onze -

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     mes lèvres se dessinent en février.
elle ressemblent aux lumières jaunes des salles de concert, aux néons rouges de l’olympia et au magenta du RER E. leur contours se sont lentement dessinés, à force d’étreintes et de baisers, a force de découvrir leur enceinte grâce aux frontières d’une autre.
mes lèvres sont fines et rosées.
j’aime, parfois, les recouvrir de noir. c’est rare. je pense que je n’ose pas tout à fait exister comme ça. alors je me contente de leur rose un peu trop rose et brillant pour moi.

      les poings serrés j’avance à pas distraits entre les morceaux de verre cassés et le corps de papa qui dort par terre. j’ai les phalanges bleues et les doigts en sang. je regarde le verre et j’aimerai m’y noyer, parfois. maman ramasse quelques morceaux par terre pour les jeter à la poubelle. je repense à duras et à l’alcool et soudainement je la déteste pour ce qu’elle en dit, pour la manière dont il semble ne pas l’atteindre, la rendre presque immortelle. j’ai les mains rouges et bleues et j’avance à reculons quand dans la salle de bain je me noie. j’évite les cris et je suffoque. je ne respire plus.
je me contente de mordre dans ma main en attendant de m’endormir, seule, sur le carrelage de la salle de bain.

      de mes épaules à mes poignets, de mes hanches à mes chevilles mes doigts se lancent et éprouvent ma colère. ma peau est un amas de sang séché et de larmes, quand je pleure des torrents et saigne des rivières. mon corps comme lit, mes plaies comme embouchures.
l’écume de l’été comme vêtement je me contente de ces horizons blancs et roses pour réapprendre à exister une fois la nuit venue. mes cicatrices s’échouent dans mes draps et se camouflent dans quelques dessins qui, une fois endormie, n’existent plus pour personne. alors presque désespérément j’arrache ma peau dans ce mouvement d’une urgence inespérée et je me camoufle dans la nuit une fois le soir venu.

maïaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant