[Partie I] VIII - Valentina

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Recroquevillée sur mon matelas, j'essaie d'oublier ce que je vis.

Et même qui je suis.

Luca ? J'ai enfoui son visage d'ange au plus profond de moi. Je ne pense plus à lui. Je ne le reverrai jamais et c'est peut-être mieux comme ça. Comment pourrait-il encore vouloir de moi comme sœur, après tout ce que je vis ici. J'ai arrêté de compter les jours depuis bien longtemps. Mon seul point de repère, c'est ce triste jour qu'ils s'évertuent à vouloir célébrer.

A leur façon.

Le reste... les jours, les nuits, tous se ressemblent. Ils ne me sortent d'ici que de temps en temps pour m'amener dans le salon, seule autre pièce de la maison que je connaisse. Et à chaque fois les rideaux sont tirés. Je n'ai pas vu le ciel depuis si longtemps, que j'ai peur d'oublier à quoi il ressemble. Combien de temps encore dans cette pièce ? Combien de temps avant que je ne me décide à agir et en finir une bonne fois pour toute ?

La porte s'ouvre sur leurs deux silhouettes.

Et dire que j'ai passé les premières années de ma vie avec eux ! A jouer, à rire avec eux... enfin surtout lui, elle, elle ne souriait pas souvent. Ils n'avaient jamais eu un geste déplacé et on aimait bien passer du temps avec eux, ainsi qu'avec notre père. On était bien tous ensemble dans ce grand appartement. J'aimais tellement les moments où il nous racontait notre vie avec maman.

Luisa s'approche de moi, pendant que Riccardo reste près de la porte, un sourire sadique collé sur sa bouche. Il ne faudrait pas non plus que je m'échappe ! Elle sort de son dos un paquet qu'elle me tend.

Nous sommes donc le dix mai. Une bougie de plus dans cette triste vie. Est-ce que j'aurai le courage d'aller jusqu'à mes quinze ans ? Je ne crois pas. Je ne peux plus vivre... non survivre, comme ça. Je suis déjà morte.

Luisa ouvre le paquet et en sort une robe rouge parsemée de petites fleurs blanches.

— Joyeux anniversaire Valentina ! me dit-elle presque joyeusement.

***

Je me réveille en sursaut et en nage. Trop de souvenirs reviennent. Je dors peu, mais le faible temps de sommeil que je m'octroie est de plus en plus perturbé par toutes ces images de mes années de souffrance, et la journée ce sont celles avec Luca et Ethan. A ce rythme-là, je ne vais pas tenir longtemps avant de devenir dingue.

Si je ne le suis pas déjà.

Quatre jours que j'ai croisé Ethan, et ses yeux ne semblent plus vouloir me quitter. Je revois nos rencontres la nuit, où il était d'une grande patience avec moi. Quand il me parlait, durant ma convalescence à l'hôpital, il voyait en moi une fille exceptionnelle. Mais s'il savait tout ce que j'ai vécu, il n'aurait plus que de la pitié pour moi.

Il a ainsi suivi les traces de son père et sa sœur. Une famille de flics, donc.

J'espère que Greg aura les infos que je lui ai demandé.

Je fini par me lever de ce matelas qui me sert de couchage, pour prendre mon café, avant d'aller procéder à ma transformation. Depuis ma sortie vendredi dernier sans mon masque, j'ai retenté l'expérience de laisser sortir Valentina. Et je dirais que j'y ai pris... du plaisir ? Bien évidemment, je sors toujours de chez moi avec mon casque sur la tête et la visière baissée afin que personne ne me voit. Mais cette sensation de rouler sans perruque ni lentilles, d'être juste moi-même, était presque... grisante.

C'est étrange d'ailleurs cette sensation de sentir ses lèvres se relever d'elles-mêmes. La dernière fois que ça m'est arrivé ? Avec Luca, la veille de mes huit ans, quand il m'a souhaité une bonne nuit, en me promettant un beau dessin en cadeau. Dessin que je n'ai jamais vu.

La vengeance de Valentina [Terminée]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant