'en suis vraiment désolée...

La journée passa et la lumière se retira entièrement pour laisser place aux ombres du coucher. Les arbres se faisaient taillis, et les taillis se firent bosquets. La forêt laissait place aux collines vertes. Au loin, se dressaient quelques menhirs et dolmens, debout dans la nuit, rêveurs insomniaques. Ils étaient arrivés aux Hauts-des-galgals. 

Thaliūu, qui avait couru en haut d'une butte, laissa ses cheveux, délibérément détachés depuis la fin d'après-midi, flotter au gré du vent. Il s'assit, sourire aux lèvres, un nuage roux roulant maintenant au-dessus de l'herbe gracieuse. Puis, il tourna la tête, croisant le regard de Legolas, qui changea brusquement de direction pour venir le rejoindre. 

Le blond avait un flambeau au bout du bras, allumé à la va-vite en attendant de faire un feu. Lorsqu'il s'approcha du roux, sa chevelure sembla s'enflammer. 

- Tu as vu quelque chose, mon ami ?

Il s'accroupit à sa hauteur et scruta l'horizon obscurcit. Derrière lui, Astalos et les deux jeunes femmes attendaient en silence. L'elfe allait les appeler, mais Vira' l'en empêcha. Elle chuchota, lui posant la main sur l'épaule :

- Deux secondes, ce genre de moment, c'est précieux.

En haut de la butte, Thaliūu caressait l'herbe doucement de sa main. Il avait envie de rire.

- Tu te rappelles, lorsque j'étais monté si haut dans ce grand arbre, et que t'avais essayé de venir me chercher ?

- Oh, je m'en rappelle très bien, lança Legolas en inspirant longuement.

 Ce jour-là ils avaient bien crû y rester. 

- Et tu te souviens, lorsque la nuit commençait à tomber et que le bruit des feuilles nous berçait ? Et combien c'était relaxant et amusant d'être piégé là, en fin de compte ?

Thaliūu avait le regard encré dans le lointain où s'enjambait collines et dolmens de pierre, revivant de vieux souvenirs. Legolas savait que c'était dans ce genre de moment qu'il était le plus vivant. Les deux elfes restèrent un moment sans rien dire. Le roux tapait sur le sol avec ses doigts, pour se rappeler l'air d'une chanson. Legolas souffla :

- On avait été retrouvé au matin par notre tuteur. Je croyais que Calian nous aurait disputés jusqu'à la fin de nos jours...à la place il nous a félicité pour notre talent en escalade !

Le sourire de Thaliūu diminua un peu, Legolas allait se reprendre mais l'autre le devança. 

- Oh, au fait, on peut peut-être pas dormir dans un arbre, cette nuit, mais la colline d'en face a l'air adaptée pour y faire un bon feu de camp.

Sur-ce, il descendit la montée en courant et son ami ne se fit pas prier pour faire la course avec lui. 

A peine étaient ils à nouveau réunis qu'ils durent se séparer. Vira' et Thaliūu s'étaient proposés pour aller chasser, Celeanor était restée pour faire état de ses réserves d'herbes médicinales et Legolas et Astalos se préparaient pour un entraînement vespéral. 

Ils sortaient leurs armes et firent quelques mouvements en solitaire ; Legolas, armé d'un long couteau à la lame d'or et d'argent, se battait contre un ennemi invisible, semblant le tuer à maintes et maintes reprises. Ca se voyait, il était né pour combattre. Astalos, non loin de lui, regardait avec sérieux le poignard qui lui avait été confié. Il essayait de se rappeler de quelque chose, en vain.

D'un seul coup, Legolas bifurqua en direction d'Astalos et lui pointa sa lame juste en dessous de la gorge. Celui-ci fut prit d'un sursaut.

- On ne t'as donc jamais appris à rester vigilant ? 

Comme toute réponse, le garçon recula et se mit en position de combat. Il regarda son mentor avec détermination et se mit à lui tourner autour à pas prudent. 

- Et toi, n'as-tu donc jamais appris à te détendre ?

Legolas serra les dents et lança son bras vers le flanc droit d'Astalos, perçant l'air vivement. Le garçon esquiva, les pieds dérapant dans l'herbe humide. Ils se regardaient intensément tout en continuant leur ronde, vigilants. 

- Dans tous les cas tu ne me blesseras point, dit Astalos, le provocant avec amusement.

- N'en soit pas aussi sûr.

Et le blond fonça sur lui, le faisant tomber à terre en lui fauchant le bas du corps, le désarmant au passage. Il s'apprêtait à la maintenir au sol mais son disciple réussit à lui échapper avec agilité. Il roula plus bas, ramassant le poignard qu'il avait fait tomber par inadvertance la seconde d'avant, et se recula à nouveau. Le vent soufflait fort, quelque cendres du feu voisin séparaient leurs deux silhouettes. Elles volaient gracieusement avant de s'éteindre sur la terre moite. Le feu crépitant faisait grandir leurs ombres sur le vaste sol.  En haut des collines vertes Astalos frissonnait d'excitation.

D'un coup, comme un brasier reprenant vigueur, Legolas chargea à nouveau. Cette fois, il sorti les armes, du moins, un semblant d'arme. Il avait gardé dans son carquois une branche large et longue comme un avant-bras. Astalos rit et son mentor en profitant pour lui asséner un coup dans l'épaule.

- Ce n'est pas parce que j'adoucis mes méthodes que tu dois baisser ta garde. Première leçon : anticiper les mouvements de son adversaire !

 Le garçon aux cheveux blancs s'avança avec précautions et, alors que Legolas fit mine d'essayer de lui asséner un coup à la tête, il se baissa rapidement et lui donna un coup dans les côtes. Puis il tenta de lui faire perdre l'équilibre mais son mentor était bien trop encré sur ses appuis. Il n'eut pas le temps de reprendre de la distance et se prit la branche en plein tibia.

Legolas jeta avec un sourire chaleureux :

- Si tu n'apprends pas par le jeu je peux aussi te proposer des leçons plus théoriques.

Astalos allait répondre positivement quand il fut interrompu par un son soudain. C'était le cri d'un homme apeuré. Tous se demandaient ce que c'était et, Celeanor, qui était descendue de la colline en direction de la forêt, fut la première à le savoir.

Vira' revenait, colère aux yeux, faisant avancer de force un homme jusqu'au campement. Thaliūu la suivait de loin, du gibier entre les bras.

Lorsqu'elle passa à côté de Celeanor et des deux elfes qui l'avaient rejoint, elle murmura seulement :

- On doit s'expliquer, lui et moi. 
















Et je ne suis jamais rentré... - T.2 - Sauveur de ce monde -Où les histoires vivent. Découvrez maintenant