Étiquettes

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On a tous des étiquettes. Tous. Si si, même toi Géraldine, qui prétend être libre » et " - détachée de la société ». On ne peut pas être détaché de la société, parce qu'on y participe rien qu'en existant. Mais les gens ne prennent pas le temps de se regarder, de se comprendre. Alors on te colle des traits de personnalité, que tu as sans doute pour de vrai, et on te résume à ça. parce que c'est plus simple pour tout le monde, y compris pour toi. On ne choisit pas ses étiquettes, on les subit. Au début, on te résume à tes passions ou ton caractère, donc ça te convient. Mais à force, tu ne peux même plus t'exprimer parce que ça voudrait dire sortir du rôle qu'on t'a attribué. Tu n'as pas le droit de piquer les répliques d'une autre étiquette, tu dois respecter les tiennes. Ou faire en sorte qu'on t'en rajoute une. La personne timide, on ne la prendra pas au sérieux, même si elle s'exprime franchement. On pensera juste qu'elle est dans un mauvais jour et qu'il ne faut pas croire ce qu'elle dit. Les goûts changent, c'est une vérité que personne n'admet. Parce que ça voudrait dire que les étiquettes sont inefficaces. Tu aimes, mettons, les origamis ? Tu aimeras les origamis pour toujours. Ce n'est pas si grave, en sol. Juste dommage. Parce que les gens sont infiniment plus complexes qu'on voudrait nous le faire croire

J'ai plusieurs étiquettes. Certaines me conviennent plus que d'autres

Par exemple, celle de la bonne élève. Terrible. Une des plus horribles de toutes. Parce qu'elle ne laisse aucun répit, aucune chance de commettre une erreur, au risque de susciter de la déception. Des autres, mais surtout, la sienne. Le bon élève veut le rester à tout prix, parce que c'est son ego et son honneur qui sont en jeu. Il ne peut pas prendre le risque de trébucher, parce que personne ne le rattraperait. Il n'a pas besoin qu'on le rattrape, il est le bon élève, n'est ce pas ? C'était juste un accident, cette mauvaise note. Mais si les accidents s'enchaînent, on le blâmera sans se poser de question. Et évidemment, on lui demandera pourquoi il n'a pas osé se faire aider. Et surtout, le bon élève se doit de l'être partout, et pas seulement à l'école. Il n'a pas le droit de ne pas réussir ailleurs.

J'ai comme l'impression que vu que je suis plutôt bonne élève, dans un bahut privé, je suis supposée être mature et réfléchie en tout circonstances, alors que c'est précisément la période où la zone des émotions est plus développée que celle de la réflexion dans le cerveau. Au bout d'un moment faut comprendre que je peux pas toujours avoir des notes parfaites et un comportement parfait. Si je renverse un truc, papa, je suis pas DÉFONCÉE à l'héroïne, je suis juste fatiguée, d'accord ? J'aimerais bien être parfaite, j'aimerais bien. Ça serait sans doute reposant... ou pas. Parce que c'est une étiquette qui pose encore plus de pression. Mais la perfection, ça n'existe pas et surtout pas chez l'Homme

L'étiquette de l'ado. Extrêmement désagréable. Parce que toutes nos actions et nos paroles sont balayées par des adultes prétendant que c'est l'adolescence, juste parce qu'on a un certain âge. Je suis touchée par la cause LGBT et j'ai tendance à corriger mes interlocuteurs quand ils commettent des erreurs sur ce point. Je ne veux pas me marier, ni avoir d'enfants. Je n'aime pas trop rester en permanence avec mes parents quand je suis à la maison. Et tout ça, c'est des trucs d'ado Eh bien non. Ce sont des trucs de moi. Moi et rien que moi, et j'aimerais bien qu'on H me prenne au sérieux, au lieu de rigoler en disant que je suis dans l'âge bête. Vous ne savez rien de ce qu'il se passe dans ma tête. Rien. Moi je ne me permets pas de vous dire que vous pensez ou faites telle ou telle chose parce que vous êtes plus proches de la fin que du début, et certainement plus proches de la fin que moi. De toute façon, qu'est ce que ça peut vous faire ? Je vous emmerde? Eh bien, vous avez qu'à faire comme avec les petites filles mariées de force en Inde, les enfants dans les usines en Chine, les gamines excisées dans certains pays d'Afrique, les populations décimées par les guerres, les viols toutes les deux minutes partout dans le monde, les geris tabassés pour leur couleur de peau ou leur orientation sexuelle, la planète en train de pourrir : vous ignorez en rétorquant que vous ne pouvez rien y faire. Ça sera aussi apaisant pour vous que pour moi. Surtout pour moi Si je fais la gueule, c'est pour une certaine raison, pas parce que j'ai 15 ans.

L'étiquette de la passion. En l'occurrence, pour moi, c'est celle de la fan de livres. Je suis mitigée sur celle là. Après tout, je suis bel et bien une lectrice passionnée... mais ça m'embête qu'on me réduise à ça. Parce que j'ai d'autres passions, d'autres intérêts que ça. J'apprécie pas tant que ça que toutes mes discussions tournent autour des mes bouquins. C'est cool de parler d'actualité, de faits divers, de problèmes divers et variés. Ça exprime des vraies opinions, pas juste un avis dont j'en ai en vérité pas grand chose à faire et que j'aurais bientôt oublié, Surtout que si deux passionnés de livres s'entendent bien, c'est parce qu'ils tombent d'accord sur tel ou tel personnage ou histoire etc. Et à force... on s'ennuie. Se conseiller des livres, ça c'est enrichissant. S'extasier à l'unisson sur un élément de bouquin, ça devient vite lassant. Sauf évidemment avec mes petites sœurs @plumelina et @LamerveilleuseSadie parce qu'elles savent rendre le tout très drôle. En plus, c'est mon seul élément de personnalité aux yeux des gens. On m'appelle la bibliothécaire » au bahut. J'aime pas ce genre de surnom. Ça détruit des pans entiers de la personne pour n'en garder qu'un seul. Et ensuite, on ne regarde plus la personne, on se dit qu'on la connaît bien, qu'on a plus à lui poser de question. Et on estime qu'on a plus à interagir avec elle.

L'étiquette de la fille. Sujet en lien avec le sexisme, dont le chapitre est en cours d'écriture. Parce que je suis née avec des ovaires et un vagin, je dois aimer les robes, faire attention à mon apparence, être douce et attentionnée en permanence. Eh ben non. Désolée, les gars, mais j'ai infiniment mieux à faire que d'articuler ma vie autour de vous. Non, je n'ai pas l'attention d'avoir des enfants. Non, la maternité, c'est pas fait pour tout le monde. Non, j'aime pas me fringuer, me maquiller et je ne sais quoi. Du coup, on dit que je suis pas assez féminine. Mais si je le faisais, on dirait que j'en fais trop. Je n'hésite pas à m'opposer aux fils de chiens de leurs morts (scusez, ils m'énervent) qui tripotent ma meilleure amie, donc on me traite de brute et d'hystérique.

Vuala, vuala...

Le monde part en couillesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant