neuf -

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aujourd’hui j’ai pleuré dans une salle de cinéma.
c’était organique, je crois.
j’en ai les yeux gonflés,
comme si les images s’étaient échappées de moi, de mon ventre et de mes entrailles pour ne former qu’un avec mes larmes,
me laissant là,
désuète,
au milieu de cette cacophonie parfois presque insurmontable.

les lumières éteintes j’ai pleuré pleuré pleuré parce que chaque mot prononcé me sautait à la gorge dans une sauvagerie que je n’ai que rarement connue.
chaque syllabe devient alors une arme
- redoutable -
qui prend la forme d’un miroir qui se campe face à moi.
contrainte à le regarder
je pleure,
infiniment je pleure,
je braille
je pleurniche
je chiale et j’étouffe dans le noir,
là où personne ne sera jamais là pour contempler mes sanglots.









ma vie est devenue une bête sauvage.











et soudainement c’est comme une odeur d'ammoniaque qui prend à la gorge, c’est comme dégringoler d’une montagne, passer sous les roues d’un camion ou mourir étouffé, c’est comme s’abandonner presque lâchement dans les bras de l’été - à corps perdu - en attendant que la mort vienne me cueillir, c’est comme le soleil du velux dans les yeux comme le sang sur les draps comme le boucan depuis la salle de bain comme les cris la tempête la désertion et la lâcheté.

alors je me demande - très naturellement mais non pas sans douleur - quand ma vie est-elle devenue une bête sauvage ?

les lumières toujours éteintes et le reflet de l’écran dans la rétine j’ai fermé les yeux la gorge nouée et j’ai attendu que la douleur dans mon corps s’estompe lentement.

je ne sais plus quand ma vie est sortie des rails.

je me repasse le film en continu la pellicule crame l’écran se troue et je ne sais pas, mais avec acharnement je traque chaque piste qui pourrait me mener à la réponse, la seule et l’unique que je cherche, en vain.
j’ai ce besoin irrémédiable de savoir quand, où et comment tout est devenu insupportable.

quand mon visage est-il devenu difforme ? où la mort m'est-elle soudainement apparue comme supportable ? comment s’est-elle immiscée dans mes boyaux ? aurais-je pu colmater la fuite ? quand ai-je eu l’impression que tout s’écroulait autour de moi pour la première fois ? pourquoi n’ais-je rien reconstruit dès la première fois ? que faire du vide immense dans le fond de mon corps ?

j’imagine cette idée m’agresser soudainement,
me menaçant avec un couteau aiguisé avant de me droguer toute la nuit, pour qu’il ne m’en reste aucun souvenir le lendemain matin, juste une voix cassée et un corps tombé en ruines. 

ma vie est une bête sauvage.
hors de contrôle, je n’ai jamais su la tenir en laisse.
si ma vie est une bête sauvage alors moi, je suis quoi au milieu de cet immense brasier ?

maïaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant