Bonus 1

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Madoc était né sur un champ de bataille. D'un coup de lame, sa mère avait tranché le cordon ombilicale, enveloppé le bébé dans sa cape et repris le combat, malgré ses cuisses tachées de rouge et les hurlements de son nouveau-né, semblables à ceux des mourants autour d'eux. Ce jour-là comme de nombreuses fois par la suite, elle avait remporté la bataille. Pourtant, elle avait toujours rappelé à Madoc que, s'il voulait gagner, il devait garder à l'esprit que la victoire n'était pas éternelle. Nés dans le sang, élevés dans le carnage, disaient les
bonnets-rouges.

Ces derniers mois, Madoc a souvent repensé à ce conseil, comme il a repensé à ce qu'avait dit Jude lorsqu'il avait réalisé qu'elle l'avait empoisonné. Et lorsqu'il s'était demandé si elle avait eu l'intention de l'épargner.
Père, je suis ce que tu as fait de moi.
Madoc observe son bureau: le sol jonché de feuilles de papier, les chaises brisées. Au mariage de Taryn, il avait surpris une conversation entre Jude et le Grand Roi.  En les entendant, il avait été saisi de colère. Une colère noire, furieuse. Depuis, il a compris que non seulement elle avait gagné et avait subtilisé la couronne juste sous son nez, mais qu'en plus elle s'était bien mieux débrouillée qu'il ne l'avait cru. Lui qui avait siégé aux réunions du Conseil Vivant en ayant pitié d'elle! Pauvre gamine amoureuse d'un joli prince, dont les flatteries lui avaient tourné la tête et qui, pour le servir, avait renoncé à son propre avenir! Il se faisait l'effet de n'être qu'un vieil imbécile. Il s'inquiétait, même. Il se demandait comment la convaincre de rejoindre son camp, élaborait des stratégies qui permettraient à Jude de conserver sa dignité tout en admettant s'être trompée. Il l'imaginait en pleurs, le cœur en miettes, prête à redevenir sa fille dévouée.
Or, depuis le début, c'était elle qui tenait les rênes du pouvoir, réprimant jusqu'au moindre sourire quand elle distribuait des ordres qui venaient soi-disant de cet idiot de jeune roi. Elle s'était laissé mépriser par tous, alors qu'elle hurlait probablement de rire dans leur dos.
Maintenant, Jude est prisonnière des Fonds marins, sans doute soumise à la torture. Et, d'une manière ou j'une autre, Madoc doit mettre toute sa colère de côté pour se concentrer sur le moyen de la récupérer.
Il s'est donc juré de lui montrer que, même si elle l'a dupé à deux reprises, c'est toujours lui qui commande. Ce n'est pas pour rien qu'il était grand général bien avant sa naissance. Il l'arrachera à Orlagh. Il montrera à sa fille de quel bois il se chauffe, puis il la punira. Car, sans châtiment, comment un enfant retiendrait-il la lecon ?
Mais, en entrant dans la salle du trône, Madoc prend conscience qu'il a un plus gros problème: Cardan, le plus jeune et le pire des héritiers d'Eldred, est toujours Grand Roi. Sans Jude dans les parages pour lui donner des ordres, il peut agir à sa guise. Après tout, si elle est coincée au fond de la mer, elle n'exerce plus aucune autorité sur lui.
La situation actuelle étant favorable à Cardan, comment Madoc peut-il le convaincre de parvenir à un accord avec Orlagh ? Comment peut-il avoir une quelconque influence sur ce garçon ridicule ?

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