chapitre 4 : la saint valentin et les tromperies

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Les gens qui n'aiment pas la Saint-Valentin sont des rabat-joie ou des hypocrites. Combien d'hommes ne clament-ils pas « On n'a pas besoin d'une journée pour se prouver qu'on s'aime... » ? Dire qu'on n'attend pas la Saint-Valentin pour être romantique, ce serait un argument plausible si on était vraiment romantique les 364 autres jours. Mais bien souvent, cet argumentaire sert les aigris mal casés, ou les radins qui font passer leur pingrerie pour un choix philosophique. Moi, vous l'avez compris, j'adore la Saint-Valentin. Son esprit positif, l'atmosphère amoureuse qui plane dans les rues, les vitrines surchargées de cœurs, les ballons roses et rouges, les menus des restaurants surmontés de petits cupidons, les chocolatiers qui rivalisent d'imagination pour proposer des compositions appétissantes, et le nombre exponentiel d'hommes qui pénètrent chez les fleuristes, chaque petit « ding » des sonneries d'entrée résonant comme une promesse d'amour...Des promesses : voilà tout ce que je pouvais espérer de Matteo. Je savais par avance que nous ne passerions pas la Saint-Valentin ensemble. Pas plus que nous ne passions Noël ensemble, ou le jour de l'an, ou son anniversaire, ou le dimanche de Pâques... Et pour cause. Matteo avait déjà quelqu'un avec qui fêter ces événements. Une officielle. Une épouse. Je n'étais que l'autre femme, celle que l'on emmène dans de petits hôtels de petite ville pour passer un petit moment en étant certain qu'on ne croisera personne de sa connaissance, personne qui pourrait affranchir Madame. La semaine précédente, j'avais lancé, à moitié pour rire :
- Qu'est-ce qu'on fait pour le jour de la Saint-Valentin ?
La veine du front de Matteo s'était mise à grossir, comme chaque fois qu'il était mal à l'aise. Il avait arrêté de lasser ses chaussures, avait levé la tête et m'avait fixée, bouche béante, ne sachant que dire.
- Je plaisante... l'avais-je rassuré.
Il avait rebondi :
- Tu comprends, je ne peux pas la quitter... pas maintenant... Léa va se faire opérer des amygdales en avril, Hugo entre au CP l'an prochain... Non, vraiment, ce n'est pas le moment. Je voudrais, mais je ne peux pas.
Bien sûr, il y avait toujours quelque chose qui l'en empêchait.
- J'voudrais bien, mais j'peux point... c'était son leitmotiv. En attendant, il me couvrait de cadeaux, de textos, et m'écrivait des lettres enflammées. Nous vivions des nuits torrides et passionnées, et nous rêvions ensemble à voix haute de notre avenir commun. Comment il me présenterait à ses enfants dont il n'envisageait pas de ne pas avoir la garde, où nous emménagerions - il se sentait cloîtré dans sa maison des Ulis et voulait qu'on cherche ensemble un petit appartement dans Paris - et comment nous traînerions au lit, le dimanche matin, pour de longues grasses matinées coquines. Je prenais mon mal en patience. J'espionnais le profil Facebook de sa femme, surveillant la moindre interaction entre eux, les liens énamourés qu'elle postait sur son profil à lui, les commentaires un peu neutres qu'il faisait sur son profil à elle, et je vivais comme en apnée, dans l'attente de ce jour où il oserait enfin la quitter, installant définitivement sa brosse à dents qu'il n'osait jamais poser sur le lavabo de peur de l'oublier. Et tant pis pour les amygdales de sa fille, la scolarité de son fils, la compétition de judo, le spectacle de danse, la visite de la belle-mère, ou le licenciement de la belle-sœur.Du coup, nous fêtions tout en avance. Noël le 21 décembre sous prétexte d'un séminaire annuel, le jour de l'an le 29 décembre sous prétexte d'un déplacement professionnel, son anniversaire le 3 mai sous prétexte d'un week-end entre amis... Il arrivait chez moi à 22 heures, repartait à 7 heures. Nous nous retrouvions pendant ses pauses-déjeuners. Nous partions 36 heures pour une escapade provinciale. Cette fois-ci, nous avions rendez-vous le 11 février dans un petit hôtel au Havre. Peu de chance d'y croiser qui que ce soit. La veille, j'avais reçu au bureau, par un coursier, un bouquet de roses, un coffret de chocolats en forme de cœur avec des billets de train et l'adresse de l'hôtel.Mes collègues, informées de la situation, avaient fait part de leur scepticisme mêlé d'une pointe de jalousie. Après deux ans de liaison clandestine, elles m'avaient convaincue de le mettre face à ses responsabilités, d'exiger qu'il la quitte, elle, ou qu'il me quitte, moi. C'était prévu pour ce 11 février où nous fêterions les amoureux en avance. Mes copines m'avaient bien prévenue : tu lui poses un ultimatum ou tu arrêtes de nous en parler. Elles en avaient marre de m'entendre rêver à voix haute sur mon avenir avec Baptiste, alors qu'elles me le garantissaient :
- Il ne quittera jamais sa femme.
C'était donc décidé... j'allais le jeter au pied du mur.
Mais à peine arrivée dans le hall de l'hôtel où nous nous rejoignions (impossible de faire le trajet ensemble, trop risqué), en voyant cet homme grand, bien bâti, sexy, ses yeux bleus et son torse musclé, son regard coquin et sa silhouette nonchalante, en le voyant jeter sa valise et se précipiter pour me soulever dans ses bras et me faire tourner en riant, j'oubliai toutes mes bonnes résolutions. Nous nous embrassions, nous nous embrassions, à n'en plus finir. Nos bouches restaient collées l'une à l'autre, comme aimantées, soudées.
Nous nous sommes dirigés vers l'ascenseur, et il a appuyé sur le bouton sans que ses lèvres quittent les miennes. Arrivés au deuxième étage, il a inséré la carte dans la fente de la porte et nous nous sommes engouffrés dans la chambre d'hôtel. Sans nous attarder sur la décoration, ou les commentaires d'usage sur la qualité de la literie, il m'a poussée sur le lit et s'est allongé sur moi. Je sentais peser tout son corps, du haut de ses épaules au bas de ses chevilles. Il tenait ma tête entre ses mains, très fort, à tel point qu'il me faisait un peu mal, en plongeant son regard au fond du mien. Je glissai mes mains dans son dos sous sa chemise, commençant à caresser sa peau, à me repaître de son odeur qui m'avait tant manqué.
Sans un mot, en quelques secondes à peine, nous nous retrouvions nus sur le lit encore fait. L'air surchauffé desséchait un peu ma gorge, mais l'abondance de salive en provenance de la bouche de Baptiste l'irriguait en continu. Nos étreintes étaient toujours délicieuses. Ce jour-là particulièrement, comme s'il avait deviné que ce serait notre dernière retrouvaille clandestine, Matteo s'était surpassé. Il avait descendu sa tête entre mes cuisses, caressant la peau de mon ventre avec ses cheveux si doux avant de commencer à me lécher. Sa langue longue et large s'aplatissait sur mon pubis épilé pour l'occasion, j'avais l'impression d'être une glace à l'eau, fondante entre ses lèvres.J'étais là, allongée, entièrement nue, offerte, et mon amant était pleinement occupé à me donner du plaisir. J'aurais adoré qu'en cet instant, sa femme pousse la porte, entre et découvre la tête de son homme plongée entre mes cuisses, les fesses en l'air !
Mattéo s'est redressé et a remplacé sa langue par ses doigts. Il a tourné autour de mon sexe avec la paume de sa main avant d'enfoncer doucement et profondément deux doigts. Avec ses deux doigts, Baptiste me faisait plus d'effet que n'importe quel autre homme avec tout son sexe. Il allait chercher au fond de moi, tournait doucement, faisait des mouvements de va-et-vient...
J'ai eu envie de lui rendre la pareille. Je l'ai fait basculer pour mieux monter sur lui et, à califourchon, je suis montée sur lui. J'ai jeté mes cheveux d'un côté, ils cachaient l'arrivée de la lumière et créaient un genre de rideau d'intimité entre Baptiste et moi. Toujours silencieux, nous ne pouvions pas nous empêcher de nous regarder dans les yeux en nous caressant mutuellement le visage. Il a levé mes genoux pour me faire m'accroupir au-dessus de lui. Les pieds posés en équilibre sur le lit, la langue plongée au fond de sa bouche, j'ai attrapé son sexe pour qu'il me pénètre. Le moment où il est entré en moi m'a donné des frissons. Chaque fois, je me sentais toute tremblante, transcendée par l'excitation. L'odeur de nos corps emplissait toute la pièce, nos peaux s'électrisaient et j'aurais voulu garder cet instant en mémoire, là, dans cette chambre d'hôtel un peu miteuse.Il a agrippé mes hanches à pleines mains tout en continuant à m'embrasser avec fougue... en trois-quatre coups de bassin à peine, il a joui en se répandant en moi. Cette simple sensation m'a transcendée, je sentais son amour se répandre et c'est tout ce qui m'importait. Il retira ses mains de mes hanches et me prit les mains. Ses doigts entrelacés dans les miens, nos mains serrées, nos bouches collées, nos cheveux mêlés, et son corps au fond du mien, ces sensations me donnaient littéralement l'impression de me fondre en lui.
L'expression « faire l'amour » prenait tout son corps, hors de toute convention sociale ; c'est ainsi que nous exprimions l'intensité de nos sentiments l'un pour l'autre... j'ai joui très fort, très longtemps. Sa bouche agissant comme un bâillon, je n'ai pu que gémir, trembler, tressauter en me laissant emporter par l'orgasme le plus puissant de ma vie.
Comme à notre habitude, après avoir fait l'amour, nous parlions de notre avenir, allongés côte à côté, nous caressant mutuellement les bras en regardant le plafond.
- J'aimerais qu'on s'installe à Bastille... du côté de Bréguet-Sabin, il y a de beaux appartements. Ou alors dans le Marais, mais c'est plus cher. Les rues piétonnes seraient super pour les enfants, et puis nous, on aurait de quoi sortir quand ils seraient chez leur mère... Tu serais à dix minutes de ton travail... On s'installerait un bureau avec deux chaises face à face, pour nous voir même quand on travaillerait... Ignorant le carton « Merci de ne pas fumer dans votre chambre », Baptiste alluma une longue cigarette. Je me relevai, montant le drap sur ma poitrine nue :
- Et pourquoi on ne le ferait pas ? Ça fait deux ans... allons-y ! Installons-nous ensemble !
Il se redressa brutalement.
- Tu sais pourtant que c'est impossible...

Je n'avais pas insisté ; une heure après, il s'était endormi. Pendant la nuit, je m'étais levée, j'avais rassemblé mes affaires et j'étais partie. Seule. Sans lui. Le lendemain, il m'avait laissé 14 messages que je n'avais pas écoutés.
Le 14 février arriva. Ce soir de Saint-Valentin, j'étais plus que déprimée. Toute seule devant une énième rediffusion de Coup de foudre à Notting Hill, vêtue d'un pyjama C&A désassorti, les cheveux gras et la peau terne, je mangeais des mini-saucissons à la chaîne en buvant du coca sans sucre, sans caféine et sans bulle directement à la bouteille. Je faisais de très gros efforts pour ne pas pleurer ; j'allais avoir 30 ans, et l'homme de ma vie était en train de fêter le jour des amoureux avec la mère de ses enfants...
L'interphone sonna : j'attendais ma copine Jess, fraîchement larguée comme toujours. J'ouvris machinalement, défis le loquet de la porte, l'entrouvris, allai me rasseoir sur le canapé.
J'entendis la porte grincer...
Une voix grave :
- T'es là ?
C'était Mattéo ! Que faisait-il ici ?
Cachant mon pot de saucissons sous la table basse, j'enfilai en quatrième vitesse une robe de chambre pour cacher mon pyjama.
- Mais... que fais-tu là ?
Un coup d'œil à sa droite me permit de constater qu'il traînait derrière lui deux énormes valises. Je n'osais pas y croire.
- Tu... tu... tu l'as fait ?
- Tu as une place sur ton lavabo pour ma brosse à dents ?

Que nous cache les professeurs ♡Où les histoires vivent. Découvrez maintenant