Partie 3 - L'orage.

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Ah, bordel... À une minute près, on évitait cette flotte !

Il se réveilla en entendant des bruits de voix venant du rez-de-chaussée et cligna des yeux afin d'essayer de revenir sur terre le plus vite possible. Il s'était assoupi. Il s'ennuyait tellement ici tout seul que bien souvent, il finissait par s'endormir et cela même en pleine journée. Il se leva lentement, tendant l'oreille pour écouter ce qu'il se passait à l'étage en dessous, puis se dirigea vers les escaliers pour essayer de voir en entendant plus rien. Il descendit les escaliers du plus silencieusement possible et il aperçut les quatre garçons de la dernière fois en train d'essorer de toute évidence leurs tee-shirts imbibés d'eau de pluie. Il y avait un véritable orage dehors. Il allait s'arrêter dans les escaliers quand une des marches émit un petit craquement sous son poids et les quatre garçons relevèrent la tête en sursautant.

« Qu'est-ce que c'était ?! s'exclama Ablaye – le garçon à la peau sombre si étrange à ses yeux – et il vit Matthieu jeter un regard inquiet dans sa direction avant de se tourner vers son ami.

— Je suppose... que comme c'est une vieille demeure... c'est pas étonnant que le bois craque en temps de tempête ? »

Il ne s'était pas rendu compte retenir sa respiration jusqu'à ce qu'il croise le regard du garçon brun. Celui qui avait dit vouloir devenir son ami. Celui-ci ne parlait pas, comme s'il écoutait attentivement le moindre bruit du château, avant qu'il ne voit un fin sourire s'inscrire sur son visage :

« Oui, c'est sûrement ça. C'est un vieux château, Ablaye. Allez, fais pas ta chochotte.

— Bordel... C'est toi qui a voulu y retourner malgré la couleur du ciel, Gringe ! Ça annonçait rien de bon ces nuages ! Et maintenant, va savoir combien de temps on va se retrouver enfermés ici !

— Oh ça va, Ablaye. T'avais qu'à pas nous accompagner, hein, répondit Gringe en haussant les épaules. Tu savais très bien où on allait.

— Bah ouais, ma caille, s'esclaffa alors Claude et il haussa les sourcils en le voyant rire ainsi. Si t'avais peur, fallait pas venir. Tu le sais pourtant que Gringe est accro à ce château maintenant !

— Je vous jure que si je croise ce fantôme... je décampe de là illico presto ! Orage ou pas !

— C'est ça, oui, rit Matthieu en levant les yeux au ciel. Je croyais qu'on t'avait dit qu'il y en avait pas, Ablaye ? Bon, vous venez les mecs ? On va pas rester dans le courant d'air. On va à l'étage ? »

Les garçons hochèrent la tête et il se décala en les voyant se diriger vers les escaliers, afin de ne pas être dans le passage malgré qu'ils le traverseraient dans tous les cas s'ils lui rentraient dedans. Gringe referma la lourde porte d'entrée afin de ne pas laisser entrer la pluie et quand celui-ci gravit l'escalier à son tour, il se tourna vers lui alors qu'il avait suivi ses amis du regard monter les marches. Il retint sa respiration en voyant à quel point celui-ci était proche de lui aussi vite et il ferma les yeux en le sentant le percuter. Ouch. Gringe porta aussitôt ses mains à ses épaules et il rouvrit les yeux, effaré de le sentir le toucher. Alors lui aussi... pouvait le toucher ? Sans même qu'il ait à rassembler sa volonté pour ça ? Le garçon le fixa comme s'il pouvait le voir et il écarquilla les yeux de peur, se demandant s'il pouvait le voir :

« C'est toi ? lui murmura alors ce dernier et il retint sa respiration, complètement paniqué. Je te sens, tu sais, pas la peine de faire comme si t'étais pas là. Je suis désolé si je t'ai fait mal. Est-ce que tu peux parler ? »

Il hésita un moment avant de prononcer un minuscule oui, et il vit Gringe froncer les sourcils à ça.

« Est-ce que tu as parlé ? Je n'ai rien entendu. J'ai juste senti... un petit courant d'air. »

Il sentit son cœur se serrer dans sa poitrine en l'entendant dire ça. Ça faisait si longtemps qu'il se taisait au contact des autres mortels. Et maintenant, il se souvenait pourquoi. Ceux-ci ne pouvaient pas l'entendre tout simplement. Il se souvint alors des premiers décennies où il avait tenté d'appeler à l'aide ceux qui venaient le visiter, en vain. Il ne pouvait que leur faire peur. Il entendit alors Claude appeler Gringe du haut des marches et celui-ci lui offrit un petit sourire avant de le lâcher.

« À toute, petit fantôme. On réessaiera, t'inquiète pas. Je veux être ton ami, rappelle-toi. »

Il le regarda alors s'en aller, le cœur battant la chamade dans sa cage thoracique, et une drôle de chaleur apparaissant dans son ventre. Qu'est-ce qui lui arrivait ?

***

Lorsqu'il partirent quand la pluie se fut calmée, Aurélien se retrouva seul avec ses pensées. Ce garçon pouvait le sentir. L'entendre. Il n'y avait aucun doute là-dessus. Alors qu'il les écoutait discuter entre eux en attendant que la pluie ne cesse et que l'orage s'éloigne, celui-ci n'avait eu de cesse de lui jeter des petits coups d'œil discret. Ses amis ne s'en étaient pas rendus compte, mais lui à chaque fois qu'il avait vu Gringe se tourner vers lui, il avait senti son palpitant sauter dans sa poitrine. Il ne savait pas ce qui lui arrivait. C'était sûrement dû au fait que c'était bien la première fois qu'un des enfants du village pouvait sentir sa présence. Et juste avant de partir, quand tous ses amis étaient déjà partis de la grande pièce et que Gringe était le seul à rester, celui-ci s'était tourné vers lui pour lui dire ces mots :

Tu n'as pas à t'en faire, je ne te trahirai pas. Et puis... je voulais te le dire encore une fois... tu sens bon.

Il était resté silencieux à ça avant de murmurer un petit merci que bien entendu, Gringe n'avait pas pu entendre. Mais celui-ci avait souri, comme si la légère brise qu'était venue s'abattre sur son visage quand il avait ouvert la bouche lui avait murmuré ce qu'il avait dit. Puis celui-ci s'en était allé à son tour et comme la première fois, il s'était approché de la baie vitrée pour le regarder lui et ses amis s'en aller. Il avait un peu honte de se l'avouer... mais il avait déjà hâte qu'ils reviennent le voir.

Mini Fiction OrelxGringe - Le château hanté.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant