Chapitre XVIII

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 Guy resta sans bouger. La situation n'allait pas du tout. En fait, rien n'allait. Comment se faisait-il qu'il était dans les bras d'Erwann, alors que ce dernier s'était endormi à quelques mètres de lui ? Et pourquoi il resserrait son emprise sur lui ? Il le prenait pour un oreiller ou quoi ? Pourquoi il sentait bon, d'ailleurs ? Guy sentait mauvais car son hygiène ne lui permettait pas d'être correct, mais lui, monsieur le noble, sentait comme s'il s'était lavé. Le cœur d'Erwann battait tranquillement contre l'oreille de Guy, toujours pétrifié. Il voulait s'éloigner des bras musclés de son compagnon, car la situation n'était pas normale. Mais en même temps, il était bien, enroulé de cette chaleur réconfortante. Et ce cœur qui battait calmement, le rassurait. Sentir la respiration d'Erwann sur le haut de son crâne lui fit comprendre qu'il dormait toujours, ne se doutant pas qu'il avait confondu le corps de Guy pour une peluche.

Finalement, se battant avec lui-même, Guy s'extirpa des bras de son compagnon. À contre-cœur, mais ça lui semblait être la meilleure idée. Ce rapprochement ne l'avait pas dérangé, mais il ignorait les pensées d'Erwann et ne voulait pas le rendre mal à l'aise.

Il s'assit avant de repasser en boucle sa pensée ; ça ne l'avait pas dérangé ? C'est vrai qu'il n'avait pas aussi bien dormi depuis longtemps, et que cette chaleur humaine avait été agréable. Voilà la raison de son sentiment ; le contact humain lui manquait, tout simplement. Ce n'était pas Erwann en lui-même qui avait procuré ce sentiment de paix, mais bien la proximité avec un autre corps humain. De nouveau d'accord avec lui-même, Guy se leva et commença à ranger ses affaires. Sa cheville allait beaucoup mieux, et ce, grâce aux plantes médicinales que Rubi transportaient avec elle.

Cette dernière, par ailleurs, n'était pas là au réveil de Guy. Son chien-loup attendait sagement, près de ses affaires, regardant Guy se préparer. Elle revint quelques minutes plus tard, quand Erwann fut aussi éveillé, et les prévint qu'elle était partie vérifier que la sortie n'était pas bouchée. Ils auraient traversé plus de la moitié du tunnel et seraient donc proches de la fin. Alors qu'ils reprenaient leur route, l'entorse de Guy étant beaucoup moins enflammée que dans la soirée, Rubi se rapprocha de son compagnon.

« - J'ignorais que vous aviez une telle relation.

- Qu'est-ce que tu veux dire ? »

Guy se retourna vers eux et comprit à quoi elle faisait allusion. Elle avait dû les voir, enlacés l'un contre l'autre, à son réveil. Elle portait un grand sourire mince, surmonté d'un regard malicieux. Elle tenta d'expliquer la situation, mais Guy intervint, coupant cette conversation.

« - Rubi ! Ton loup a mangé un... une chaussette, je crois... »

Rubi se dépêcha de rejoindre son chien-loup, plus loin dans le tunnel. Catastrophe évitée. Elle était à deux doigts de lui dire que Guy était tranquillement collé contre Erwann, durant leur sommeil, et cela aurait crée une panique générale, en plus d'un malaise. Et Guy n'en avait pas besoin. Sa relation avec son compagnon était désormais devenue trop précieuse pour être souillée, à cause d'une erreur involontaire.

D'ailleurs, il ne comprenait pas pourquoi ça lui paraissait autant mal d'avoir dormi contre Erwann. Ils se connaissaient bien, maintenant. Et s'ils s'étaient retrouvés dans cette situation, c'était par pure coïncidence. Rien de plus.

Alors que Guy tentait de se convaincre, Erwann l'avait rejoint et le regardait, un sourcil haussé. Guy lui sourit avant de l'inviter à continuer leur marche. Erwann n'ajouta rien, au grand plaisir de Guy, et le suivit, débutant une conversation sur les épices qu'ils pourraient ajouter à leur bouillon d'hier soir. Tout était normal, et tant mieux.

 

 En une heure de marche dans ce tunnel sombre et lugubre, ils virent enfin la sortie. Un halo de lumière blanche traversa les parois humide, aveuglant les trois adolescents. Rubi retrouva vite la vue, habituée de passer par ce souterrain. Elle fit signe aux compagnons de se taire, avant de s'approcher de la source de la lumière. Il s'agissait d'une lampe, surmontée d'un miroir, qui laissait son reflet transparaître dans le tunnel, afin d'aveugler les inconnus. Derrière, se trouvait une porte, très basse. Rubi sortit une clé qu'elle inséra dans la serrure avant de doucement pousser la porte en bois. Derrière, un léger sifflement retentit.

Le fléau des couleursOù les histoires vivent. Découvrez maintenant