CHAPITRE 19

25 2 0
                                    

PDV ANDRÉA
Nous sommes dans la voiture qui nous ramène, le silence règne et je sens les coups d'œil anxieux de Philippée sur moi. J'ai envie de le rassurer, de lui dire que je ne lui en veux pas et que c'est plutôt à moi de m'excuser mais je n'en ai pas la force. Maintenant qu'on l'a récupéré, que je le sais en sécurité et que j'ai discuté avec Christopher, je ressens le contrecoup de tout ça. J'ai les oreilles qui bourdonnent j'ai l'impression que ma tête est enfermée dans un étau qui se resserre à mesure que les secondes s'écoulent. J'essaie de respirer profondément, j'ai beaucoup tiré sur la corde ces derniers jours. Une quantité d'imprévus incroyables m'y ont poussés. Il faut ajouter le retour de Christopher dans ma vie et je subis une explosion émotionnelle que ma pauvre petite tête ne peut pas supporter. Je m'en veux d'être si faible et de ne même pas pouvoir rassurer mon fils. Je vais fermer les yeux quelques secondes pour me reprendre en attendant qu'on arrive.

Pdv. Jordan
D'accord j'aurai peut-être pas dû le frapper. Mais putain ça fait huit ans que ça me démange ! Et puis de voir Philippée se jeter comme ça entre nous pour le protéger... merde. C'est son père. C'est vraiment son père et ces derniers jours je me rends compte que je n'avais jamais réalisé ce que ça signifie vraiment. Christopher est le père de Philippée et je ne sais pas si j'aime ce que ça représente. Je me rappelle encore d'une époque où ma meilleure amie me prenait pour lui et qu'elle hurlait quand je m'approchais d'elle. Je me rappelle encore de ce jour sinistre où elle a réussi à m'assomer avec une poêle et à mon réveil elle avait disparu avec le bébé. Un bébé d'un mois. Je n'ai jamais eu autant peur pour elle et pour le petit. Je n'ai jamais eu autant peur de ma vie. J'ai dû appeler la police et les secours au cas où. Bien sûr les services sociaux sont intervenus on a failli lui arracher le petit mais je savais qu'elle allait guérir. Je savais que je pouvais l'aider. Je savais qu'elle était forte. Mais si son souvenir a autant bouleversé sa vie, je me demande ce qu'il se passera maintenant qu'il est là...bien réel. L'état de santé d'Andréa a été difficile à gérer parcequ'au début il ne s'est pas déclaré. Elle s'est réveillé après des semaines de coma et le seul problème qu'elle avait c'était sa mobilité. Elle avait du mal à coordonner ses gestes pour marcher ou pour écrire c'était tout. Son oedème cérébral c'était résorbé l'opération c'était bien passé et malgré les lésions, les médecins étaient optimistes quand aux dommages. Les choses nous sont tombées dessus à un mois de son accouchement. Les pertes de mémoire, la perte de la notion du temps, les crises de colère. Au début on a cru que c'était un baby blue ou une dépression post-partum très précoce et particulièrement violente. Les hormones n'ont pas aidés à comprendre assez vite le problème. On pensait qu'après l'accouchement tout rentrerait petit à petit dans l'ordre mais tout s'est empiré. Elle était dangereuse pour elle même, pour l'entourage pour le bébé. Mais tout ça est derrière nous maintenant. Philippée va bien et elle aussi... enfin je sais pas pour combien de temps. Le problème d'Andréa a toujours été son imagination. Elle a une imagination tellement fertile et ne pas savoir ce qui s'est réellement passé avec Christopher ce soir là est ce qu'il y a de pire pour elle. Son imagination est en roue libre et alimente ses cauchemars. Plus elle y pense et plus elle se fait des films horribles. Ça me désole pour elle mais je ne peux rien faire. La seule fois que j'ai essayé de l'aider pour lui montrer que Christopher ne l'avait peut-être pas brutalisé, je lui ai fait lire un article qui disait que la plupart des violeurs utilisaient des drogues qui endorment leur victimes... quelle erreur ! Elle a développé rapidement une phobie du sommeil. Elle avait l'impression que dès qu'elle s'endormait elle devenait un cadavre vulnérable qu'on pouvait profaner à sa guise. Ça a duré un mois. Un mois pendant lequel elle dormait une heure ou deux dans la journée enfermée à double tour seule dans sa chambre. Après ça on a décidé qu'il était temps qu'elle soient suivie à temps plein par un professionnel et non périodiquement. Je n'ai plus jamais essayé de l'aider à rendre plus supportable ces huit heures de sa vie dont elle ignore tout. Je suis là pour elle , je vais au front avec elle, c'est tout ce que je peux faire finalement. Et je pensais qu'elle aimait ça... m'avoir à ses côtés dans toutes ces batailles. Mais aujourd'hui...elle m'a demandé de m'en aller. De la laisser seule avec lui.  J'avoue que ça m'a choqué, tellement choqué que je n'arrive même plus à la regarder depuis qu'elle est revenue. Est-ce qu'elle m'en veut de l'avoir frappé ? Est-ce que je l'étouffe? Je prends trop de place ? J'ai toujours tout fait pour ne pas devenir un de ces horribles grand frère étouffants et surprotecteurs. Je ne veux pas qu'elle me déteste où qu'elle aie l'impression que je veux contrôler sa vie mais je n'approuve pas du tout qu'elle aie choisi de rester seule avec lui. Je sais bien qu'il ne lui fera plus de mal. D'ailleurs je ne comprends pas comment il a pu lui en faire par le passé; il l'a toujours aimé ce fou.
J'arrête la voiture dans le parking. Le silence est à couper au couteau. Philippée se fait tout petit dans son siège et n'ose pas faire le moindre bruit. Il a bien raison, parceque j'ai deux mots à lui dire. C'est le silence d'Andréa qui m'inquiète...je me demande ce que Christopher a bien pu lui dire pour qu'elle soit si silencieuse. Je lève la tête pour l'apercevoir dans le rétroviseur. Elle a la tête jetée en arrière et les yeux fermés. Elle ne s'est certainement pas rendue compte qu'on était arrivé.
- Andie...on est arrivé..
Elle ne répond pas. Je me retourne carrément vers elle. La première chose que je vois c'est sa main serrée autour de la hanse de son sac tellement fort que ses jointures en sont blanches. Comme si elle luttait contre la douleur. La peur se déverse en moi comme une eau sombre et visqueuse qui pourri tout sur son passage. Je l'appelle encore :
- Andréa ? Andie ? Mon cœur s'il te plaît où est-ce que tu as mal? À la tête ? Andie ?! Putain répond ! Je vais tout casser ! Andréa !!
- Maman ?? Maman !!!
Philippée détache sa ceinture et se précipite vers l'arrière pour la secouer. Mais je l'arrerte. Je tends la main vers celle d'Andréa. Elle a peut-être trop mal pour répondre ou pour ouvrir les yeux.
- Je vais prendre ta main chérie. Je vais prendre ta main et si tu m'entends tu vas serrer la mienne de toutes tes forces ok ?
Mais dès que je touche sa main, je sais qu'elle ne m'entends pas. Sa main est trop froide et cette fois c'est moi qui détache ma ceinture pour me précipiter à l'arrière. Je vérifie son poûl à plusieurs reprises mais mes mains tremblent tellement que je ne sens rien. Et puis il y a Philippée qui me pause un tas de questions en hurlant. Je reviens vers l'avant et je remets ma ceinture.
- Philippée met ta ceinture, on va à l'hôpital !
Mais il se met à hurler :
- Elle saigne ! Elle saigne par le nez!
Je jette un regard dans le rétroviseur pour me rendre compte que c'est vrai. Et bizarrement ça me soulage. Je n'ai pas pu sentir son poûl tout à l'heure mais si elle arrive encore à saigner, c'est que son cœur bat toujours. Elle est toujours vivante. Dieu merci.
- Philippée met ta ceinture s'il te plaît. On amène maman à l'hôpital.
Il m'écoute enfin et je démarre sur les chapeaux de roues en priant tous les dieux de l'univers pour qu'il ne soit pas trop tard.

Pour PhilippéeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant