Mardi, 9 h 54. À la fac, pendant un cours sur Pontus de Tyad, Erreurs amoureuses.
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Fut un temps, lorsque mon âge n'avait pas encore atteint la dizaine, je manifestais déjà un penchant prononcé pour la pêche aux canards. Puis les époques changent. Douze ans plus tard, j'ai évolué : à présent, j'excelle dans la pêche aux connards.
J'veux rien savoir : cinq ans de relation de paix et d'harmonie avec mes belles-lettres en excluant tout type de liaison toxico-amoureuse, ça a eu pour incidence de me métamorphoser. Aujourd'hui, j'ai plus l'temps pour ces conneries à l'eau de rose. Si j'me fie à ma propre déduction et me base sur ma propre expérience, les filles intelligentes ouvrent leur esprit, les filles faciles leurs cuisses, les plus douces leur cœur et... y'a moi, en dehors de cette foule qui n'ouvre que des bouquins, des classeurs et des supports de cours.
En revanche, celui-là me sort par les trous de nez depuis 8 heures ce matin, j'en peux plus. Les erreurs amoureuses, faut même plus heurter le sujet avec moi, à force d'en avoir composé des dizaines. Quand on me demande ce que m'évoque l'amour, en principe, j'laisse un blanc. Pourtant, quelquefois, j'ose clamer haut et fort que cette dévotion ne semble rien de plus qu'un état dans lequel on s'impose de s'emprisonner soi-même. En fait, ce désir amoureux réside essentiellement dans la capacité à trouver un homme qui me fascinerait autant que les livres parviennent à me séduire. Et bientôt, on comprendra pourquoi ça foire la plupart du temps.
Au premier rang de l'un de mes nombreux auditoires, illuminé par le soleil chauffant que laissent outrepasser les fenêtres, je ne perçois pas grand-chose d'autre ; si ce n'est le silence perçant des quelques étudiants qui dorment tous derrière moi. Je compte les minutes : le temps avance à l'allure de ma grand-mère. J'ai envie de chialer. Le prof, devant nous, déblatère des mots, mais aucun ne parvient à s'introduire aux creux de mes oreilles. Les sonnets décasyllabiques, c'est définitivement pas ma came.
Seule, inconnue, le dos courbé, les mains croisées (j'espère que vous avez la suite), j'suis littéralement en phase de décomposition assise sur ma chaise, attendant en vain de pouvoir m'échapper d'ici. Mon cerveau, lui, tente de s'évader en se focalisant dans un domaine plus constructif : le cours suivant sur la querelle des Anciens et des Modernes de Richelieu. Eh non, merde, y a d'abord la pause de midi avant de pouvoir m'y replonger. Mais comme d'hab, j'vais passer mon tour. Pourquoi ? Car l'Élite avec un E (j'en suis la présidente) se nourrit exclusivement de connaissances et s'abreuve de culture.
En ce qui me concerne, j'vais manger dans la bibliothèque pour la pause.
Ces dernières années, chacun de mes professeurs de français a su m'éclairer. Tous ont fini par m'ouvrir les yeux à un moment donné. Avec le temps et de l'acquis, j'ai appris que le savoir est un AK-47, et qu'être en possession d'une telle arme signifie que j'suis en mesure de mépriser (ou de faire caner) plus de huit personnes sur dix. Et ça, rien qu'en exigeant la définition du terme : apopathodiaphulatophobie.
Remarque : J'me demande comment un mot peut être à la fois si représentatif et si à chier. Après, j'ai pas la science infuse non plus, loin de là... mais j'dois bien reconnaitre me sentir infatuée quand j'atteins le high level en plaçant des expressions amphigouriques dans des conversations, genre « hexakosioihexekontahexaphobie » qu'est la peur du nombre satanique : le 666 (issu de la foi chrétienne surtout). Ou du mot grotesque et impitoyable « hippopotomonstrosesquippedaliophobie » qu'est défini par la phobie des mots visiblement trop longs...
Vous la sentez l'ironie là ? Ceux parvenus jusqu'ici, bravo. Quant aux quelques-uns restés en PLS plus haut, ils n'iront pas plus loin.
Si c'est pas du sadisme lucratif ça.
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J'peux pas, j'ai cours !
HumorFut un temps, lorsque mon âge n'avait pas encore atteint la dizaine, je manifestais déjà un penchant prononcé pour la pêche aux canards. Puis les époques changent. Douze ans plus tard, j'ai évolué : à présent, j'excelle dans la pêche aux connards. J...