Chapitre 2 : Et ça monte...

21 3 35
                                    

TW : Crise d'angoisse.

Thaliûu était seul, en train de chasser parmi les premières ombres du matin. Il avait besoin de respirer, comme beaucoup d'autre. Mais lui, c'était différent. Ce n'était pas une responsabilité, un pouvoir, une personne, qui le faisait trembler. C'était lui-même.

La flèche fusa, déchirant l'air d'un bruit long et aigu, plein d'angoisse. Lorsque le sang gicla de l'entaille qu'il venait de faire à un cerf, il déglutit.

Il ne faut pas y penser. Mais comment oublier ? Cette peur de blesser sans faire exprès, c'est son fantôme. Une voix qui murmure "et si...". Un souvenir qui le hante.

Des pas tonnèrent derrière lui, c'était Legolas, il le cherchait.

- Oh, tu chasses ? Demanda-t-il, le ton enjoué.

Thaliûu baissa les yeux vers le cerf agonisant.

- Non, je tue.

Et le ciel lui tomba dessus. Ca se ressera, comme un roncier dont les épines se multipliaient. Il voulut respirer. Ça l'étouffa encore plus. Il mit sa main au cœur ; Battait-il encore ? Vivait-il encore ? Existait-il encore ? Le monde se contractait sur lui, les arbres devenaient une prison, les bruits un chahut, un chaos, ses pieds le piquèrent, comme s'ils voulaient le lâcher. Sa respiration coupa, s'accéléra, se réinventa avant de n'être plus qu'une recherche d'air, une asphyxie approximative, réduisant à néant tout espoir d'inspiration. Il commença à pleurer, c'était encore pire.

Legolas intervint :

- Mais, tu avais pourtant réussi à guérir ça...non ?

La gorge tremblante, le corps aussi spastique que la surface de l'eau en pleine tempête, Thaliuu réunit ses forces pour articuler une douloureuse phrase :

- Quand je me suis fait avoir...c'est revenu !

Il se laissa tomber au sol. Son arc jusqu'alors serré avec ferveur au creux de sa main, il le jeta au sol le plus violemment possible, s'écroulant parmi les frondes.

Son ami était choqué, pouvant à peine bouger tant l'atmosphère, lui aussi, l'angoissait.

Thaliûu pensait qu'il allait s'évanouir. Il luttait pourtant, se rappelant, après des centaines d'années, comment il avait tenu la dernière fois. Malheureusement, un combat contre soi-même reste un combat, et se faire parasiter par son propre esprit devient alors une tragédie. Quoi qu'il fasse, il se rappellera et il ne pourra réchapper aux voix qui l'ont tellement tourmentés. Car il se ramène lui-même des souvenirs. Et les souvenirs ne sont pas effaçables.

- Thaliuu, calme-toi. Rappelle-toi, respire.

Le roux, la tête baissée vers le sol, genoux à terre, main au cœur, était prit au piège.

- Je...peux..pas. Je..veux pas.

- THALIUU !

L'elfe lui déboula dessus, perdant un peu ses moyens, trop inquiet pour rester en retrait. Il commença à prendre le bras de son ami pour le relever, mais celui-ci le repoussa violement.

Thaliuu lança, d'une voix faible et cassée, les yeux embrumés :

- Et si ça arrivait à nouveau ?

Il essaya de sécher ses larmes mais une violente toux s'empara de son cœur.

- Rappelle-toi, Thaliuu, resp...

- LEGOLAS !

Le roux avait comme rassemblé toutes ses forces pour crier son nom, une rage lointaine l'habitait, mélangée avec ce dégout de lui-même, un dégout réveillé et plus fort que jamais...

- Et si ça recommençait ? Et si je te tuais comme...

Le blond senti la colère monter en lui.

- Dis pas de bêtises...

- Legolas j'suis un meurtrier, un imbécile, un inattentif, un tête en l'air qui arrive à confondre allié et ennemi en pleine bataille ! Je suis le fardeau de ton père tout autant que son jouet ! Il m'envoit t'aider parce qu'on est indestructibles à deux, parce que je suis ton gardien mais... - Ses yeux se perdaient entre les nuages, son souffle était sifflant comme la mort - il me déteste. Je suis sûr qu'il me déteste. Je suis sûr qu'il a peur que je te tue. Il veut que je meurs. Je vais mourir. Je veux mourir. Legolas, s'il te plaît...

Legolas semblait avoir accumulé trop de stress. C'était bien rare mais ce matin-là, il explosa. Face à Thaliuu, en plus. Ses paroles étaient tellement crues qu'il se mit à parler en Elfique.

- Ecoute-moi bordel ! Cette chose t'as réveillé ce que tu avais endormis, tu sais même plus ce que tu racontes ! Bien sûr que mon père peut être un abruti fini, mais bordel, dis pas ça ! Parfois on se déteste tous, parfois on veut mourir pour des choses stupides que l'on a fait, mais on se relève ! Tu es comme mon frère, on s'adore, je t'adore et je SAIS que tu t'adores ! Arrête d'écouter les autres..ARRÊTE D'ÉCOUTER ! Tu sais très bien que tu vaux tellement pour nous tous alors bordel de merde ferme la et dis-toi que tu es Thaliûu Blanche-étoile ! Tu es un gosse rêveur, et c'est ce gosse rêveur, impulsif, souriant, pleurant, fort et inébranlable, que l'on aime ! Rappelle-toi ce que veut dire ton nom, tu es capable de résister ! Tu es capable !

Essoufflé, Legolas se laissa tomber à terre, tentant de réprimer lui-aussi des sanglots dansants au fond de sa gorge.

Thaliûu, qui entre-temps avait vomi sous la pression, avait fait quelques pas et s'était affalé par terre aux côtés de Legolas.

Les deux étaient restés là, sans rien dire. Thaliuu arrivait enfin à reprendre un peu son souffle.

- Tu sais - dit Legolas - même si le passé est indélébile, on peut toujours changer et l'accep...

- Je croyais avoir changé. J'ai changé même. Mais, j'ai toujours peur. Je suis trop...

- Tu es Thaliuu. Comme je l'ai dit, il n'y a que cela qui compte.

Le cerf gisait toujours parmi les arbres, son oeil vide fixé sur le visage de Thaliuu. Même lui, comprenait.


Et je ne suis jamais rentré... - T.2 - Sauveur de ce monde -Où les histoires vivent. Découvrez maintenant