L'endroit était infesté de démons. Partout où ils tournaient les yeux, la silhouette énorme et grotesque d'un de ces êtres bouchaient leur vue. Ils étaient immenses et sombres, leur peau un mélange de chairs noircis par le sang séché qui en découlait. Le bruit s'échappant de chacun de leur mouvement aurait suffi à faire vomir n'importe qui n'étant jamais venu en contact avec ces monstres. Il était humide et guttural, comme si quelqu'un enfonçait un poing dans une plaie ouverte et le remuait pour torturer sa victime. Il embaumait l'air d'une odeur de pourriture et de blessures saignantes, de mort et de désespoir. On ne pouvait échapper à cette puanteur, même après avoir s'être lavé, même après un an au dix, les démons avaient pour jamais laissés une marque sur vous. Qu'importe où vous alliez, les gens autour plissaient le nez et faisaient un pas de côté. C'est ainsi que l'on reconnaissait les chasseurs de démons, à l'odeur démonique qui s'était inscrite jusque dans leur fil de vie.
Ils connaissaient bien cette odeur, Solime depuis qu'il était née, mais Elezire et Apsim la connaissaient depuis plus longtemps et elle s'était imprégnée tellement profondément dans leur peau que certains ne feraient pas la différence entre eux et les démons. Mais elles y étaient habituées, après tout, aucun des trois n'étaient tout à fait humain. Leur peau était noire comme du charbon, leurs yeux aussi, le globe oculaire entier. Des grosses oreilles pointues tombaient de chaque côté de leur visage et une queue fine et discrète bougeaient lentement dans leur dos. Ils étaient des Inith, des créatures nées des domaines des dieux, sans fil de vie, n'appartenant ni à ce monde ni à un autre, toujours rejetés et jamais accueillis, si ce n'était dans leurs propres bras.
Ils se tenaient silencieusement le long de la paroi rocheuse qui amenait à un tunnel taillé dans la roche par l'eau et le vent. Tous les démons semblaient s'y diriger, Ils marchaient ou couraient, selon ce que leur corps pouvait leur permettre. Ils se poussaient avec avidité, certains en rugissant s'ils avaient une bouche. La cacophonie de leurs chairs entrechoquant donnait des hauts le cœur à Solime qui n'avait jamais vu autant de démons au même endroit. Ils ne s'arrêtaient jamais de venir et de se s'attrouper vers cet unique point, comme des loups affamés se jetant sur un bout de viande, ce qui n'était pas loin de la vérité.
C'était derrière ce tunnel que se trouvait leur cible ; la piscine de sang. Ils avaient traqué un attroupement de démons de la vallée jusqu'en haut de la montagne, ne prenant aucun répit pour ne pas les perdre, ils avaient observé avec horreur tous les villages dévastés par les cohortes précédente. Il n'y avait plus aucun corps, même plus d'os, mais il n'y avait pas besoin de ça pour comprendre ce qui s'était passé. Des roses de chair poussaient à perte de vue, rendant les sols inutilisables, signe que le sang avait coulé si bien et si longtemps qu'il avait été profondément absorbé par la terre. Et maintenant il ne restait plus rien de ces village pauvre et modeste qui faisaient jadis partis du charme des montagnes de Napresh. Ils avaient été avalés par la stupidité de quelques humains.
Ils attendirent sans un bruit que cet attroupement de démons, lui-même constitués de trois attroupements qui avaient convergé en ce point, soient tous rentrés pour se remettre en marche. Leurs pas étaient doux et précis sur la neige, ils ne laissaient aucune trace sonore. Avec précaution et agilité, ils se glissèrent tous les trois dans le tunnel sombre et bruyant.
L'écho rendait leur proximité avec les monstres bien moins supportables. Apsim, en retrait, ne montra aucune expression ; Elezire fit la grimace et Solime se couvrit le nez et la bouche. Il jeta un regard en arrière vers sa mère qui fit semblant de ne pas le remarquer, son visage restant toujours impassible. Il prit alors sur lui-même et retira sa main, mais il sentait toujours quelque chose sur le point de monter dans sa gorge.
Un vent fort et passait dans le tunnel, les frappants en plein visage, les frigorifiant sur place et n'arrangeant rien à leur situation. Il apportait une forte odeur que les trois Iniths reconnaissaient bien, celle du sang frais, encore vif et brillant. Elle les enveloppait entièrement et ils ne pouvaient y échapper.
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Les Chroniques des Thepesh
FantasyDans un Lonun troublé par les activités démoniques et les guerres de pouvoir, suivez les aventures des Thepesh, une famille d'Inith chasseurs de monstres. Apsim, la mère, est une figure mystérieuse et intelligente dont les vrais motivations ont int...