Le Violoniste ⁽ᵛᵏᵒᵒᵏ⁾

Chapitre 2

Ce matin-ci, les draps étaient encore froids lorsque je m'étais réveillé, pourtant, son odeur, elle, était encore là. C'était comme si à chaque fois il ne restait plus de lui que des vestiges de sa présence sous formes des souvenirs de la nuit passée, qu'il avait été là sans vraiment l'être. J'enfonçai ma tête dans son oreiller pour humer son odeur que j'aimais tant. Puis après quelques temps supplémentaire, je me levai avec l'espoir de le trouver dans le salon.

J'attrapai un caleçon pour l'enfiler par pudeur et me dirigeai vers la pièce principale. J'eus la déception de la trouver vide. Je m'approchai du bar désormais totalement propre et découvris un post-it, noirci d'un mot aussi clair que concis.

"Je m'en vais toute la journée, ne m'attends pas."

Je soupirai, peu surpris. Il était huit heures, son départ n'était pas étonnant. Je remarquai que comme chaque fois que je dormais avec lui, j'avais été apaisé et que ma nuit avait été complète, ça n'arrivait avec personne d'autre que lui, pas même avec Jimin.

J'attrapai le post-it pour le mettre dans ma poche. Chaque petite trace de lui me permettait de m'accrocher à notre relation comme à un radeau perdu en pleine mer. Je nageais sans cesse, avec acharnement, mais n'arrivais jamais à me raccrocher. Et chaque jour qui passait, il semblait s'éloigner un peu plus de moi.

Mes yeux louchèrent sur le violon exhibé dans le salon qui faisait concurrence au piano. Peut- être qu'il me narguait moi aussi, en me rappelant qu'il passerait toujours avant moi. Je me dirigeai vers lui et le soulevai avec délicatesse. C'était vraiment un objet magnifique, qui aurait pu être de collection s'il n'avait pas été encore utilisé. Je le portai au creux de mon cou, attrapai l'archer et fermai les yeux en tentant de ressentir ce qu'il ressentait; de partager les émotions qui le prenaient aux tripes lorsqu'il faisait frémir les cordes de l'instrument. Je crus percevoir une sensation fugace de plénitude mais ce n'était pas l'objet en lui-même qui me faisait ressentir cela, c'était l'impression d'être lui, de le ressentir pleinement dans ma peau, dans mon coeur et partout où il pouvait s'immiscer.

Je reposai le violon sur son portoir, attristé de voir que sa passion ne me contaminerait probablement jamais.
Je me rhabillai, attrapai le double des clefs qu'il m'avait laissé et quittai l'appartement.

Sur mon chemin jusqu'à mon propre appartement je me mis à réfléchir à l'engagement que j'avais pris. Il allait falloir que j'espionne un homme très célèbre que je ne connaissais nullement et qui m'intimidait au plus haut point sans me faire attraper. La tâche s'avérait compliquée. Je ne connaissais rien d'autre de lui que sa musique et sa prestance. Je partais dans cette quête sans le moindre indice, il allait alors falloir que je les collecte moi-même.

Dans le métro, j'ouvris Instagram comme à mon habitude et dans un élan de curiosité mêlé à une envie de me débarrasser au plus vite de ma mission, j'entrai le nom "Kim Taehyung" dans la barre de recherche. Un compte certifié apparut directement, tout en haut de la page. Il s'intitulait sobrement "kim.taehyung". Mon index cliqua sur le compte et je fus aussi surpris que déçu de m'apercevoir qu'il était presque vide. Seules deux photos étaient affichées. La première avait été prise lors d'un de ses concerts, il y a six mois de cela à Tokyo; on l'y voyait tenir son violon, les yeux fermés, face à un public lointain mais époustouflé. La seconde était juste une vague photo d'un ciel noir sans étoiles, et sous celle-ci, une description attira mon attention. Il était inscrit "la vie est une nuit polaire". La photo datait d'il y a un mois, et elle était à mes yeux aussi énigmatique que son lui tout entier. Rien de cette page ne pouvait m'apporter le moindre renseignement sur lui, j'en était certain à présent. Alors je la quittai.

Je décidai alors d'approfondir mes recherches en cliquant sur un des hashtags portant son nom, j'y trouvai de nombreux comptes fans, majoritairement crées par des jeunes femmes davantage passionnées par son physique que par sa musique. Et quelque part, je ne pouvais pas leur donner tort. Il avait un physique incroyablement harmonieux, symétrique et longiligne, le tout complété par un visage aux traits carrés et presque parfaits. Je cliquai au hasard sur un des comptes, ne sachant lequel choisir tant le choix qui m'était proposé était vaste. Le compte sur lequel je venais de cliquer semblait davantage porter sur les actualités à son sujet. Chacun des évènements auquel il participait étaient recensés dans des publications et je trouvai cela aussi effrayant qu'admirable de fournir tant d'efforts pour quelqu'un que l'on ne connaissait pas.