Chapitre 2 - Alma

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10 ans plus tôt

   Encerclés de champs desséchés par la chaleur insoutenable de l'été, nous ne sommes plus qu'à quelques kilomètres de la maison. Ces deux semaines de vacances nous ont vraiment fait du bien à tous les trois.

Je rentre apaisée et prête à affronter la rentrée scolaire qui pointera le bout de son nez dans quelques jours. Qu'est ce que j'ai hâte que tout ça se termine, les cours, le lycée... Hâte d'être enfin libre et faire ce que je veux. Les professeurs arrêteront enfin de me demander sans cesse ce que je veux faire de ma vie.

La réponse est simple, je n'en ai aucune idée. J'ai cherché pourtant, mais rien ne me correspond vraiment. Tout ce que je sais, c'est que je meurs d'envie de partir à l'étranger et de découvrir le monde.

Allez encore deux années à tenir...

Mon père stationne la voiture dans l'allée, en face de la porte de garage. On descend tous les trois, aussi lassés l'un que l'autre par les kilomètres qu'on venait d'avaler. Je saisis ma valise qui se trouve dans le coffre quand j'entends mon père crier.

- Mais qu'est ce qui s'est passé ici ?

Je m'approche de lui, reposant ma valise au sol, suivie de près par ma mère.

- N'approchez pas, la fenêtre de la cuisine est cassée, quelqu'un a du rentrer lorsqu'on était pas là. Je vais appeler la police, restez près de la voiture, continue mon père.

Et voilà comment faire disparaître la quiétude amassée pendant ces deux semaines de vacances.

Je reste auprès de ma mère a côté de la voiture, scrutant mon père aux aguets devant la maison, un bâton à la main, prêt à frapper toute personne qui pourrait sortir.

Sincèrement, si les cambrioleurs sont encore à l'intérieur de la maison, il vaut mieux pour eux qu'ils se fassent arrêter par la police que par mon père... Cent kilos de muscles et de colère, je donne pas cher de leur peau.

Au bout de quelques minutes, on distingue au loin une voiture de police, gyrophares allumés. L'équipage se gare devant le portail.

Ennuyée, je prends les écouteurs que j'ai laissé sur le siège arrière et me cale contre le capot avant, musique dans les oreilles. Je rêve que d'une chose, me jeter sur mon lit. Le trajet m'a brisé le dos. Je ne sais pas combien de temps durera l'intervention de la police. Le moins possible j'espère...

Mes parents vont à la rencontre des policiers au niveau du portail. Je leur tourne le dos, ne leur prêtant aucune attention. Pitié, dépêchez vous.

Les yeux rivés sur la porte de garage, je vois du coin de l'œil les deux policiers avancer en direction de la porte d'entrée, l'un derrière l'autre, arme en main. Étonnée, j'enlève un de mes écouteurs et je me tourne vers mes parents, restés près du portail.

- Mais qu'est ce qu'ils font ?

- Une levée de doute, ils vont faire le tour de la maison pour vérifier qu'il n'y a plus personne, explique mon père.

Je hausse les sourcils pour seule réponse et je remets mon deuxième écouteur, fixant cette fois ci le gigantesque saule pleureur du voisin, dont les branches se balancent nonchalamment au gré du vent.

Qu'est ce que c'est long. Et qu'est ce que j'ai chaud. Je soupire et jette la tête légèrement en arrière, les yeux fermés, laissant le vent sécher les perles de sueur sur mon front et s'engouffrer dans les plis de ma jupe.

Quelques minutes plus tard, ma mère me saisi le bras. Surprise, j'ouvre les yeux et enlève une nouvelle fois mon écouteur.

- On peut y aller. On va faire le tour avec eux pour dresser une première liste des objets qui ont disparu. Je te laisse t'occuper de ta chambre.

J'acquiesce d'un signe de tête, baissant le niveau de la musique dans mes oreilles. Ma mère me précède, visiblement inquiète de ce qu'elle allait découvrir à l'intérieur...

Je pénètre lentement dans l'entrée. Les grands placards sont tous ouverts, nos manteaux et affaires jonchent sur le sol. Je les contourne, prenant soin de ne rien déplacer et me dirige dans ma chambre. Je fais un tour rapide, ils n'ont rien touché, tout est exactement comme je l'ai laissé.

Je passe ma porte et rejoins mes parents dans le salon. Tout est retourné. Absolument tout. Alors que je jette un œil dans la pièce et sur les tiroirs au sol, quelqu'un arrive derrière moi et s'arrête à ma droite. Je tourne la tête, toujours décontenancée par l'état de la maison.

- Bonjour, dit l'un des policiers, un léger sourire aux lèvres.

Comment peut-il avoir le sourire? On vient de se faire dépouiller et il paraît si détaché de la situation.

Je voudrais lui répondre, lui dire bonjour moi aussi. Mais je suis complètement bloquée, les yeux rivés dans les siens.

Je ne dis rien pendant plusieurs secondes, We found love de Rihanna et Calvin Harris dans les oreilles. Il continue de me regarder, ses yeux pétillants de malice, les lèvres serrées. Je n'arrive pas à me détacher de lui, impossible.

Allez dis lui quelque chose, reste pas comme un fruit. Ne sois pas ridicule. Je ne savais pas que l'uniforme me faisait si peur.

- Bonjour, lui dis-je enfin, d'une voix rauque.

Il m'adresse encore un sourire et sa mâchoire se contracte. Mon corps tout entier est devenu moite, des fourmillement inexplicables apparaissent petit à petit dans mon ventre.

Alors que mes parents se dirigent droit sur nous, il baisse les yeux et me dévisage jusqu'aux pieds. Il me jette un dernier regard brillant et mes parents arrivent vers nous.

Je contemple son visage encore quelques secondes. Ses cheveux bruns coupés courts sont en bataille, ébouriffés par le vent. Sa barbe de trois jours laisse apparaître une mâchoire saillante. Et ses yeux.

Je détourne le regard, complètement désorientée. J'ai même oublié l'espace d'un instant pour quelle raison ils se trouvaient là, lui et son collègue.

J'ai l'impression que le village tout entier peut entendre les battements de mon cœur. Leur résonance fait vibrer mon corps tout entier.

We found love in a hopeless place. Les dernières paroles de la chanson parviennent à mon cerveau, totalement engourdi.

- Vous avez pu faire le tour ? demande le deuxième policier.

- Oui, il nous manque quelques objets, répond ma mère, désespérée.

- On vous laisse le temps de faire un inventaire un peu plus complet. Quand vous serez prêts, appelez moi et on prendra rendez-vous pour votre déposition, dit l'agent aux yeux bleus.

- Merci d'être venus, répond elle en prenant sa carte de visite du bout des doigts. Vous souhaitez prendre un café?

- C'est très gentil mais on a encore pas mal de boulot. Mais une prochaine fois, avec grand plaisir.

Il tourne la tête vers moi. Comme si ses derniers mots m'étaient destinés.

Ca y est, mon cerveau s'est enfin remis en marche. Je n'ose même pas regarder en sa direction. Mon corps est resté totalement tendu, mes muscles sont douloureusement crispés. Je me sens étrangement... vivante?

Les deux coéquipiers quittent les lieux, me laissant aussi chamboulée et désordonnée que la maison.


- Alma..? Tout va bien ? demande Rafael, soudainement réapparu sur le trottoir.

Quoi ? Oh oui, l'aéroport, le taxi. Mon dieu.

Et Rafael. 

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