Un Enterrement

Chapitre 2

Je pris la ligne 2 du métro et me dirigeai vers le crématorium du Père Lachaise. Finalement j'arrivai  vers dix heures et pour ne pas être trop en avance je fis un tour du cimetière. 

 Je suis né à Paris et pourtant je n'avais encore jamais visité le Père Lachaise. Mais combien de parisiens ne sont jamais montés au sommet de la tour Eiffel ? On ne prend jamais le temps d'apprécier ce que l'on a sous les yeux. Ni d'aimer les gens lorsqu'ils sont près de nous. C'est un cliché, mais maintenant qu'elle est partie je me dis que c'est un cliché tristement vrai. 

Nous étions la mi-novembre, le ciel bleu était parsemé de nuages ​​duveteux. Quelques rayons dorés embrassaient les tombes, rousses comme ses cheveux. L'automne est ma saison préférée. J'aime voir les arbres s'habiller de pourpre et d'ocre, tout en sobriété. La beauté automnale est discrète, elle ne se révèle qu'aux yeux observateurs et aux coeurs mélancoliques. Si vous avez av i ez demandé sa saison préférée à Zoé, elle aurait certainement répondu l'été. 

 Je me présentai enfin au bureau d'accueil, les agents de crémation m'emmenèrent alors dans la salle d'attente. Là, il y avait ses parents, ses grands-parents, sa sœur, et quelques personnes que je connaissais pas. De la famille, j'imagine. Et il y avait Benjamin,son compagnon.

Lucie – sa petite sœur- vint m'accueillir. Elle avait sur la tête deux antennes et des ailes de papillons dans le dos. « Simon ! Je suis content de te voir. Il est marrant ton déguisement de chat. » Elle esquissa un sourire qui détonna avec son regard funèbre.

- Oui, c'est un ancien déguisement à elle que j'avais récupéré...

- Oh ! C'est un bel homma... Elle ne parvint pas à terminer sa phrase qui fut noyée sous ses sanglots. Je la pris dans mes bras et au bout de quelques secondes elle se dégagea de mon étreinte, elle essuya ses yeux et me dit : 

- Moi je suis déguisée en papillon. Tu sais à quel point Zoé aimait les papillons. Au final, je n'ai jamais su pourquoi... Oh, j'ai bien des idées, mais Zoé ne s'est jamais vraimentexprimée sur le sujet... Je trouve que ça lui correspond bien tu vois, les papillons, la liberté, le renouveau, tout ça. Leurs belles couleurs. Tu savais que les papillons ne vivent qu'une quinzaine de jours ? Oh Simon, j'espère qu'ils vivent ses deux semaines avec ardeur ! 

- De ce que je sais, ses quinze jours sont surtout pour eux le moment de se reproduire...

- Ahah, Zoé aurait pensé qu'il n'y avait pasde meilleure façon de profiter de ce peu de temps de vie ! On se mit à rire et cette fois notre rire ne détonnait pas avec nos regards.

Benjamin vint me serrer la main. Lui était déguisé en clown.

-Simon ! Comment vas-tu ? Il me tendit la main puis broya la mienne. Pourquoi tu fais cette tête d'enterrement ahah ? Et il se mit à rire. Je ne sus pas quoi répondre et il enchaîna :

- Tu sais comment était Zoé, ça ne serait pas lui rendre hommage que de faire la gueule. Puis, c'est ce qu'elle a demandé dans sa lettre tu sais... Efforçons-nous de sourire et de rigoler hein mon vieux. T'as vu, même ses grands-parents ont joué le jeu. Bon rien d'incroyable, mais sa grand-mère a mis des fleurs dans ses cheveux et son grand-père porte une cravate avec des chats en motif. C'est mignon. Je suis content que tout le monde ait fait un effort. Bon d'autres gens arrivent, je te laisse je vais les accueillir. A tout à l'heure vieux. »

En effet, les gens commençaient à arriver. Je fus content lorsque je reconnus Célia et Julie. Quand elles me virent elles marchèrent vers moi et nous nous prîmes tous les trois dans les bras. Toutes les deux avaient un foulard rouge noué autour du cou.

Nous continuâmes à parler, heureux de nous retrouver et malheureux que notre groupe ne soit plus jamais au complet. 

 La salle d'attente m'a paru soudainement bondée. Elle débordait de gens costumés. Nous nous serions crus à une véritable soirée : Zoé aurait été ravie. 

Les agents crématoires étaient interloqués, ils n'avaient jamais rien vu de tel auparavant. Puis ils s'approchèrent de nous, avec une certaine réserve, non dépourvue de dédain. Ils annoncèrent que nous allions descendre au sous-sol, dans la salle de recueil, et nous les suivîmes.