Minimisation de... tout

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On commence en douceur. Oh, pour les autres sujets je vais essayer au maximum d'étayer mes propos avec des chiffres mais là j'ai vraiment besoin de transmettre mon impression

Ok, ça parait bête dit comme ça

Mais on a pas le droit de faire la gueule. Vous avez remarqué ? Il faut perpétuellement garder le sourire. Je suis d'accord avec le fait que ça puisse aider certaines personnes mais j'ai l'impression qu'on a absolument besoin d'une "bonne raison" pour être triste.

Genre on a pas le droit d'avoir un coup de mou de temps en temps. Je suis d'un naturel pessimiste (vous l'avez remarqué) et aussi très sensible donc il m'en faut pas beaucoup pour être de mauvaise humeur. J'ai toujours trouvé la phrase "vois le côté positif" complètement débile. En l'occurrence, c'était le côté négatif qui m'a affectée, j'ai pas besoin de savoir que des choses bien se passent dans la vie des autres. J'ai le sentiment que tout paraît moins grave quand il s'agit de quelqu'un d'autre.

En plus, il y a toujours ce phénomène de minimisation de la douleur, qu'elle soit physique ou mentale. Ça m'a particulièrement marquée quand j'avais... Mince. Je sais que j'étais plus haut qu'en CE1 mais pour le reste... J'avoue, je me souviens très bien de beaucoup d'évènements mais je suis souvent incapable de les replacer chronologiquement. Bref, j'étais en primaire et je me suis cassée la gueule pour la douze millième fois de l'année. Mais là, la douleur était atroce. J'avais tellement mal au genou gauche que j'arrivais même pas à me relever. Et après, mes amis et même les institutrices m'ont dit que j'exagérais, que j'avais pas mal, que ça passerait plus vite si j'ignorerais la douleur. On m'a traitée de menteuse jusqu'à ce que ma mère vienne me chercher à la fin des cours. Dans la journée, ça faisait toujours un mal de chien même après arnica, glace, bouillotte et tout le bordel, donc mes parents m'ont emmenée à l'hôpital. Bilan des courses, hématome au genou et attèle pendant trois semaines. Personne n'a osé me regarder dans les yeux quand je me suis pointée le lendemain comme ça. Et même après, les profs ont continué à me dire que jexagérais quand je boitais alors que ça faisait un mal de chien quand je pliais la jambe (essayez donc de marcher normalement si vous êtes incapables de plier un genou alors que vous vous êtes déplacés toute votre vie de cette manière !). Il y en a même une qui sest foutue de ma gueule en me disant que en ne bougeant que les jambes et sans les plier, elle allait quand même plus vite que moi.

Ben maintenant je galère à dire que jai besoin daide ou que je me sens mal, même quand cest juste à cause du stress ou un truc banal. J'ai tout le temps peur quon me rie au nez

Y a aussi ce truc de l'égocentrisme. Je vous rassure, je suis moi même très centrée sur moi (tema lego de la phrase) mais jai horreur dune chose : quand quelqu'un dénigre ma douleur en la comparant à la sienne. Y a des fois, je veux juste quon me rassure, pas quon me dise qu'il y a pire que moi ! Et en plus, pourquoi ma souffrance vaudrait moins que la tienne ? Pourquoi la quantifier ? T'as vécu plus de trucs donc tu souffres plus ? Cest débile ! Chacun ressent les choses à son échelle et cest la moindre des choses que d'accepter et de respecter les sentiments de quelqu'un. Pourquoi est-ce que j'aurais moins le droit d'aller mal que toi ? Pourquoi est ce qu'on doit justifier sa douleur ?

Et dailleurs, pourquoi on doit justifier ses passions ? Pourquoi je dois toujours expliquer pourquoi je lis, pourquoi j'écris, pourquoi j'écoute de la musique ? Cest toujours une manière de revendiquer quelque chose alors que je fais juste ce qui m'éclate. Oh et cette façon de comparer les loisirs et les passions ! C'est quoi ce délire ? Faire de l'équitation ou du golf vaut mieux que du foot ? Le violon est un meilleur instrument que la guitare ? Lire Harry Potter donne moins de prestige que Madame Bovary ? J'ai lu les deux et si Flaubert est clairement au dessus au niveau du style, celui de J.K Rowling (je reviendrai sur elle dans un prochain chapitre) convient bien mieux à son genre d'histoire. Et cette manie de nous pousser à faire le meilleur ! Ok, c'est super de vouloir progresser, s'améliorer et tout, ça pousse à se dépasser. Mais au bout d'un moment, qu'est ce que ça peut faire si je suis pas la plus douée de mon groupe de danse ou si mes histoires dépassent pas un certain nombre de vue ? Je fais ça pour m'amuser ! Pas pour me prendre encore plus la tête !

On doit toujours contenir sa colère, il faut être « raisonnable ». Merde, pourquoi on a pas le droit de s'exprimer ? Tout n'est pas tout rose, il faut bien sénerver de temps en temps. Mais non, surtout nous autres les femmes sommes qualifiées « d'hystériques » si on a le malheur de hausser le ton. Je suis censée me laisser marcher sur les pieds en permanence parce que "ça n'en vaut pas la peine" ? J'étais supposée rester calme quand un mec a mis la main aux fesses de ma meilleure amie ? Comment voulez-vous que je reste silencieuse quand on me dit de reprendre le bateau pour rentrer chez moi ? Ah mais je suis bête, c'était juste "une blague", ils avaient "rien contre les arabes".

Le monde part en couillesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant