0 - ailes bleues

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Frontière -
Les mêmes oiseaux
Des deux côtés.
— I. L. Balán

  Nihal se perd souvent dans les cieux. De jour comme de nuit, de pluie comme de neige, elle ne peut se séparer de la Lune et du Soleil. Quand tout devient noir, la lumière des astres la guide sur le chemin à suivre. Ici, les jambes figées de bleu, elle ne peut que lever les yeux au ciel, demandant réponses à ses questions terrifiées. Enveloppée de la voûte céleste trempée de noir, tachée de sang, couverte de chaleur et d'effroi, tout lui semble si confus.

  Parfois, lors de nuits illuminées de rires, elle danse le long des bras heureux de la nuit. Elle rit, lui parle et quelques fois lui hurle de descendre la rejoindre. Ses poings cherchent à agripper la nuit et sa chaleur pour la loger jusqu'au plus profond de son être. Ici encore, elle ne veut qu'hurler à l'astre de venir la réchauffer. Mais ici comme là-bas, elle ne le fait jamais. Elle reste là-haut, couverte de taches, l'enveloppant gentiment de sa réconfortante noirceur. Alors elle ne peut qu'apprécier tristement les étreintes distantes de la gigantesque voûte.

  Cette fois, ni la Lune, ni ses étoiles ne peuvent lui dessiner un chemin. Tous semblent frêles, incertains, puant de sang et d'effroi. Ses jambes lui hurlent de s'enfuir, de se réfugier sous ses draps, elles se lamentent d'une peur bleue. La même lui tordant l'estomac, la même lui coupant le souffle erratique. C'est un bleu qui lui traverse le coeur, les poumons et les tempes. Le commandant et des dizaines d'autres soldats se dressent fièrement devant un chemin taché de rouge, de putride et de bleu. Elle n'en veut pas. De ce bleu, de ce rouge, du vert que les couleurs forcent de son œsophage. Elle ne veut pas d'un chemin de cadavre, d'un avenir jonché de mort et de derniers Lunes. Elle refuse les aurevoirs permanents, les bonjours miraculeux.

  Pourtant, ses jambes tremblant de bleu ne bougent pas du sol terreux. Sa tête plonge dans le ciel fumant de deuils, les oiseaux nocturnes volent à travers le reste de Trost ardent. Ah. Elle aussi, veut explorer les cieux, la terre et l'horizon. Elle souhaite danser à l'extérieur des murs, avec ses proches et la Lune. Là-bas, libres de tout ; titans et hommes. Peut-être est-ce pourquoi ses jambes sont résolues à percer la terre fébrile. L'orange les peignant d'espoir espère courir le long des oiseaux libres.

  Elle regarde le commandant, les soldats à ses côtés, ses compagnons apeurés à ses côtés. Un sourire bleu troue ses joues, des larmes silencieuses tombent à terre. Solennellement, elle fait le deuil du blanc de ses jours calmes. Elle inspire les nouvelles couleurs de son chemin tremblant. Le bleu lui semble un peu moins difficile à vaincre, le coeur armé d'orange.

Le Journal [Livaï Ackerman]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant