De nos jours.
Retrouver la maison aussi calme et vide me noue l'estomac. Et si je ne supporte pas de rester seule à l'intérieur? Je n'ai pas osé imaginer cette possibilité jusqu'à ce que je fasse le premier pas dans l'entrée. Une odeur de renfermé s'est installée depuis le départ de mes parents et pique mes narines.
Je ferme la porte, distinguant les feux du taxi emportant Rafael loin de moi. Un ensemble d'émotions contradictoires s'entrechoquent au fond de moi. L'angoisse de rester seule ici, la surprise de retomber sur Rafael par hasard. Je me sens idiote de dire ça, mais je crois qu'il me manque déjà.
Cette rencontre hasardeuse a réactivé en moi les sentiments que je n'ai jamais osé lui avouer. Ceux enfouis au plus profond de moi toutes ces années, désormais prêts à bondir.
Tout est soudain redevenu tel qu'il était dix ans auparavant, comme si nous nous étions quittés hier.
Cette pensée chasse le désarroi et le chagrin qui m'ont saisi en arrivant ici.
Je pose mes affaires et je prends une douche rapide qui ne parvient pas à rafraichir mon corps. Je retrouve mon lit dans cette chambre d'adolescente restée la même. Photos avec les amis, posters sur les murs... Il faudrait que je fasse un tri si je décide de rester là. Et refaire la décoration de la maison tout entière.
Allongée sur le dos, j'ai tellement chaud que je ne me couvre pas. Mes yeux pourtant fortement fatigués refusent tout bonnement de se fermer. Les draps me picotent la peau, l'oreiller rêche frotte désagréablement mon cou. Je crains de ne pas trouver le sommeil avant un long moment. Les minutes passent, peut être des heures.
Le visage de Rafael apparait à chaque battement de paupière, imprimé à l'encre indélébile.
Je me tourne dans tous les sens, agacée de ne pas trouver une position confortable. Je ne parviens pas à mettre fin à ce flot intarissable de pensées qui inonde mon esprit.
Ces pensées n'ont qu'un seul nom, le sien.
Est-ce qu'il est rentré? Et où dort-il cette nuit? Je ne lui ai même pas demandé. Oh et puis, qu'est-ce que ça peut me faire? Dors Alma.
Mon téléphone posé sur la table de chevet se met à vibrer. Une fois. Deux fois.
Je me roule difficilement sur le matelas et je l'attrape d'une main. Deux notifications.
- Tu dors?
- Les bras de Morphée ne veulent pas de moi cette nuit.
Rafael.
Il m'a retrouvée sur les réseaux sociaux. Il n'a pas perdu de temps le malin. Un sourire sorti de nulle part se fige sur mon visage.
- Tu connais pas quelqu'un qui pourrait te prêter les siens?
J'hésite quelques secondes avant de cliquer sur envoyer, du bout de mon pouce. Je garde mon téléphone en main, les yeux rivés sur la conversation. Allez répond.
- J'aurais bien emprunté les tiens mais t'avais pas l'air trop d'humeur. Dommage.
Oh.
Je suis certaine que tout le village est maintenant réveillé, ébloui par le rouge émanant de mes joues. Je l'ai connu moins incisif. Je crois que ça me plait. Je lui prêterai mes bras volontiers à vrai dire.
Mais ça, il n'a pas à le savoir. Pas maintenant en tous cas.
- T'aurais peut être dû me demander plutôt que de me dévorer du regard dans le taxi. Dommage.
Un petit rire moqueur s'échappe de ma gorge. Ca lui apprendra à me reluquer sans vergogne.
Attends, je lui ai vraiment envoyé ça? Merde.
- On prend un café ensemble demain?
Bravo Alma, tu réponds quoi maintenant?
Partagée entre l'envie irrésistible de crier haut et fort un énorme oui dans toute la maison et le stress qui envahi mon estomac, j'attends quelques secondes. Prenant bien évidemment soin de ne pas lui montrer que j'ai vu sa proposition... Au pire, je lui dirai demain que j'étais trop fatiguée du voyage et que je me suis endormie.
Ou alors je lui réponds. Mais quoi?
Dans quelle pétrin je me suis mise encore. Je sais très bien que des conversations qui ont lieu à quatre heures du matin n'augurent rien de bon pourtant.
Oh non, je ne peux pas. Pour qui va-t-il me prendre si j'accepte? Une ancienne amie avec qui il va parler du bon vieux temps ou une nana écervelée qui cherche juste des bras pour une nuit?
Et si il était temps de lui montrer que je ne suis plus l'adolescente timide qu'il a connu autrefois?
Tu n'as pas changé, m'a-t-il dit tout à l'heure. Non, j'ai évolué. Et je vais accepter cette proposition que j'aurai refusé pendant des semaines plus jeune. Qu'est-ce que j'ai à perdre? Et qu'est-ce que j'ai mieux à faire de toute façon?
- Ok pour le café.
Mais cette fois-ci, ce sera selon mes règles.
- Quinze heures chez Jeanne. Sois à l'heure.
Le choix est risqué. Allait-il se souvenir du nom du café où on se retrouvait pour discuter?
Mon cœur bat la chamade. Et si il refuse? Enfin Alma, ce serait totalement stupide, c'est sa proposition.
Et si c'est une blague? Oh tais toi bon sang. Arrête.
La réponse de Rafael ne fait son apparition que cinq grosses et interminables minutes après mon dernier message. J'hésite à regarder. Ma tête commence à tourner, je bouillonne.
- Bien Chef. Ne prends pas trop l'habitude de me donner des ordres, je pourrais y prendre goût.
Je laisse échapper un ricanement aigu. En fait, je ne suis pas si différente de l'adolescente que j'étais, il faut l'avouer.
Ca y est, les papillons sont de retour. Des nuées tout entières.
Mon téléphone remis là où il se trouvait avant cet échange, je m'allonge de nouveau sur le dos, les mains de part et d'autre sur mon ventre. Le reste de la nuit risque d'être long, très long...
Je peux sentir les battements de mon cœur se répercuter dans tout mon corps.
Un écho infini.
Comme la première fois où il m'a proposé de sortir avec lui un samedi après midi au café du coin. Cet après midi où mon amour pour lui est né.
Et demain, je vais le regarder renaitre.
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Souviens toi de nous
RomanceAlma revient de 10 ans de voyage. 10 ans pendant lesquels elle a parcouru des milliers de kilomètres, à la poursuite de son vœu le plus cher: être libre. Elle avait tout laissé pour partir, ses parents et sa meilleure amie, sa seule famille. Après l...