PDV CHRISTOPHER
Quand j'entre chez-moi, il est déjà trop tard dans la nuit pour que je songe à appeler Philippée. De toute façon, je ne suis pas en état de lui parler. Je risque de l'inquiéter inutilement. J'étais tellement préoccupé par tout ce que j'avais vu et appris ce soir que j'avais déjà fais la moitié du chemin avant de me rendre compte que j'avais laissé ma voiture à l'hôpital. Tampis ! J'avais besoin de marcher de toute façon. Cette marche ne m'a malheureusement pas éclairci les idées comme je l'espérais. Ce n'est pas bien grave puisque pour le moment la douleur dans mes jambes anesthésie celle dans ma poitrine. Note à moi même : il est imprudent de faire de longues marches dans mes chaussures de bureau. Je dois avoir des ampoules. Je m'en occuperai demain. Ma seule ambition pour le moment est de retrouver mon oreiller pour m'endormir après avoir pleuré deux bonnes heures.
Malheureusement pour moi quand les portes de l'ascenseur s'ouvrent, ce n'est pas le calme apaisant de mon appartement qui m'acceuille, mais une musique rock and roll qui m'agresse les tympans.
- Mais qu'est-ce...
Au milieu du salon, sautant dans tous les sens une jeune fille brune s'agite comme prise d'une crise d'épilepsie particulièrement violente. C'est là que ça me revient : j'ai invité Eve à vivre chez moi. Ce n'était clairement pas le bon jour. Je m'avance furieusement vers le meuble du salon et débranche la chaîne hifi. Le calme reviens enfin, même si mes oreilles sifflent d'avoir eu à écouter cette atrocité. Détrompez vous je n'ai rien contre le rock'n'roll. Du moment qu'on ne le joue pas à plein volume chez-moi. Ou même dans un endroit que je fréquente ou même que je suis susceptible de fréquenter. Je n'ai rien contre cette musique tant que je ne l'entends jamais. Ma peine et ma tristesse se transforme en rage et je sais sur qui je vais la déverser. Ma vision devient flou, je vais apprendre à cette petite folle quelques règles de cohabitations. Mais au moment où je suis sur le point de me retourner pour déverser sur elle toutes ces émotions qui menacent de me faire exploser, elle se jette dans mes bras. Je ne m'y attendais pas, on tombe tous les deux sur le tapis et elle me serre fort contre elle. Il me faut quelques secondes pour me rendre compte qu'elle sanglote. C'est là que ça me revient, pour elle aussi c'était une journée horrible. Elle a perdu sa mère, elle est sans le sou, sans repère. Mes bras se ferment d'eux même autour d'elle et je la serre contre moi. J'avais sûrement besoin d'un câlin moi aussi parce que comme un imbécile je me mets à pleurer. J'essaie de le faire le plus silencieusement possible, et le plus discrètement que je peux. Mais ça fait tellement d'années que je m'interdis de m'apitoyer, tellement d'années que je m'en veux, tellement d'années que je m'interdis d'être triste parce que je ne pense pas en avoir le droit. Les vannes s'ouvrent et je n'arrive pas vraiment à me retenir. La journée a été longue, je suis épuisé physiquement et mentalement. Enfin.. mentalement ça fait des années que je suis épuisé. Je ne sais même plus pourquoi j'ai si mal, après tout je n'ai pas vécu par exemple tout ce que Jordan a dû vivre en restant près d'elle. Est-ce que j'aurai supporter de voir ce que j'ai causé ? Est-ce que j'aurai vraiment pu assumer les conséquences de mes actes ? Est-ce que c'était vraiment une bonne idée de faire à nouveau irruption dans sa vie ?
- Tu pleures ?
Ève se redresse et s'essuie les yeux d'un revers de main. Je me redresse à mon tour en essayant d'arrêter la flotte qui a décidé d'innonder mon visage. Mais j'échoue lamentablement et mon souffle est de plus en plus court. Merde je ne vais quand même pas faire une crise de panique non? Quelle image pitoyable je dois donner quand même non ? Ève me touche l'épaule et je me lève d'un bon:
- ça va je vais bien !
Je lui en veux ! Pourquoi elle est là déjà ? Pourquoi elle n'était pas dans sa chambre quand je suis rentrée ? J'avais besoin d'être seul ! Je lui lance un regard et elle recule. Je crois que tout ce que je pense transparaît sur mon visage. Elle recule de quelques pas et tourne les talons. Je pousse un soupir tremblant. Elle a compris que je voulais être seul. Je vais m'asseoir dans le canapé en essayant de reprendre mon souffle. Je jette la tête en arrière et ferme les yeux. La journée défile à toute vitesse derrière mes paupières. Je n'arrive pas à croire que c'est ce matin seulement que Philippée est entrée dans mon bureau. J'entends un bruit de vaisselle et j'ouvre les yeux. Ève Viens de déposer un plateau sur la table basse. Il y a une théière, des tasses, du sucre, du lait et un paquet de mouchoir. Elle glisse un mouchoir dans ma main et se laisse tomber à côté de moi. Elle est silencieuse. Je ne dis rien non plus. Personne n'a jamais essayé de me réconforter. Je me nettoie le visage et me mouche bruyamment. Une fois encore je n'ose pas imaginer le spectacle pitoyable que je donne. Mais je m'en fou un peu, ce n'est pas comme si j'essayais de la séduire. Mais je ne veux pas la faire fuir non plus. J'ai le cœur lourd, mais je suppose que je le mérite. Ève me tend une tasse de la boisson chaude qu'elle a préparé. Je suis touché qu'elle essaie de m'aider. Ma gorge se serre quand je prends la tasse :
- Tu n'as pas à faire ça Eve...je..tu n'as pas besoin de faire ça.
- Pourquoi ? Toi tu m'aides non? Pourquoi je ne pourrai pas en faire autant ?
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Pour Philippée
RomanceQue ressentez vous quand ce qui aurait dû être le début du reste de votre vie se transforme en cauchemar? Quatres ados en vacances pour fêter leur diplôme, des réponses positives d'universités, des hormones, de l'alcool, quelques comprimés qui traîn...