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Face à la secrétaire dépourvue d'une quelconque amabilité, elle me regarde avec indifférence, cherche dans une pile de documents avec une lenteur déconcertante qui met à mal le peu de patience qu'il me reste. Je soupire profondément, affiche mon agacement qui ne semble pas le moins du monde l'ébranler. Enfin, derrière son comptoir qu'elle dépasse à peine, décoré d'une unique plante verte et les faibles rayons du soleil qui filtrent à travers les stores baissés de moitié pour égayer la pièce, elle finit par me tendre mon dossier avec mon nom inscrit en lettre capitale.

Sans attendre, je m'en saisis, lui offre un imperceptible sourire condescendant puis quitte le hall sans âme du bâtiment administratif de l'université central du Connecticut.

Sur le trajet pour rejoindre le parking, je consulte le plan du campus ainsi que le numéro de ma chambre : 245. Évidemment, la résidence est à l'opposé. Chaque évènement de la journée semble prendre un malin plaisir à me torturer quand je ne rêve que d'une chose, m'affaler sur un lit après douze heures de route depuis le Michigan, une nuit dans un motel miteux où j'ai à peine dormi trois heures.

Sous le soleil en déclin, une brise fraiche pour m'accompagner jusqu'à ma Chevrolet Impala noire garée sur le parking, j'ouvre la portière, balance le dossier sur la place passagère, puis la referme. De nombreux étudiants foulent la pelouse qui entoure la place, à l'ombre des chênes qui s'élèvent fièrement vers le ciel, discutent entre eux sur les quelques tables de pique-nique installées ici et là sur l'herbe. Certains d'entre eux admirent ma voiture, je n'y prête pas attention, récupère le paquet de clopes dans ma boite à gants, m'adosse contre le pare-chocs. Je n'aime pas vraiment me faire remarquer, mais difficile de ne pas attirer les regards avec cette merveille que j'ai soigneusement retapée avec mon meilleur ami d'enfance.

J'allume ma clope, laisse la fumée envahir mes poumons, et souffle de contentement. J'observe les environs, apprécie la propreté et la splendeur des bâtiments de style victorien qui se dressent devant moi. Une odeur d'herbe coupée qui se mélange avec les parterres de fleurs disséminés un peu partout et colorent le paysage.

Après quoi, je jette mon mégot dans la poubelle non loin de moi, et reprends la route direction les dortoirs. J'espère qu'une place sera libre non loin de l'entrer, très peu motivé à faire de nombreux aller-retour pour monter les quelques affaires que j'ai ramenées avec moi.

Quinze minutes plus tard, je me gare sur une place qui vient de se libérer, à peine à une dizaine de mètres de l'entrée de la résidence. Ici, même décore de brique rouge, les entourages de fenêtre blancs sculptés, une pelouse parfaitement entretenue, et également quelques tables de pique-nique installées à l'ombre de hauts arbres.

Sans perdre une seconde, lorsque le soleil se rapproche doucement de l'horizon et colore le ciel d'une teinte orangée, je quitte ma voiture, y laisse mes affaires quand je préfère déjà prendre le temps de découvrir les lieux, grimpe les trois longues marches en pierre, puis franchis la porte du hall.

À ma grande surprise, cet endroit est plutôt accueillant. Les murs couleur crème laissent entrer la lumière, même si le sol est recouvert d'une affreuse moquette grise usée par des années de passage. De grosses plantes un peu flétries sont posées à même le sol de chaque côté des murs du hall, dans de gros pots en terre cuite, un escalier face à moi pour accéder aux étages ainsi qu'un petit ascenseur sur la gauche. Deuxième étage, j'avance dans le couloir de l'aile droite, mon regard oscille entre les numéros des portes et le document que je tiens entre mes mains. Chambre 242,243,244... Le nez sur le plan, je ne prête pas attention aux personnes qui m'entourent et percute quelqu'un de plein fouet.

— Aïe ! Putain, tu pourrais faire un peu attention ! me réprimande une voix féminine.

Sans même la regarder, je m'accroupis pour récupérer mes documents désormais éparpillés sur la moquette.

SAVED chapitre 1 { en réécriture }Où les histoires vivent. Découvrez maintenant