Sans eux

4 0 0
                                    

PARTIE PLUS "SENSIBLE" QUE LA PRECEDENTE  - LA MUSIQUE DE JON CARYL = ENORME RECOMMANDATION

Entrée 7, Journal de bord

Je suis repartie, seule face au vide immense de sable et la solitude qui va avec. Cela ne me déplaît pas. Je ne sais pas vraiment si ce n'est par habitude ou par plaisir d'être seule. J'ai bien aimé être avec les ermites, de partager leur culture, mais j'ai toujours eu ce besoin de me retrouver, comme la plupart des personnes qui doivent s'adapter en permanence.

Je dois quand même avouer qu'il existe une différence entre la fatigue que dégage les ermites et mes anciens camarades. L'adaptation, si je m'ose à appeler le phénomène de cette manière, était bien plus difficile au collège. Pourquoi ? La raison est évidente, chez les ermites, le faux pas est accepté, si je décide de changer mon comportement, ce n'est que par politesse. Au collège, vous êtes espionnés et chaque mot, chaque geste est analysés.

L'adaptation au collège, après les effets bénéfiques comme se faire des nouveaux camarades, vous détruit. C'est un mal qui vous prend le ventre, remonte jusqu'à votre cœur et votre cerveau et absorbe toute votre énergie. Vous mourrez alors en silence devant ceux qui ne vous ont jamais vraiment compris. Vous apprenez également à résister, contrer vos pleurs de fatigue (je n'ai jamais été très forte à ce jeu-là en particulier.), garder votre sang-froid. Ma froide demeure, est devenue le lieu où tout mon corps lâchait après une journée d'école. Certains, se demanderont pourquoi continuer si cela vous tue à petit feu ? La réponse est simple, vous ne le sentez pas sur le coup... Mais ne vous inquiétez pas, vous serez bien assez tôt submergés par les dégâts. 


Entrée 8, journal de bord

Je me suis écorchée hier matin, je ne sais comment. Ma main était en sang, heureusement, j'ai pu la laver à une oasis. Elle a bien guéri, il ne reste qu'une cicatrice, encore bien visible. Peut-être que je la garderais à vie, ce ne serait pas la première, ni la dernière.

J'ai commencé à ressentir les conséquences de mon faux-semblant, il n'y a pas si longtemps. Je me suis rendu compte, alors, compte des nombreuses cicatrices qui striaient mon esprit. Ce sont les pires, car elles resteront sensibles jusqu'à ma mort. Sauf qu'il n'y pas de crèmes adoucissantes, pas de médicament pour faire calmer la douleur physique. Sauf qu'il n'y pas de crèmes adoucissantes, pas de médicament pour faire calmer la douleur physique. Non, votre esprit se noie dans la douleur des cicatrices et votre seul remède est de lutter. Lutter contre votre envie de tout abandonner. J'avais des amis, des adultes au bout d'un certain temps, mais personne n'aurait pu m'aider, pas parce qu'ils n'auraient pas voulu, parce qu'ils n'auraient pu. Ils ne savent pas, ils ne savent rien de ce qui se joue dans mon esprit.

Ma mémoire, mon cerveau est une montagne russe. Les montées sont les plus joyeuses, car oui, je sais être heureuse, mais les descentes sont les plus effrayantes. Va-t-on survivre à la fin de celles-ci ou le vent nous aura emporté ?

J'ai détesté mon esprit. Je le prenais pour un être à part entière qui faisait tout pour me faire souffrir. Il ne pouvait pas supporter le stress des notes, le bruit du lycée, les personnes qui vous touchent, mes sensations de malaise quand je devais prendre la parole. Chaque soir, je le maudissais, stupide esprit qui ne peut pas être comme tout le monde. Je ne savais plus que j'ai toujours été comme cela, seulement avant, les papillons m'aidaient à en venir à bout. En les ignorant, j'ai nié mes difficultés et les voilà me détruire, sans que je puisse appeler à l'aide. 


Entrée 9, Journal de bord

Hier soir, allongé sur le sable encore chaud de la journée, j'ai ri. Un vrai rire, mieux un fou-rire, mais seule. Ma joie aussi a toujours été différente des autres. Oui, je peux ressentir le bonheur, à force de se focaliser sur le négatif, peut-être que vous en doutiez. Eh bien, je me dois de réparer cette erreur. J'ai été et je suis heureuse. Pas toujours, il y a des moments, comme l'ensemble des personnes, où tout disparaît, où tout devient noir, et cela, je ne peux le nier, surtout à l'époque du collège et lycée. Mais la joie était présente autrement.

Je n'ai jamais ri comme les autres, ri des bêtises des copains, ri des adultes, sans se soucier des conséquences. C'est impossible pour moi. J'ai certes le masque, alors je faisais semblant, mais je devais aussi surveiller les adultes, que cela ne les choque pas. J'ai n'ai jamais vraiment compris les blagues, pour moi, c'était plus un jeu de timing que du plaisir. Les sous-entendus censés être drôle et le second degré m'étaient étranger.

Je ne suis pas en train de me plaindre, au contraire, je m'en contrefiche de cela. Je ne vois pas le bonheur en ces manières. La joie, je l'ai trouvé dans ma logique, dans les énigmes que je m'amusais à résoudre. Je l'ai ressenti dans les musiques qui accusent le monde de nombreux maux, dans la mélodie qui hausse le cœur et s'invite dans votre esprit. Je l'ai provoqué dans les mots que j'ai lus, puis couchés sur le papier, les histoires qui s'inventaient sur la plume des écrivains ou la mienne, les personnages qui se réveillaient et devenaient familiers au fil des lectures.

C'était MON bonheur, ma joie, mon cocon d'amour et encore aujourd'hui, je ressens la joie par ces voies. Je n'ai pas honte, c'est juste comme cela.

J'espère qu'un jour, vous aussi, vous trouverez vos manières, vos incantations magiques qui permettent de faire disparaître du monde, pendant quelques minutes, les maux de la journée, les problèmes, le stress. Que vous vous retrouvez dans un monde qui est le vôtre. Je l'espère sincèrement. 


Entrée 10, Journal de bord

Je suis à moins de 5 jours de... De là où je dois aller. C'est du moins ce que m'a dit un jeune ermite. Je lui fais confiance... La confiance, c'est un mot aussi important que celui de l'amour ou de l'amitié. Je ne sais pas faire confiance, peut-être parce que je n'ai pas encore rencontré la personne qui le mérite. Ou alors, je l'ai déjà rencontrée ces personnes, mes papillons, mais en niant leur existence, j'ai détruit la confiance.

J'ai essayé de la réanimer avec Odilion, une erreur stupide.
Oui, Odilon a bien disparu dans un endroit « dont personne ne revient », mais il a réussi l'impossible. Il y a 9 mois, avant ma quête dans le désert, normal, c'est lui qui va l'initié par la suite, est réapparu dans la société. Beau comme un prince, charmant, poli, bref l'enfant parfait que tout le monde aimerait avoir. Il est venu faire une conférence dans mon lycée qui s'intitulait « Comment la différence provoque les discriminations ». Il était virulent dans ses discours, mais moi, j'ai juste vu le petit garçon qu'il était, j'ai vu une adaptation comme moi. Je l'ai rejoint, il m'a semblé lui-même. On a bu un café et il m'a demandé si les papillons étaient encore là. Il semblait vraiment intéressé. J'ai hoché la tête sans me rendre compte du danger. Je lui ai tout raconté, je pensais qu'il comprendrait, lui, l'ancien chasseur de fantôme. Ma peine, ma souffrance, tout est sorti. Il a hoché sa tête et m'a dit qu'il m'aiderait.

En un sens, pour lui, il l'a fait ; il m'a aidé. Il a tout dit à mes parents et les a poussées à m'envoyer au « centre de la norme ». Centre, vous l'aurez deviné, qui l'avait visité lors de sa disparition. Mes parents ont sauté sur l'occasion. Ils m'ont menacé et préparer les dispositifs. J'ai crié et négocié, mais que faire ? Je ne suis pas dans la norme et dans ce monde, elle représente un symbole puissant et ouvre toute les portes. La différence est chassée. C'était mon destin.

Heureusement pour moi, le centre devait m'accueillir plus tard dans l'année. Une date, 9 mois après qu'Odilion l'a dit à mes parents, a été choisie sans mon consentement. J'étais horrifiée, désespérée, mais aussi en colère. Colère qui ne cherchait qu'à sortir. 

La petite fille qui voyait des papillonsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant